Il doit y avoir un chromosome du lancer dans la famille Ciofani. Tout commence en 1962 avec la naissance de Walter à Sedan. Il deviendra champion de France du lancer du marteau à cinq reprises, de 1983 à 1987, arrivera 7e aux JO de Los Angeles en 1984, 11e aux Championnats du monde en 1987 puis 6e aux Championnats du monde à Tokyo six ans plus tard. Et puis sur un autre continent en 1969 au Cameroun naît Jeanne Ngo Minyemeck. Elle aussi est spécialiste du lancer, disque et marteau, championne d’Afrique et Olympienne à Séoul en 1988.

De cette union vont naître trois filles au destin qui se révèlera finalement très proche de celui des parents : Audrey et Juliette, qui sont deux grands espoirs olympiques du lancer de marteau français, mais aussi Anne-Cécile qui, avant de bifurquer vers le rugby à sept, était elle aussi prédestinée… au lancer !

Comme ses parents l’ont fait avant elle – Walter sous le drapeau français en 1984 et Jeanne sous les couleurs du Cameroun en 1988 – Anne-Cécile va également participer aux Jeux olympiques. Membre de l’équipe de France féminine de rugby à sept, elle s’envolera pour Tokyo 2020 le samedi 10 juillet. Pour World Rugby, elle revient sur cette filiation peu commune dans l’histoire de l’olympisme.

Ses parents, ces champions

« J’ai pris un chemin complètement différent, mais j’ai pensé jusque tard que je devais faire

du lancer comme mes parents. Et finalement c’est mon père qui m’a « lancée » vers l’heptathlon. J’ai commencé au marteau, j’ai lâché, je suis venue à l’heptathlon et j’ai chevauché avec le disque. C’est peut-être dans les gênes, c’est vrai », rigole-t-elle.

« Mon père, ça a toujours été Walter Ciofani le lanceur recordman de France… ça a toujours été l’image de l’homme fort respecté, admiré, et moi j’étais dans le même état d’esprit chaque fois qu’on sortait. Après, j’ai basculé dans une recherche d’identité, c’est-à-dire que j’essayais de me détacher de l’image de « fille de ».

« J’ai vu quelques images, ça ressort de temps en temps dans les archives. J’ai des images de mon père, de ma mère, même si c’est un peu plus rare pour ma mère. On a quelques images d’eux plus jeunes, c’est assez drôle de voir ça.

« Et puis au fil du temps l’image que j’avais de ma mère a aussi différé. Je la voyais plus comme une mère que comme une ancienne athlète. Et moi, de vivre ça aujourd’hui, c’est un peu particulier parce que je me dis qu’elle a arrêté sa carrière pour son désir d’avoir des enfants. Je me mets en parallèle parce qu’aujourd’hui nous, en tant que femmes et sportives de haut niveau, on aspire à combiner les deux. Je vois ma mère plus comme une maman que comme une sportive et mon père toujours comme un immense athlète qu’il a été. »

Un choix entre le cœur et la raison

Si « Anne-Cé » s’est orientée vers le sept, plutôt que vers le lancer, ce n’est pas un hasard. Elle qui a découvert le rugby à l’âge de 18 ans, c’est plutôt une farouche ambition qui l’a menée là où elle est aujourd’hui.

« Ça a été compliqué, un choix très difficile entre l’amour du sport et la quête du haut niveau qui était plus atteignable au rugby », reconnaît-elle. « J’ai fait le choix de tenter le rugby à sept. J’ai eu un gros coup de cœur pour ce sport, pour l’ambiance qu’il y a. C’est quelque chose que l’on ne connaît pas en athlétisme en termes de valeurs, de relationnel.

« J’ai mis du temps à m’y investir mais à partir du moment où j’ai compris l’importance que ce sport prenait dans ma vie, le choix a été clair pour moi. Mais c’est vrai que ça n’a pas été facile. »

Ce qui est certain, c’est que ses qualités athlétiques ont largement pesé dans sa réussite dans le Sevens. Anne-Cécile, qui a signé à sept avec la fédération française de rugby en septembre 2017, c’est 160 points en 63 matchs disputés sur onze tournois du World Series. Lorsqu’elle déplie ses grandes jambes, elle est une vraie menace pour toutes ses adversaires.

