La dernière victoire du XV de France en Australie remontait à juin 1990, un 28-19 à l’Aussie Stadium de Sydney. Depuis, plus rien. Les 12 rencontres qui ont suivi ont toutes été marquées par des défaites des Bleus. Leur dernière tournée en Australie, en juin 2014, s’était d’ailleurs soldée sur un cuisant échec avec trois défaites à Brisbane (50-23), Melbourne (6-0) puis Sydney (39-13).

La forteresse des Wallabies était-elle si imprenable ? Pas tant que ça car malgré le score final, les victoires australiennes se révélaient de plus en plus serrées. Quatre des cinq derniers matchs s’étaient en effet terminés par un écart de six points ou moins : deux matchs nuls et deux rencontres à deux points d’écart.

La dernière en date, le 7 juillet à Brisbane, n’était que de deux points, dans les ultimes secondes d’un match maîtrisé. Dans l’incapacité de se débarrasser du ballon, les Français avaient été contraints de jouer les arrêts de jeu jusqu’à ce qu’ils soient habilement poussés à la faute face à leurs poteaux, ce qui avait permis à Noah Lolesio de les crucifier (23-21).

« Quand tu perds un match à la dernière seconde, c’est rude », confiait après coup le manager de l’équipe, Raphaël Ibanez. « Nous avions alors qu’une seule ambition : tout pour l’équipe. Nous avons cherché à nous rassembler, nous avons discuté avec tout le monde pour renforcer les liens pour la suite. Nous leur avons aussi donner le plus de temps libre possible à Brisbane pour respirer avant une montée en puissance. »

Le groupe n’a eu qu’une vraie session de rugby à Brisbane avant de reprendre l’avion pour Melbourne où ils ont atterri deux jours avant la deuxième des trois rencontres. Hasard de l’organisation, les Bleus ont partagé leur vol avec les Australiens.

Le AAMI Park de Melbourne, lieu maudit pour les Wallabies

Six jours séparaient les deux matchs. Un vrai défi pour ces jeunes. D’abord digérer l’amertume de la défaite sur le fil. Ensuite décompresser avant de se remettre les idées en place pour la suite. Une bataille de perdue dans une tournée qui reste à gagner. « On avait envie de prendre notre revanche parce qu’on a perdu sur le fil la semaine dernière et, franchement, on ne méritait pas ça », soufflait le troisième-ligne Cameron Woki.

Le staff et les joueurs se sont mobilisés. « Ça n’arrive pas tous les jours de jouer trois fois de suite contre la même équipe, surtout contre les Australiens. On n’avait pas d’images d’eux depuis plus d’un an », expliquait Karim Ghezal, co-entraîneur de la conquête, conscient que les schémas de jeu sur lesquels les Français avaient travaillé n’étaient peut-être plus forcément les bons.

Il n’aura fallu que d’un seul entraînement pour modifier de petites choses, améliorer des petits secteurs pour performer sur le deuxième match. Un défi de taille mais réalisable. Car dans les stats, l’Australie se trouvait dans une bonne série après avoir été invaincue sur ses quatre derniers tests dont un 24-22 contre la Nouvelle-Zélande en novembre, deux nuls contre l’Argentine et une victoire contre la France.

Mais le lieu déjà, le AAMI Park de Melbourne, n’est pas du genre à leur porter chance. Sur les trois précédents tests que les Wallabies y avait joué, on compte une seule victoire (contre les Fidji) et deux défaites (dont une contre l’Angleterre) dont la dernière en date était un 26-21 contre l’Irlande trois ans plus tôt. Là encore les Irlandais étaient parvenus à un exploit : mettre fin à une incapacité de gagner contre les Australiens en Australie pendant une période de 39 ans !

Le fait que ce 49e duel entre les deux équipes (28 victoires pour l’Australie et 18 pour la France, avec deux matchs nuls) se déroule un 13 juillet, veille de la fête nationale française et que le nom de la tournée soit « La Renaissance » (en français dans le texte), ne pouvaient qu’apporter d’autres sources de motivation positive à des Français prêts à poser leur marque.

La vision de la tournée : détecter des talents

Pour cette rencontre, le sélectionneur du XV de France Fabien Galthié avait procédé à cinq changements, tous dans le pack d’avants. Seuls trois joueurs de la défaite à Brisbane avaient été conservés, dont le capitaine Anthony Jelonch. Sur les cinq entrants, trois vivaient là leur toute première sélection : le pilier Wilfrid Hounkpatin, le deuxième-ligne Pierre-Henri Azagogh et le flanker Ibrahim Diallo. Ces deux derniers avaient été sacrés champions du monde avec les U20 en 2018 et sont les derniers en date à opérer une transition depuis les moins de 20 ans jusqu’au test-match.

Ibrahim Diallo ? « On attend qu’il apporte ses spécificités. C’est un joueur d’engagement, un gros travailleur », avait relevé Fabien Galthié. Pierre-Henri Azagogh ? « Un joueur de l’ombre qui avait déjà performé chez les U20 », disait-il. « On sent vraiment des joueurs qui apprennent vite, qui s’adaptent très vite. C’est l’occasion aussi de découvrir dans la bataille d’autres potentiels. »

Entre la défaite de Brisbane et l’espoir de Melbourne, le sélectionneur avait tenu à rappeler l’ambition de cette tournée : « découvrir des talents », préférant parler de « révélation » plutôt que de « déception ».

« Jusqu’à présent, tout est positif », disait-il. « On a traversé un isolement assez violent, assez rude. On a dû changer de plans à plusieurs reprises (dont un déplacement du premier match à Brisbane au lieu de Sydney la veille de la rencontre pour cause de Covid, ndlr). Tout cela nous pousse à un véritable test de caractère. C’est un vrai test de caractère pour cette équipe et nous l’abordons comme cela ; un combat de boxe à trois rounds. »

A Melbourne ce 13 juillet, deux points ont encore séparé les deux équipes. Mais cette fois, c’est la France qui a gagné : 23-21. La première victoire des Bleus en 31 ans. « Cette équipe de bizuts, comme on l’a appelé, elle est venue et elle a rivalisé face à une grande nation du rugby. Nous sommes une grande nation du rugby et quand on croit en nous, on est capable de tout », confiait le pilier Wilfrid Hounkpatin sur la pelouse.

« C’est énorme, 31 ans après on arrive à marquer l’histoire du XV de France. Il y a eu une énorme activité de tous les mecs, un énorme état d’esprit », ajoutait Cameron Woki. « On a montré qu’on pouvait rivaliser. On a essayé d’être froid, d’être assez concentré et surtout de gérer au tempo. »

A un match de la fin de la tournée – troisième et dernier acte le 17 juillet – les Français ont déjà trouvé ce qu’ils cherchaient : de la performance et des talents.

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