Il n’a pas été simple ce chemin jusqu’à Tokyo. Outre la pandémie, les Françaises ont pris la longue route pour se rendre aux Jeux olympiques. Celle passant par le HSBC World Rugby Sevens Series ne leur a pas porté chance. Celle plus tard passant par Kazan au championnat européen leur a été fermée en dernière minute. Il n’en restait plus qu’une. Une dernière chance de se qualifier. C’était à Monaco les 19 et 20 juin 2021.

« Nous sommes des gens impatients, des gens pressés, comme nos ancêtres l’étaient », sourit en s’excusant presque l’entraîneur David Courteix. « Bien sûr qu’on aurait souhaité nous qualifier par le circuit, nous sommes passés près. Mais dans le money time, d’autres équipes se sont avérées plus fortes que nous. On a appris de tout ça.

« Il y a eu de la déception, c’est sûr, mais ça a vite été remplacé par la farouche détermination de se qualifier. L’Angleterre avait su se montrer plus efficace et pertinente dans les moments qui comptaient. C’est aussi la performance plus que le résultat qui nous intéressait.

Le besoin d’apprendre

« Sincèrement, à Kazan on n’est pas passé à travers. Et très vite on a basculé sur l’idée qu’on voulait y aller et c’était ça qui comptait. Je pense que nous avions une très bonne équipe en 2015 et en 2016, mais je pense malgré tout que son jeu a évolué, s’est enrichi, qu’en 2019 on était plus fort. Mais d’autres étaient aussi plus forts en 2019. 

« On a eu un parcours extrêmement chaotique et extrêmement lent, on a reculé, on a avancé avec de grandes déceptions, de grandes frustrations, avec le sentiment d’être proche tout en prenant conscience qu’on était loin. Tout ça a joué sur notre analyse. Mais ça nous a permis de nous construire sur des bases très solides.

« Cette équipe a muri franchement. Tout ce qui tue pas rend plus fort à partir du moment où on apprend. C’est ça la clé qui fait la force des gens. Ça ne veut pas dire qu’on est arrivé, mais il y a encore beaucoup de domaines dans lesquels il faut encore apprendre. »

A Monaco, les Françaises ont participé à un tournoi de haut niveau, remporté haut la main, en n’ayant encaissé ni essai, ni aucun point. Humbles et affamées, les Bleues sont même devenues invincibles. Est-ce que cela va continuer ? Réponse à partir du 29 juillet au Tokyo Stadium pour le tournoi féminin. La France est tombée dans la Poule B (pareil qu’à Rio en 2016) face au Canada, aux Fidji et au Brésil.

« Compte tenu de notre rang mondial, on savait qu’on aurait un très costaud dans la poule. Il se trouve que c’est le Canada », remarque David Courteix, l’entraîneur de France 7 féminines. « C’est un adversaire qui ne nous réussit pas souvent, même si on pense s’en être rapproché de plus en plus tant nous avons progressé ces dernières années en maîtrise et notamment sur le plan offensif.

« Il faut aussi ne pas oublier que même ceux qui n’ont pas un si beau palmarès peuvent être des adversaires redoutables. A sept, l’expérience est une vraie richesse quand on sait s’en servir. »

Ce qui leur reste de Rio

Aux Jeux de Rio 2016, la France qui a marqué le tout premier essai de rugby à sept olympique de l’histoire, mais n’a terminé qu’à la 6e place du classement final. Cinq ans plus tard, on retrouve une partie des mêmes tauliers, dont le même coach. Ce qui n’est pas sans présenter un certain avantage.

« Nous avons eu la chance immense de nous laisser travailler dans la continuité. On a un groupe qui a mûri, qui a évolué, qui a su apprendre de ses aventures, qui a su débriefer les Jeux, partager le débrief, su apprendre des gens qui arrivaient et qui avaient un avis neuf, mais aussi de ceux qui avaient l’avantage de la fraîcheur », estime David Courteix.

« Je pense que c’est un groupe qui s’est beaucoup construit sur l’humilité, qui a mis du temps à construire sa confiance. On a su continuer à progresser de façon très linéaire, même si ça a pris du temps. Habituellement on a plus tendance à construire sur des victoires que sur des défaites mais en ce qui nous concerne, on a su apprendre beaucoup de nos échecs.

« On était une équipe excessivement défensive, on aime le désordre, le plaquage, le contact, d’être rusé. Mais peu à peu on a su se donner les moyens d’utiliser le ballon, profiter du désordre parce qu’on aime bien, on s’y retrouve, on y a nos principes et nos repères. On restera par culture une équipe d’adaptation pour construire nos forces. »

Une équipe d’adaptation, qui aime le désordre, qui se construit dans la défaite et l’humilité. Franchement, cette équipe de France vaut le coup qu’on s’y attarde tant sa philosophie et ses membres – joueuses et staff – sont attachants.

Le défi qui l’attend est à sa hauteur et la perspective est belle : une médaille, d’or si possible. « On part moins dans l’inconnu si ce n’est celle qui est liée à la compétition ; c’est ce que l’on nomme la glorieuse incertitude du sport », sourit David Courteix.

« La poule est costaud. On sait que ça va proposer des oppositions variées avec des projets fondamentalement différents, dont on connait les forces et les volontés en matière de jeu. C’est un beau challenge. On savait qu’on aurait des adversaires costauds. Pour l’instant, nous sommes qualifiés, même si on aura attendu la dernière minute pour ça. C’est ce bonheur-là qui l’emporte sur tout le reste. »

Partie de France le 10 juillet, l’équipe a trouvé attache au pied du Mont Fuji, à Fujiyoshida pour un stage de deux semaines avant d’entrer dans le village olympique à partir du 26 juillet. Le bout du chemin qui leur aura pris tant d’années.

« Il ne faut pas avoir honte de reconnaître que dans certains domaines nous avions besoin de plus d’expérience, au-delà de la compétition », dit David Courteix. « On a eu trois chances, on a saisi la troisième. Pour le groupe, on a encore une fois réussi à renverser les choses en notre faveur car pour la prochaine fois, l’équipe de France sera automatiquement qualifiée pour les Jeux, elle ne passera pas par les fourches caudines de la qualification.

« Le fait d’avoir vécu la qualification par le championnat d’Europe, puis par le tournoi de qualification ou l’arrivée directe. Cette expérience sera bénéfique pour les générations futures. C’est plutôt bien de l’avoir vécu. »

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