C'était le samedi 12 mars 2011. Et ce jour-là, Mirco Bergamasco a gravé son nom dans l'histoire du rugby italien.

A cinq minutes à jouer dans un Stadio Flaminio bondé et bruyant à Rome, une pénalité pour hors-jeu lui a donné la chance de mettre un terme à une remontada extraordinaire contre la France.

Le coup de pied était difficile, près de la ligne de touche. Mais Bergamasco, la tête baissée et concentré, la passa calmement entre les poteaux pour remporter la toute première victoire des Azzurri dans le Six Nations contre la France.

Lorsque le coup de sifflet final a retenti, une vague d'émotion immense a secoué les joueurs et les supporters. Les poings brandis en l'air, les larmes coulant sur les joues et les corps s'effondrant au sol.

L'Italie venait non seulement de remporter l'une de ses plus grandes victoires, mais les Azzurri l'avaient fait lors du dernier match de rugby international qui sera disputé au Flaminio.

« C'était une victoire symbolique », se souvient Mirco Bergamasco pour World Rugby. « Le Flaminio, à cette époque, était notre temple du rugby. On savait que dans cette équipe de France, il y avait des joueurs internationaux avec une expérience incroyable. Mais ce jour-là, nous savions que nous pouvions leur compliquer la tâche et que la force était dans le collectif, pas dans l'individu. C'était exactement ce dont nous avions besoin à ce moment-là pour que les Italiens continuent de croire au rugby et pour maintenir notre passion. »

Ça n'a finalement pas été « une promenade »

Mirco Bergamasco était alors l'une des nombreuses stars italiennes comme Sergio Parisse, Andrea Masi, Gonzalo Canale et Andrea Lo Cicero à jouer au rugby dans des clubs en France à l'époque.

L’attitude dédaigneuse de certains journalistes français n’est donc pas passée inaperçue dans le camp italien avant le coup d'envoi.

« Dans les journaux français, il y avait un titre ce jour-là qui disait : 'Une promenade à Rome' », raille Mirco. « Ils pensaient que la France viendrait et gagnerait facilement en nous passant dessus à Rome, pour notre dernier match au Flaminio. Je pense que ce manque de respect des médias a inconsciemment créé quelque chose en nous. Cela nous a poussé à faire quelque chose. »

Il s’agissait de la deuxième victoire de l’Italie en 32 matches contre les Français et de leur première à domicile. Mais la victoire était d’autant plus remarquable qu'elle semblait totalement improbable à encore une demi-heure de la fin !

Morgan Parra avait marqué et transformé un essai 10 minutes après le début de la seconde période pour creuser une avance de 12 points sur les Italiens à 18-6. Mais Mirco Bergamasco admet qu'il n'a pas souvenir d'un écart aussi grand à combler.

« Franchement, je ne me souvenais pas que nous perdions de 12 points », nous raconte-t-il. « Nous savions que pour gagner, nous devions jouer 80 minutes. Mais aujourd'hui, je ne me souviens toujours pas de l'écart de 12 points !

« En fait, je préfère sans doute me souvenir des éléments positifs et de la réaction que nous avons eue dans ces circonstances. Dans ce match, nous n’avons pas pensé à l'écart de points, mais au fait de continuer à faire notre travail et d’aller jusqu'au bout, ce qui a finalement porté ses fruits. »

Petit à petit, l'Italie a réduit l'écart sur les Français. L'essai d'Andrea Masi dans le coin après 59 minutes a permis de revenir au score et Bergamasco a réussi la transformation.

Mirco a ensuite inscrit deux autres pénalités, avant de sceller la victoire quasi sur le gong avec son coup de pied emblématique, qui a porté son total personnel de points ce jour-là à 17.

« Une fois que nous avons gagné la pénalité, j’ai entendu Sergio (Parisse) montrer les poteaux », se souvient-il. « Cela semblait logique car pour l'essai de Masi, la transformation était plus ou moins dans la même position.

« C'était un coup de pied normal. Honnêtement, j'ai suivi ma routine habituelle, j'ai pensé à des choses positives en tapant la pénalité. Mais ce n’est pas comme si j’avais gagné ce match tout seul, c’était une victoire collective et un résultat mérité. »

Un adieu digne

Ce résultat mémorable a été le moment idéal pour les fans et les joueurs de dire adieu au Flaminio, avant que l'équipe italienne ne déménage de l'autre côté de la ville vers le Stadio Olimpico, beaucoup plus grand avec 70 000 places, l'année suivante.

Le Flaminio, conçu par le célèbre architecte italien Pier Luigi Nervi et son fils Antonio, avait ouvert ses portes en 1959 et avait été le siège des Azzurri à partir du moment où ils avaient rejoint le Six Nations en 2000.

Pour les semblables de Bergamasco, le lien émotionnel était particulier car le stade était à la fois théâtre de moments de rugby inoubliables, mais aussi symbole de la croissance rapide du rugby dans le pays au XXIe siècle.

« J'ai commencé à jouer au Flaminio en 2002 », précise Mirco. « Je me souviens qu'à cette époque, il y avait toujours plus de supporters de l'autre équipe que d'Italiens. J'ai vu un énorme changement à partir de 2006, où lentement mais sûrement il y avait plus de fans italiens.

« Avoir 30 000 personnes qui regardaient le rugby à cette époque c'était incroyable. Mais c'était aussi le symbole de notre passion que l'on mettant dans les matches. C'est comme ça qu'on a sans doute attiré des gens qui n'y connaissaient rien au rugby. Rien qu'en jouant avec passion ! »

« Nous avions besoin de fans, nous avions besoin de gens pour venir nous soutenir et parler de nous, car c'était quelque chose qui pouvait nous aider à obtenir des résultats positifs. Ce jour-là, tout le monde savait que c'était le dernier match au Flaminio et on voulait tous finir sur une note positive. Je pense que les fans et les joueurs sur le terrain savaient qu'ils devaient tout donner pour obtenir ce résultat. »

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