Au cours des dix dernières années, la carrière de joueuse de Sene Naoupu a été motivée par une question centrale : dans quelle mesure pouvait-elle contribuer au développement du rugby irlandais et assurer la réussite de celui-ci ?

« Ces notions de service et de contribution me motivent, sur et en dehors du terrain », confirme Sene Naoupu dans un entretien à World Rugby.

Cette philosophie l’a amenée à des résultats, avec le titre de championne du Tournoi des Six Nations féminin en 2015 obtenu lors de sa première année en tant qu’internationale, puis lors de sélections sur la Coupe du Monde de Rugby 2017 ainsi que sur le HSBC World Rugby Sevens Series.

En dehors des terrains, elle a initié des stratégies sportives pour les instances nationales dirigeantes, des fédérations olympiques et auprès des diffuseurs. Figure reconnue de l'égalité des chances dans le sport et les affaires, elle travaille aussi avec des marques internationales pour promouvoir la visibilité des femmes.

Sene Naoupu travaille également en étroite collaboration avec World Rugby et l’International Rugby Players depuis 2017. A la fin de l’année dernière, elle a d’ailleurs été nommée au Comité consultatif des femmes de l’instance dirigeante.

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Ce fut l'occasion de développer et de mettre en forme « des initiatives importantes, un cadre et une structure pour accompagner le joueur dans son parcours de vie ». C’est ça qui a convaincu Sene Naoupu d'assumer en plus la charge de responsable des projets stratégiques et de la recherche au sein de l’International Rugby Players en mars 2021.

« Il ne s'agit pas de la fonction, mais de l'objectif et de la collaboration avec les partenaires autour de moyens innovants pour développer le sport en se focalisant sur le joueur », explique Sene qui va entreprendre des recherches pour son doctorat à la Dublin City University, conformément à sa mission à l’IRP.

« C'est une vraie volonté d'Omar [Hassanein] et de l'équipe, et de la relation renforcée avec World Rugby, d'être en mesure de fournir un soutien aux joueurs et joueuses du monde entier. Cette collaboration est un moyen pour faire grandir le sport dans son ensemble et que ce soit gagnant-gagnant pour toutes les personnes impliquées.

« Je travaille sur tous les aspects du jeu masculin et féminin, sur un certain nombre de projets et de stratégies à l’échelle mondiale. Je veux continuer d’apprendre et m'appuyer sur le travail brillant déjà réalisé dans nos associations de joueurs et continuer à travailler en étroite collaboration avec World Rugby, les fédérations et les partenaires pour atteindre certains objectifs stratégiques qui changeront la donne. »

La réunion de Monaco

Le premier contact de Sene Naoupu auprès de l’International Rugby Players remonte à novembre 2017. Un an plus tard - le même week-end où elle a été nommée capitaine de l'Irlande pour la première fois, en l'absence de Ciara Griffin, contre l'Angleterre - elle s’envolait pour Monaco au titre de représentante de l'organisation.

Aux côtés de Rachael Burford, qui avait été son adversaire sur la pelouse de Twickenham la veille au soir, Sene Naoupu a exposé à World Rugby l’avenir du rugby féminin et a contribué à canaliser les débats qui ont depuis conduit à un nouveau calendrier mondial et à l’introduction du WXV.

« J'ai terminé une thèse à l'UCD sur les modèles émergents dans le développement et la performance du rugby féminin » explique Sene Naoupu. « Les résultats de la recherche ont servi de cadre à la présentation et je suis très reconnaissante envers Omar et toute l'équipe de m'avoir donné l'opportunité d’exposer ce travail au côté de Rachael au nom des joueurs du monde entier.

« La gouvernance, la gestion du changement et la valeur de la marque étaient des thèmes clés, avec des aspects intéressants dans les phases de standardisation, de spécialisation et de centralisation des voies vers la haute performance pour soutenir le rugby à tous les niveaux. »

Rachael Burford et Sene Naoupu sont depuis devenues bonnes amies en dehors du terrain et travaillent en étroite collaboration avec l’International Rugby Players où Rachael est chargée du rugby féminin.

« J’admire Rachael Burford depuis très longtemps et je la considère comme l’une des meilleures numéro 12 au monde », sourit Sene. « Nous avons aussi noué une solide collaboration avec [la directrice générale de World Rugby pour le rugby féminin] Katie Sadleir au fil des ans et ça nous apporte beaucoup dans la mise en œuvre de la stratégie et dans l’engagement des joueurs.