« C’est vrai que les qualités physiques de l’athlétisme nous permettent d’avoir une certaine « aisance » sur le terrain, même si ce n’est absolument pas pareil », nuance-t-elle. « La dureté des entraînements en athlétisme nous permet d’avoir une image de la dureté des entraînements au rugby, mais ça reste différent. Même l’athlétisme collectif n’est pas assez fort pour décrire ce que l’on vit au sein du groupe. »

Très vite, elle se rend indispensable

En août 2016, Anne-Cécile n’avait pas encore un pied sur la planète Sevens. Et à la télévision, le premier tournoi olympique au terme duquel la France a fini 6e n’était pas son point d’intérêt.

« En août 2016 j’étais en vacances dans ma famille et j’avoue avoir plus suivi l’athlétisme que les autres sports », sourit-elle. « Mon sport de cœur, ça restait l’athlétisme. A partir du moment où on est une passionnée d’un sport, c’est dur de décrocher. Et à ce moment-là, je n’étais pas assez passionnée de rugby pour suivre avec attention les Jeux en rugby à sept. J’ai vu les matchs plus tard. »

Très vite, Anne-Cécile a su se montrer indispensable dans l’équipe jusqu’à décrocher un titre de vice-championne du monde de rugby à sept à San Francisco en 2018. La qualification pour les Jeux de Tokyo 2020 n’a pas été un long fleuve tranquille. Comme le reconnaît l’entraîneur David Courteix : « on avait trois chances de se qualifier, on a choisi la troisième ».

C’était au tournoi de repêchage à Monaco les 19 et 20 juin. « Forcément ça a été un soulagement, mais c’était un sentiment assez bizarre. Après Kazan (le tournoi de qualification pour la zone Europe remporté par la Grande-Bretagne en 2019, ndlr) on a pris un sacré coup au moral et l’année Covid et celle qui a suivi nous ont préparé à un seul objectif. Même si c’était un soulagement, c’était notre objectif premier. On ne se voyait pas faire autre chose que se qualifier. »

Des JO tellement différents

Comme tous les fans de rugby à sept français, Anne-Cécile est désormais toute concentrée sur le tournoi féminin qui aura lieu du 29 au 31 juillet 2021. La France est tombée dans la Poule B et jouera le Canada, les Fidji et le Brésil.

« Les matchs seront proches du World Series car ce sont des équipes que nous sommes amenées à rencontrer toute l’année. Je pense que c’est tout ce qui se fera à côté qui rendra les JO plus impressionnants : le village olympique, la préparation sur le territoire japonais… », dit-elle, consciente que ces JO du Covid seront exceptionnels.

« Mais public ou pas public, on y va pour une seule chose. Un stade bien rempli ça aide, surtout quand on sait qu’il y a la famille dans les tribunes. Ils n’y seront pas mais ils ont intérêt à être debout en pleine nuit ! »

Avant de partir, Anne-Cécile a eu le temps d’évoquer le sujet avec ses parents et ses sœurs. « Avec mon père on en parle beaucoup. Il me raconte souvent son vécu à lui, son ressenti, comment il a abordé la compétition. Je pense qu’on aura beaucoup à échanger quand je le vivrais parce que ça a beaucoup évolué et là, au vu de la situation sanitaire, c’est encore plus inédit. Ce sera tellement différent.

« Et puis mes sœurs sont à fond derrière moi, c’est trop drôle. Le Covid a été très compliqué pour les sports individuels. Elles ont fait le choix de s’éloigner, de recommencer un cursus scolaire. Le marteau est entre parenthèses pour l’instant. Mais ça aurait été fabuleux de se retrouver à Tokyo toutes les trois ou à Paris 2024, si jamais j’y vais. »

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