En tant que joueuse passionnée, que ce soit en club ou pour l’équipe nationale de Trinité-et-Tobago depuis plus de 10 ans, l'obstétricienne et gynécologue Dalia Jordan-Brown ne s'était jamais imaginée formatrice. Et même lorsqu'elle a été invitée au Canada pour suivre une formation de secourisme dans le rugby en 2014, elle ne savait pas que c'était pour devenir une formatrice certifiée.

Sept ans plus tard, le docteur Dalia Jordan-Brown est devenue formatrice médicale officielle de World Rugby et médecin sur le terrain. Elle s’implique également pleinement dans le groupe de travail sur la santé des joueurs de Rugby Americas North (PWWG).

Dalia est une ardente partisane de la santé des joueurs et plus particulièrement des joueuses. Elle a d’ailleurs été impliquée récemment dans l’élaboration d’un document apportant les conseils nécessaires sur la reprise du rugby en toute sécurité après le passage de la pandémie de Covid-19.

Du plaisir avant tout

Jordan-Brown a commencé à jouer au rugby en 2006 pour le Royalians Rugby Football Club, après que sa meilleure amie l’a initiée au jeu. « J’avais pris une année off avant d'aller à l'université et je trouvais que le rugby devait être amusant à jouer », raconte-t-elle. « Et finalement j’ai tout de suite été accro. Ce n’était pas seulement le jeu qui m’attirait, mais toute la culture autour. Le fait que vous puissiez vous battre assez rudement pendant un match, et que ça ne vous empêche pas d’aller prendre un verre avec votre adversaire après ça. C’est tout ça qui m’a séduite. »

Dalia n'a en fait participé qu'à deux séances d'entraînement avant de se laisser convaincre qu'elle était prête à disputer un tournoi de rugby à sept le week-end suivant. « Ça m’a soufflée », rigole-t-elle aujourd’hui. « Je me souviens que mes coéquipières m'ont dit : "Si tu attrapes le ballon et que tu te fais plaquer, va au sol et pousse le ballon vers nous, on s’occupe du reste". Et c'est exactement ce qui s'est passé. Tout le monde était en train de nous encourager et la joie qui s’est dégagée de ce moment est toujours restée en moi. Je me suis dit "OUI", ce sport est pour moi." »

Cette même année, l’entraîneur national de rugby féminin de Trinité-et-Tobago l’a remarquée lors d’une séance d’entraînement du club et l’a invitée à s’entraîner avec l’équipe nationale féminine. L'année suivante (2007), elle faisait fait partie de l'équipe nationale et a continué à jouer ainsi, entre le club et la sélection nationale, jusqu'en 2017, remportant diverses récompenses telles que « La meilleure performance » ou « la Joueuse de l’Année ».

Dalia a également fait partie de l’une des toutes premières équipes féminines à jouer sur le circuit mondial de rugby à sept féminin, Trinité-et-Tobago étant notamment la première équipe de toute la Caraïbe à avoir rejoint le circuit.

« C’est la culture, la camaraderie, la famille du rugby qui m’a maintenue dans cet environnement. Non seulement ça, mais je crois vraiment que le rugby vous aide à grandir en tant que personne. Ça m'a appris l'équilibre et la discipline, et en tant que personne super compétitive, le rugby m'a également appris à accepter humblement les défaites. »

Des expériences riches d’enseignement

Dalia Jordan-Brown a voyagé dans le monde entier pour jouer au rugby, ce dont elle se dit toujours reconnaissante. « J’ai vécu tellement d’expériences merveilleuses que je n’aurais jamais eues sans le rugby, en particulier en voyageant et en rencontrant toutes sortes de personnes différentes lors de tournois internationaux », dit-elle.

« Certains de mes matchs les plus mémorables ont été disputés contre des équipes du World Series en 2013 au Texas. Nous avons pu jouer contre des pays comme la Nouvelle-Zélande, l'Angleterre et les Pays-Bas, ce qui était tellement excitant et je me suis fait des amies pour la vie. »

Elle s'est également rendue en Irlande en 2016 pour les qualifications olympiques féminines à sept, ainsi qu'en Guyane, aux îles Caïmans et à la Barbade pour des tournois à XV. En 2014, elle était à Vera Cruz, au Mexique pour les 22e Central American and Caribbean Games et a participé à plusieurs tournois à 7 et à 10 à la Barbade, aux Bahamas, aux îles Caïmans, en Colombie, au Costa Rica, au Mexique et aux États-Unis, pour n'en nommer que quelques-uns.