« C’est important de s’impliquer dans les structures de compétition mondiales au nom de l’International Rugby Players, comme avec Ali Hughes.

« En dehors du terrain, Rachael travaille sans relâche pour aider à conduire le rugby féminin. Elle est devenue un modèle à mesure que je me suis de plus en plus impliquée dans la représentation des joueurs. Tout comme Katie, qui a joué un rôle déterminant en élevant le rugby féminin dans le monde à un autre niveau. 

« Nous avons pu passer des caps tous ensemble, mais il y a encore beaucoup de travail à réaliser dans ce domaine pour maintenir la croissance la plus rapide du rugby pour les générations à venir. »

Des moments forts

Remplacer Ciara Griffin et diriger ses coéquipières à Twickenham en 2018 reste un moment marquant de la carrière de Sene Naoupu. Il s’agissait alors d’une juste récompense pour saluer son travail acharné et le dévouement dont elle avait fait preuve après avoir déménagé en Irlande en 2009.

« Lorsque j'ai déménagé en Irlande, c’était pour m’investir dans la communauté, m’imprégner d’une nouvelle culture. Je suis tombée amoureuse de l'endroit, de ses habitants et de tout ce qui s'y rapporte », dit-elle.

« J'ai beaucoup travaillé sur les programmes de détection de talents, d’abord sur le rugby à 7, puis sur le XV. Je ne la ramenais pas trop et je travaillais beaucoup en m’inspirant de ceux qui m’entouraient.

« Ça a été un privilège d’être la vice-capitaine de l’Irlande ces dernières années et d’avoir eu la responsabilité de remplacer Ciara Griffin à une occasion, contre l’Angleterre. Un autre moment fort a été de remporter le Six Nations en 2015, alors que je débutais.

« J'ai pu jouer aux côtés de joueuses exceptionnelles qui m'ont inspirée pour revenir au XV, lorsqu’elles ont remporté le Grand Chelem en 2013 et qu’elles ont battu les Black Ferns (à la Coupe du Monde de Rugby 2014). »

Sene Naoupu pense que l’Irlande « a ce qu’il faut pour gagner des tournois et rivaliser avec les meilleures sur la scène mondiale… c’est une des raisons pour lesquelles je joue toujours ».

L'Irlande a fait un pas vers une éventuelle finale du Six Nations féminin 2021 le samedi 10 avril en battant le Pays de Galles 45-0 à Cardiff Arms Park. A cette occasion, Sene a marqué l’un des sept essais de son équipe.

« Nous avons la chance de disposer d’installations de classe mondiale, d’un encadrement de qualité et d’excellents soins médicaux », se justifie-t-elle. « Mais le résultat de tout ça ne s’arrête pas qu’à une grosse performance contre le Pays de Galles. Nous devons être capable de la reproduire et de faire encore mieux ce week-end contre la France. »

L’Irlande accueillera en effet la France à Dublin samedi 17 avril, avec une place à prendre en finale du Tournoi des Six Nations contre l’Angleterre.

Sene Naoupu mesure la chance qu’elle aura d'être sur le terrain d'Energia Park pour vivre un si grand match. En février 2020, un scan de routine après la défaite en Angleterre avait mis au jour une tumeur au cou. La pandémie a retardé l’opération, qui a eu lieu en juillet, mais Naoupu a pu se rétablir complètement et revenir sur le terrain de rugby contre l'Italie en octobre.

« Quelle chance d’être tombée sur un excellent personnel médical avec Irish Rugby, à la Santry Clinic et à l'hôpital St. Vincent à Dublin, qui ont été brillants », affirme-t-elle.

« Ça m’a fait beaucoup relativiser. J'ai vécu quelques expériences dans ma vie qui ont changé ma vision des choses il y a longtemps - vous ne vivez qu'une seule fois, donc osez, battez-vous pour réaliser vos rêves.

« Je suis reconnaissante envers mes coéquipières et ma direction, mes amis, ma communauté et bien sûr ma famille, qui ont été tout simplement extraordinaires tout au long de cette période. C’est dans ces moments-là que vous comprenez que le rugby est plus qu’un jeu. C’est la communauté à son meilleur. »

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