Le rugby a occupé une place importante dans la vie de Mere Rakoroi, et elle connaît plus que quiconque l'impact que peut avoir ce sport. « Il change des vies », n'hésite-t-elle pas à confier à World Rugby.

Bien qu'elle n'ait pas pu jouer au rugby dans sa jeunesse, Mere Rakoroi a baigné dans ce sport avec ses parents et ses 13 frères et sœurs aux Fidji.

 

L'un de ses frères aînés, Koli, a remporté 21 sélections avec les Fidji et a même été capitaine de la nation des îles du Pacifique lors de la première Coupe du Monde de Rugby masculine en 1987.

Mere Rakoroi se rappelle que son père l'emmenait voir ses matchs et qu'elle se disait alors que « mon frère et ma famille sont probablement les personnes les plus cool sur terre en ce moment ! »

Vingt-cinq ans plus tard, Mere a tracé sa propre voie dans le rugby en devenant la première femme à siéger au conseil d'administration de la Fédération fidjienne de rugby (FRU).

Ce sont les exploits de son frère sur le terrain et sa propre passion pour le rugby, ainsi que son expérience professionnelle, qui l'ont convaincue d'accepter cette opportunité il y a quatre ans.

« J'ai réalisé que je pouvais mettre à profit toutes mes techniques et les appliquer au rugby, en dehors du terrain », explique-t-elle.

UNE OPPORTUNITÉ

Au début de cette année, son évolution en tant qu'administratrice s'est poursuivie lorsqu'elle a été acceptée dans le Capgemini Women in Rugby Leadership Programme, un programme de bourses d'études destinées aux dirigeantes.

« Quand j'ai appris que j'avais été retenue, j'ai cru que je n'avais pas bien entendu, que j'avais un problème d'oreille », plaisante Rakoroi.

« Alors j'ai encore plus tendu l'oreille et j'ai compris qu'ils avaient dit que j’avais la bourse. Et là, la première chose que j'ai faite, c'est de crier dans mon bureau !

« J'ai crié, j'ai tapé dans mes mains, puis j'ai regardé dehors et j'ai réalisé que toute mon équipe me regardait et j'ai essayé de me calmer.

« La seule chose dont je me souvienne, c'est que je n'ai pas arrêté de leur dire, et je leur ai dit encore, merci à World Rugby, merci à Oceania Rugby parce que vous avez donné à Fidji Rugby une opportunité pour écouter, pour apprendre et pour améliorer les choses. »

Après le coup de fil, Rakoroi, qui travaille comme directrice générale pour une chaîne d'hôtels, a fait une petite fête avec son staff et a trinqué à cette bonne nouvelle avec du kava.

Elle espère profiter de son temps passé dans le programme pour se créer un réseau de contacts et mettre en adéquation le travail qu'elle fait à la fédération à la stratégie Les Femmes dans le Rugby 2017-25 de World Rugby.

« Nous pouvons nous conformer, à la Fédération fidjienne de rugby, à ce que fait World Rugby afin de simplifier les choses et d'être en mesure d'agir et d'apporter des changements au fur et à mesure que nous progressons », affirme Mere Rakoroi.

« Mon mandat [au conseil d'administration de la fédération] se termine l'année prochaine, mais si le conseil d'administration souhaite que je reste, je pourrai travailler autour du plan stratégique pour m'assurer que nous réalisions tout ça avant la fin de mon mandat.

« Et je pourrai transmettre toutes mes connaissances à la prochaine femme membre du conseil d'administration qui viendra après moi. »

Au cours des sept mois qui se sont écoulés depuis que sa participation au programme a été officialisée, Rakoroi a travaillé en étroite collaboration avec son entraîneure Clayton et sa mentor Danielle.

Avec leur aide, elle a identifié ses points forts en tant que leader et s'est ensuite inscrite à trois formations auprès de de la Capgemini University : « Executive Presence for Leaders », « Storytelling in Business » et le programme Connected Manager.

« La première chose que nous avons faite a été d'établir une relation entre le coach et le mentor », indique Rakoroi.

« Je fais toujours en sorte de me dégager du temps, notamment pour elles. Elles m'ont consacré du temps pendant ces sept mois et je leur en suis très reconnaissante.

« Elles ont également une expérience exemplaire. Nous avons partagé beaucoup de points de vue et ce que j’aime bien, c'est que la plupart des choses dont nous parlons sont très en phase avec les discussions que je peux avoir au sein du conseil d'administration de Fiji Rugby, c’est très concret.

« Et il faut faire en sorte de rester en phase avec ce qui se passe autour de nous et comment nous nous adaptons à la situation. Il faut que ce soit efficace et que ce soit aussi pérenne. »

SUSCITER LE CHANGEMENT

Mere Rakoroi se trouve actuellement en Nouvelle-Zélande en tant que membre de la délégation fidjienne au moment où les joueuses du pays font leurs débuts en Coupe du Monde de Rugby.

Après leur défaite en ouverture contre l'Angleterre, les Fidjiennes ont gagné contre l'Afrique du Sud le week-end dernier, et Rakoroi pense que l'équipe a un impact potentiellement déterminant pour le rugby féminin dans les îles.

« Ce qu'elles font maintenant sur le terrain implique que le rugby va se développer beaucoup plus vite chez nous, surtout pour les jeunes filles, dit-elle.

« Ça va susciter un changement d'état d'esprit sur la façon dont nous regarderons le rugby féminin une fois rentrées chez nous... nous n'allons plus les regarder sous l'angle du genre, mais plutôt comme des athlètes professionnelles sur le terrain.

« L'une des choses les plus importantes, c'est que ces femmes vont repartir avec des souvenirs extraordinaires. Elles vont repartir avec des projets, et ça on ne parlera plus que de ça dans les foyers fidjiens ou même dans le monde entier, on parlera de leurs débuts et de leur parcours.

« Alors oui, c'est tellement important que ça change la vie des gens chez nous. »

Après avoir travaillé pendant près de deux décennies dans le domaine de la gestion, Mere Rakoroi est convaincue que « chaque défi a sa solution ».

Et même si elle reconnaît qu'il y a encore beaucoup de travail à faire, elle est persuadée que le rugby féminin a un bel avenir devant lui aux Fidji.

Après avoir vu les Fidjiennes à sept remporter une médaille de bronze olympique à Tokyo l'année dernière, Rakoroi est certaine que l'équipe à XV peut entrer dans le top 10 au classement mondial féminin World Rugby présenté par Capgemini.

« C'est ambitieux, mais j'ai vu ces filles grandir », dit-elle, « elles peuvent continuer jusqu'à arriver au sommet.

« Je pense que si nous accomplissons tant de choses sur le terrain, nous pouvons aussi accomplir beaucoup de choses en dehors du terrain, où nous faisons grandir le rugby.

« Quand les filles avancent à grands pas, nous pouvons aussi le faire au niveau du conseil d'administration car c'est là que la parité est importante et que les femmes sont capables de donner des idées et de partager leurs expériences pour faire avancer le sport. »