Ce Tournoi des Six Nations féminin 2021 n’a ressemblé à aucun autre. Et c’est presque tant mieux selon Annick Hayraud. Car lorsqu’il s’agit d’en faire le bilan, l’entraîneure du XV de France féminin n’y voit en premier lieu que des points positifs.

« Le point positif sur l’environnement, c’est le fait de pouvoir jouer le Tournoi à cette période », dit-elle. Habituellement disputé en même temps que celui des garçons en février et mars, ce Tournoi féminin a été exceptionnellement concentré sur avril, crise sanitaire du Covid oblige.

« Ça a été très appréciable. Quand il fait beau, les gens ont plus de temps, c’est mieux, c’est plus agréable. Nous avions des installations pour nous toutes seules à Marcoussis. Nous étions dans un confort optimal et ça a été très apprécié », se rappelle-t-elle.

En termes d’exposition médiatique aussi la période a favorisé une meilleure couverture du rugby féminin européen et les matchs retransmis sur France 4 ont battu des records. Les points presse des filles ont même parfois été autant suivi que ceux des garçons quelques semaines plus tôt.

Sur le plan sportif enfin, mis à part qu’il est plus agréable de jouer au printemps qu’en hiver dans le froid et sous la pluie, Annick Hayraud estime le bilan « très bon ». « On a toujours un peu de mal à démarrer la compétition et là ça s’est plutôt bien passé », analyse-t-elle.

Double crunch pour finir

« On avait mis en place certaines choses contre le Pays de Galles (victoire 53-0, ndlr) qu’on a pu refaire contre l’Irlande (victoire 56-15, ndlr). L’Irlande est quand même une nation qui, lorsqu’on joue chez elle, rend les choses difficiles pour nous. Ça faisait plusieurs années qu’on ne leur avait pas mis 50 points et pourtant ce n’était pas une opposition faible ! Je crois qu’au contraire les Irlandaises ont très bien travaillé ce début d’année car elles préparent leur qualification pour la Coupe du Monde. On a bien su débuter le match et les mettre sous pression pour pouvoir mettre notre jeu en place.

« Ensuite concernant les deux confrontations avec l’Angleterre, on a franchi un cap, notamment sur notre conquête, notre mêlée. C’est surtout notre défense qui nous a apporté beaucoup de satisfaction. Il faut vraiment qu’on continue là-dessus. »

Le calendrier avait en effet positionné deux crunch coup sur coup : un pour la finale du Tournoi au Twickenham Stoop (remporté par l’Angleterre 10-6) et le second une semaine plus tard à Villeneuve-d’Asq en test amical (remporté également par les Anglaises 15-17).

« On a été capable d’un match à l’autre de rectifier notre utilisation du ballon. Nous n’avions pas été très performantes sur la finale où nous avons eu du mal à trouver des solutions. On avait breaké plusieurs fois, mais sans marquer, alors que sur le deuxième match on a breaké mais on a marqué. C’était très encourageant pour la fin de match, même si ça ne s’est pas fini dans de bonnes conditions », remarque-t-elle en faisant référence à la coupure d’électricité soudaine qui a arrêté le match à la 62e minute.

Un calendrier dans les conditions de la Coupe du Monde de Rugby

Ce calendrier resserré a aussi eu le mérite de placer le XV de France féminin dans les conditions d’une Coupe du Monde de Rugby, idéalement en prévision de celle reportée en 2022 en Nouvelle-Zélande. Mise à part un certain nombre de blessures, les filles ont réussi à tenir sur la durée.

« C’est la première fois que l’on passe six semaines consécutives avec le groupe et on voit qu’effectivement ça porte ses fruits », remarque Annick Hayraud. « On avait encore de la fraîcheur mentale et de la fraîcheur physique. C’est pour ça aussi que c’était important de jouer pour nous ce dernier match.

« Il faut que l’on vive ce type d’aventure et ne pas attendre la Coupe du Monde pour se mettre dans ce type de configuration. Ça va nous permettre de voir comment on est capable de vivre de longues semaines ensemble. Nous étions confinées, dans notre bulle sanitaire, sans échange avec la famille ou les amis, on ne sortait que pour les matchs. Certaines joueuses ne sont même pas sorties du Centre National du Rugby, sauf pour la dernière semaine ! Ça aussi, c’est un enrichissement, c’est une aventure collective. »

Miser sur de nouvelles joueuses

Au début de la campagne, le co-entraîneur Samuel Cherouk vantait le bon équilibre entre jeunes joueuses à haut potentiel et cadres de l’équipe, misant aussi bien sur les performances de l’arrière Emilie Boulard qui a vécu ses premières sélections internationales sur le Tournoi, que sur celles de la troisième-ligne Safi N’Diaye, l’une des doyennes du groupe.

« On a lancé quelques jeunes qu’on avait avec nous. Elles se sont affirmées, elles ont joué sans complexe sur un Tournoi. C’est le fruit d’un travail que l’on fait avec le groupe France », appuie Annick Hayraud.

Parmi elles, trois se sont particulièrement distinguées : la pilier Rose Bernadou, la deuxième-ligne Madoussou Fall qu’on avait déjà vu sur le Women's Rugby Super Series 2019 et l’arrière Emilie Boulard.

« Rose, ça fait deux ans qu’on la sollicite, qu’on l’encourage à venir faire des stages avec nous ; j’ai régulièrement des entretiens avec elle pour faire un bilan à la sortie de chaque semaine de stage car nous avions déceler ce potentiel. Après, il fallait arriver à avoir ce déclic de travail, de se mettre dans une dynamique de haut niveau. Madoussou avait déjà montré ce qu’elle savait faire sur le Super Series.

« Et en ce qui concerne Emilie Boulard, ça ne fait que confirmer ce qu’on pensait d’elle car si ça avait été une surprise on ne l’aurait pas mise titulaire. Comme d’autres joueuses qui n’ont pas eu de temps de jeu mais qui étaient avec nous tout au long de la préparation, elles sont encore loin d’avoir atteint tout ce qu’elles peuvent apporter à l’équipe. »

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Photo : France Rugby