S'il y a bien une chose que Jonathan Hivernat n'aime pas entendre, c'est que, au regard de la société, il est considéré comme « une personne fragile ». « Avec la pandémie, il faut faire très attention, on a une prise en charge très particulière, nous sommes un peu plus protégés », confie-t-il à World Rugby. « Mais ça ne m'arrête pas. On a un mental d'acier ! »

Certes il est porteur de la maladie génétique Charcot Marie Tooth qui affecte ses muscles depuis ses 10 ans et qui va l'obliger quelques années plus tard à rester sur un fauteuil. « Et alors ? », a-t-on l'impression d'entendre lorsqu'il évoque son parcours. Malgré la difficulté, cela n'a jamais entravé ni ses études, ni même sa volonté de faire du sport.

Il se lance dans le tennis de table entre 2012 et 2019 - « je me suis raccroché à ce sport pour rester debout et continuer à marcher », a-t-il expliqué dans une interview - et tutoie le haut niveau. Mais ses jambes ne le portent plus. Le fauteuil est son seul recours. Nouveau coup sur la tête. C'est à ce moment-là qu'il découvre par hasard le rugby fauteuil, à l'occasion d'une démonstration. Il essaie et est tout de suite pris dans une équipe.

Depuis près de cinq ans à la tête de l'équipe de France, il n'est pas homme à faire les choses à moitié. « J'ai toujours eu envie d'être compétiteur et pour cela je me suis toujours donné les moyens d'être au mieux », dit-il. « Ne pas se mentir et ne pas avoir de regret » semble être son credo.

Le plus jeune des anciens de l'équipe de France

Aujourd'hui, à presque trente ans, il est considéré comme un ancien dans la discipline, même s'il fait partie des plus jeunes de l'équipe. Il appartient à la toute première génération de l'équipe de France en 2012, celle qui ne décroche aucune victoire aux Jeux paralympiques de Londres. Quatre ans plus tard, la France finit 7e à Rio. Aujourd'hui, elle est 6e mondiale, 3e européenne et qualifiée pour ses troisièmes Jeux à Tokyo l'année prochaine.

Le chemin est long, mais l'équipe est plus motivée que jamais. « A Rio, nous étions encore en phase de maturité. La première compétition internationale de l'équipe de France, c'était en 2011 », rappelle le capitaine.

Malgré le repos forcé qui a mis sous cloche pendant de longs mois le sport dans le monde entier, Jonathan n'est pas resté inactif. Exercices, maintien, découverte de son quartier - dont il connaît désormais chaque recoin ! - il a gardé le contact avec ses coéquipiers pour maintenir l'esprit d'équipe malgré l'éloignement.

Il a également profité de cette pause pour travailler avec son sponsor sur un tout nouveau fauteuil de compétition. Même si les leaders en la matière se trouvent aux USA et en Nouvelle-Zélande, c'est de chez lui, dans la région de Toulouse, qu'il a travaillé à sa conception, en visio et par mail.

"Ne pas se mentir et ne pas avoir de regret"

Jonathan Hivernat

« Ce sont des fauteuils sur-mesure qui répondent aux capacités fonctionnelles de chaque joueur. Là, on a poussé un peu plus pour qu'il soit le plus performant possible. On a amélioré la robustesse, la légèreté, la restitution de l'énergie, le changement de vitesse... », détaille-t-il, plein d'enthousiasme. Il l'assure, il sera prêt lorsque la reprise sera confirmée.

Des objectifs précis

La direction technique nationale de la fédération a justement posé un calendrier prévisionnel de reprise des entraînements et commencé à envisager de gros tournois entre avril et juillet 2021 en prévision des Jeux. D'ici là, des stages de trois à quatre jours devraient être organisés chaque mois pour remettre l'équipe au travail.

Jonathan a des objectifs plein la tête. Après Tokyo, il compte bien poursuivre jusqu'à Paris en 2024. En parallèle, il commence à préparer la fin de sa carrière sportive. Il a étudié la gestion, la finance, la comptabilité et l'immobilier pour se lancer dans les services et biens immobiliers pour tous. Une profession fidèle à ses principes, lui qui prône le rugby pour tous.

Mais aujourd'hui, à défaut d'être au Japon pour les Jeux, c'est de chez lui qu'il regarde le documentaire de Netflix, Rising Phoenix, sur les sportifs de haut niveau aux Jeux paralympiques où il est question de rugby fauteuil et où le meilleur joueur de rugby fauteuil au monde, l'Australien Ryley Batt, témoigne de manière émouvante et puissante. Un peu de son histoire, en somme.

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