Luke Thompson espère que le temps qu’il passe à travailler dans sa ferme lui permettra quand même de suivre l’aventure du Japon en Europe ces prochaines semaines. L’ancien deuxième-ligne a raccroché les crampons en 2020 après avoir représenté le Japon dans sa quatrième Coupe du Monde de Rugby où il avait pu se qualifier pour les quarts de finale pour la première fois de son histoire.

A la suite d’une ultime saison avec les Kintetsu Liners, la famille Thompson s’en est retournée en Nouvelle-Zélande où le patriarche s’est lancé dans l’élevage de cerfs, près de 300 têtes, sur ses nouvelles terres non loin de Christchurch.

Luke sera un observateur très attentif de la progression des Brave Blossoms pendant cette tournée européenne, à commencer par le premier choc face aux British & Irish Lions samedi 26 juin, puis contre l’Irlande la semaine suivante. Même si le coup d’envoi sera donné à 2h du matin chez lui, il pourrait bien mettre le réveil pour suivre l’action.

« Ça va dépendre de comment la journée se sera passée, je pense », confie-t-il à World Rugby. « Ça va être deux belles rencontres et ça pourrait être bien de les regarder en direct, mais on verra à ce moment-là. »

Un grand honneur rugby japonais

Ayant eu la chance de progresser en même temps que son équipe, Luke Thompson connaît parfaitement la valeur de ce genre de matchs internationaux contre des géants.

« Jouer les Lions paraît irréel et je ne pense pas que les Japonais comprennent vraiment la portée que peut avoir une telle affiche, combien elle est prestigieuse et combien ils ont la chance de pouvoir la vivre », dit-il.

« Je pense que les Lions ont plus l’habitude de jouer contre l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou l’Afrique du Sud et que l’Asie passe souvent sous leur radar. Mais en ce qui concerne les joueurs, si vous vous y connaissez en rugby, vous savez que les Lions sont un gros morceau, que ça va être énorme.

« Ceci dit, je crains qu’ils soient plus préoccupés par le fait qu’ils n’ont plus joué depuis un moment et, physiquement, se remettre dans le bain, ce n’est pas facile, surtout contre de grosses équipes comme celle-là. C’est de notoriété publique que l’équipe de Warren Gatland est très physique et qu’ils vont être à la hauteur de ce qu’on pense d’eux. Ça va être un challenge incroyable pour ces joueurs, un grand honneur pour le rugby japonais.

« Le simple fait de décrocher un test contre l'Irlande à l'époque aurait été extraordinaire. Mais avoir à une semaine d’intervalle les Lions et l’Irlande, c’est énorme dans le sens où le rugby japonais est pris en considération. C’est une chance incroyable pour le rugby en Asie et pas seulement pour le Japon. »

Luke Thompson's hilarious interview at Rugby World Cup 2019
Japan's Luke Thompson has the press room laughing after this classic interview

Les Brave Blossoms n’ont plus disputé de test depuis le dernier match de Luke Thompson sous leurs couleurs, ce quart de finale perdu contre l’Afrique du Sud en Coupe du Monde de Rugby il y a 20 mois. L’ancien joueur est néanmoins persuadé que l’entraîneur Jamie Joseph a réussi à monter une équipe puissante pour affronter les Lions et l’Irlande, équipe que d’ailleurs les Japonais avaient battu à la RWC 2019.

« Eddie Jones a été celui qui a changé l’état d’esprit du Japon, les attentes. Il est loin le temps où vous mettiez tout dans la bataille pour perdre à la fin. Tout ça, c’est fini », poursuit Thompson.

« Désormais, ils jouent à ce niveau et ils gagnent ; et pourquoi ne le pourraient-ils pas d’ailleurs ? Les Lions peuvent être battus. Chaque équipe au Japon, dans un coin de sa tête, se considère toujours comme un niveau en-dessous mais sait qu’elle est respectée, vraiment respectée. Et là, ce ne sera pas différent.

« Les Lions, même s’ils assurent qu’ils sont focus sur le match contre le Japon, chacun sait qu’ils ont déjà la tête en Afrique du Sud et qu’ils pensent à autre chose. Quant aux Irlandais, pourquoi ne pas les battre encore une fois ? Ils seront privés de leurs Lions justement, donc ça pourrait le faire. Même si ce sera compliqué, il n’y a aucune raison que le Japon ne puisse pas battre deux grosses équipes en deux semaines. C’est ce qu’on attend d’eux. Et c’est ce à quoi ils pensent, j’imagine. »

Un groupe bien balancé

Au cas où le Japon reviendrait à la maison avec deux victoires en poche, un joueur en particulier aura joué un rôle essentiel dans ce destin, Kazuki Himeno. Le troisième-ligne a passé la dernière saison de Super Rugby à jouer en Nouvelle-Zélande avec les Highlanders et Thompson ne serait pas surpris de le voir exploser.

« Il est monté d’un cran en jouant dans le Super Rugby, en s’exposant comme ça », dit-il. « Physiquement, il est très fort, il s’entraîne énormément, il doit encore travailler sur quelques aspects comme la phase post-plaquage, la maîtrise du ballon, le grattage et des choses comme ça.

« Il a eu une influence extraordinaire en Nouvelle-Zélande et il doit continuer sur sa lancée. Il sera prêt, taillé pour ces matchs, prêt à jouer. »

Kazuki Himeno est l’un des 36 membres de l’équipe retenue pour jouer à Edimbourg et Dublin parmi lesquels 19 ont joué à la RWC 2019, dont le capitaine Michael Leitch. Avec 13 joueurs qui espèrent faire leurs débuts en Europe, Luke Thompson estime que Jamie Joseph a trouvé le bon équilibre entre jeunesse et expérience.

« Il y a des gars talentueux qui jouent depuis un moment au Japon, qui ont montré ce qu’ils valaient et qui sont devenus éligibles. Je suis content pour eux. C’est un groupe bien équilibré et un bon point de départ en vue de la prochaine Coupe du Monde de Rugby. »

Il n’y aurait en effet pas de meilleur marqueur positif que d’entamer leur préparation pour la Coupe du Monde de Rugby 2023 par deux grosses performances à Murrayfield et l’Aviva Stadium.

« Vous devez faire grandir cette équipe et sans cesse la faire progresser », insiste Luke Thompson. « Toutes les équipes au monde veulent devenir meilleures et le Japon est dans cette optique-là aussi.

« Une victoire permettrait de remettre d’un coup le rugby au centre dans les médias japonais et ça serait un bon signal envoyé au reste du monde si nous étions capables de battre les Lions ou l’Irlande, voire les deux. C’est primordial qu’ils fassent de leur mieux pour que ça arrive. »

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