Karina Soerjanatamihardja reconnaît qu’elle n’a pas eu l’occasion de vivre pleinement sa carrière de joueuse de rugby. En fait, elle peut compter sur les doigts d’une main le nombre de matches qu’elle a pu disputer ces dernières années.

Mais c’est pour une bonne raison. Parce que durant tout ce temps elle travaillait inlassablement à créer les conditions pour attirer plus de filles et de femmes à pratiquer le rugby féminin en Indonésie.

Karina est aujourd’hui directrice du rugby féminin à la Persatuan Rugby Union Indonesia (PRUI), première vice-présidente du comité consultatif féminin d'Asia Rugby et, au début de cette année, elle a reçu une bourse réservée aux dirigeantes de la part de World Rugby.

La trentenaire, qui a également été formatrice pour World Rugby, a passé le plus clair de son temps à travailler sur des opportunités qu’elle n’a pas eu la chance d’avoir lorsqu’elle était plus jeune.

« La raison pour laquelle je suis passionnée par ça, c’est que peut-être justement je n’ai pas eu la chance d’accéder à mon plein potentiel en tant que joueuse », dit-elle à World Rugby. « Et mon but aujourd’hui est de permettre à toutes les joueuses de pouvoir le réaliser. »

Aucun regret

En tant que fille d’un diplomate indonésien, Karina Soerjanatamihardja a parcouru le monde pendant son enfance, de l’Australie à l’Allemagne en passant par l’Autriche, la Malaisie et Hongkong. Le rugby a été omniprésent durant toutes ses années de formation puisqu’elle a joué au rugby à toucher en Malaisie et à Vienne.

Ses parents ne l’ont jamais autorisé à pratiquer ce sport de contact, préférant l’inscrire au badminton, à la danse et à la natation. Ce n’est qu’à ses 18 ans et alors qu’elle vivait à Hongkong qu’elle a intégré un club dans le seul but de se faire des amis.

Karina Soerjanatamihardja n’en a rien dit à ses parents jusqu’au moment où le pot-aux-roses a été découvert quand la famille a reçu un courrier officiel de la Hong Kong Rugby Union à la maison… « Je n’ai aucun regret et je suis restée en contact avec tous mes anciens coéquipiers à Hongkong », sourit-elle.

A XV, Karina Soerjanatamihardja est devenue une troisième-ligne aile efficace durant les deux années qu’elle a passé à Hongkong. En juin 2010, à son retour en Indonésie, elle a aidé à organiser le tournoi Asian 5 Nations Division III et a pris attache avec la communauté rugby locale.

« Je m’étais vraiment spécialisée pendant ma deuxième saison à Hongkong », explique Karina. « Mais lorsque je suis revenue en Indonésie, je n’ai pas trouvé d’endroit où jouer. En 2011, il n’y avait pas d’équipe senior qui avait une section féminine. J’ai alors voulu intégrer les instances dirigeantes pour structurer le rugby féminin en Indonésie afin de permettre aux filles de pratiquer. »

La seule femme autour de la table

Être une femme, qui plus est relativement jeune, n’a pas été une chose facile à imposer. « J’ai souvent été la seule femme autour de la table à chaque fois qu’il y avait une réunion », se souvient-elle. « Encore aujourd’hui je comprends que c’est dur à imaginer, mais le plus difficile pour moi a été de gagner la confiance. Car si vous avez la confiance des autres, alors ils seront plus disposés à écouter ce que vous avez à dire. J’espère aussi que cela permettra à plus de filles de s’impliquer davantage dans le rugby. »

Lorsque Karina a décroché sa bourse dédiée aux dirigeantes, ça lui a permis de reprendre contact avec d’anciennes connaissances de Hongkong comme Doris Chow. « Elle était arbitre quand je jouais », rigole-t-elle. Samantha Feausi aussi, qui a obtenu une bourse en 2018, était sur le même terrain qu’elle, mais dans le camp adverse. Elle a aussi entraîné la sœur de Karina… « J’ai toujours appris de Samantha », reconnaît Karina.

Dans le cadre de la bourse de World Rugby, elle est en train de terminer une maîtrise en communication interculturelle. Cependant, ses espoirs de visiter des pays où le rugby est en plein développement en Europe ont été affectés par la pandémie actuelle du Covid-19.

« Je veux montrer aux filles d’ici qu’à force de travail et de détermination elles pourront arriver à leurs fins », insiste-t-elle. « J’aimerais bien guider la prochaine génération de dirigeantes dans le rugby ici en Indonésie. Je veux leur montrer qu’il y a là une opportunité pour elles, que leur voix peut être entendue et qu’il y a besoin d’un peu plus d’équité dans nos organisations. »

Karina Soerjanatamihardja est convaincue que le rugby féminin va gagner sur tous les tableaux dans les dix prochaines années.

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