Cependant, malgré tous ces voyages et toutes ces expériences passionnantes, Jordan-Brown admet qu’elle était arrivée à un moment de sa carrière où elle ne trouvait plus autant de plaisir à jouer. Pour autant, il n’aura fallu qu’un tournoi à sept à domicile à Tobago en 2012 pour que soit ravivée sa passion pour le sport, lui prouvant à quel point son lien avec le rugby était profond.

« Le ‘Muddy Sevens’ m’a redonné le plaisir du jeu. La camaraderie et le fait que l’équipe grandisse ensemble pendant cette période ont été tellement importants que ça m’a complètement relancée », assure-t-elle.

Améliorer les conditions de jeu

En 2014, Dalia a été invitée à suivre un cours de secourisme dans le rugby (FAIR) au Canada. « Je ne me suis jamais considérée comme une enseignante, donc je n'ai même pas tiqué sur le fait que le cours était réellement destiné à enseigner », reconnaît-elle. « J’y suis simplement allée et c’est comme ça que je suis devenue formatrice médicale pour World Rugby ! »

Selon elle, il est primordial de mettre à profit ce type d’opportunités en adéquation avec ses qualifications professionnelles dans le but d’améliorer les conditions du sport, notamment en dehors de la pratique pure, et particulièrement pour les filles.

« Après quelques années, j'ai eu la chance de terminer ma certification de niveau 2 en soins immédiats en rugby (ICIR) à Toronto. Ça m’a apporté la qualification nécessaire pour assister les médecins officiels sur les rencontres. Ces opportunités de développement ont été très importantes pour moi », dit-elle.

Tout en poursuivant sa mission de formatrice médicale de World Rugby, Jordan-Brown a également assumé le rôle de médecin sur le terrain lors des tournois de Rugby Americas North, ainsi qu'à l'échelle nationale pour Trinité-et-Tobago. Elle a également pris de l’épaisseur en gérant tout l’aspect médical lors du tournoi RAN 2019 à la Barbade.

La même année, Jordan-Brown a été invitée à participer au RAN PWWG - un groupe de travail conçu pour aider à s'assurer que la santé des joueurs soit prise en compte et mise dans les priorités, tout en garantissant que des ressources appropriées soient disponibles dans toute la région.

Le Covid, le rugby et la suite

Compte tenu du contexte actuel de la pandémie mondiale, Dalia rappelle qu'il n'a pas été possible de dispenser ses cours pratiques de médecine. « Nous avons dû reconsidérer la façon dont nous faisons les choses pendant le Covid et nous avons dû chercher des alternatives pour continuer les formations », explique-t-elle. « Le manque de pratique a également été compliqué pour tout le monde dans la communauté du rugby. C'est un territoire tellement inconnu, donc les joueurs essaient juste de continuer à s'entraîner sans jouer au contact jusqu'à ce que le feu vert soit donné à Trinité-et-Tobago. »

Dans le même temps, le docteur a beaucoup travaillé avec le RAN PWWG sur un document destiné à accompagner les pays sur la reprise du rugby en toute sécurité après le Covid, en transmettant les bonnes pratiques à quiconque souhaiterait organiser ou participer à un tournoi : consignes pour les déplacements, l’entretien des sites, les protocoles de quarantaine, les mesures barrières… Elle a également contacté les clubs pour leur proposer son aide afin de les accompagner au moment de leur reprise.

Dalia dit qu'elle aimerait voir plus de personnel médical associé au rugby, en particulier à Trinité-et-Tobago. « Actuellement, je suis la seule membre du personnel médical accréditée ICIR de niveau 2 au niveau national », regrette-t-elle. « Je pense qu’il est essentiel que nous ayons un pool de ressources ICIR plus large, ainsi que des personnes accréditées avec la qualification FAIR, afin de garantir la santé des joueurs. C'est ce que je préconise pour avancer afin que nous puissions continuer à élever le niveau du rugby dans tous les domaines. »

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