Mettre fin à une carrière de onze années au sein de la Metropolitan Police pour se consacrer pleinement au coaching n'a pas été une décision facile à prendre pour Amy Turner, mais elle ne le regrette nullement.

C'était en octobre 2018. Amy travaillait pour la cellule d'investigation de la police en plus d'entraîner à temps partiel pour les Harlequins, l'un de ses anciens clubs de rugby. C'est à ce moment-là qu'elle a accepté la proposition de la Rugby Football Union de devenir celle en charge du parcours de performance.

L'année suivante, Amy est aussi devenue l'entraîneure des U20 féminines et vise maintenant le staff des Red Roses dans leur préparation pour la Coupe du Monde de Rugby 2021 en Nouvelle-Zélande, grâce à sa sélection parmi les stagiaires du programme pour entraîneures de World Rugby. Le but est de permettre à des talents comme Amy de développer leur carrière, auprès des hommes ou des femmes.

« C'est une très belle opportunité et rien que le fait que World Rugby reconnaisse le besoin de monter un tel programme est une excellente chose en soi », salue Amy Turner.

« Il y a d'excellentes entraîneures aussi bien au niveau national qu'international. Je pourrais vous citer six personnes sans réfléchir qui pourraient prétendre à participer à ce programme. Je sens que j'ai beaucoup de chance et je l'apprécie réellement. »

Amy sera stagiaire dans l'ombre de Simon Middleton, le sélectionneur des Red Roses. « J'ai vraiment hâte d'apprendre et d'aider, même à mon petit niveau, pour permettre à l'Angleterre de tirer le meilleur d'elle-même et de revenir satisfaite de sa campagne de Coupe du Monde. »

Amy sait de quoi elle parle, elle qui a participé à trois Coupes du Monde de Rugby - deux à XV en 2006 et 2010 et une à 7 en 2009 – et qui a cumulé 59 sélections dans sa carrière à trois postes : demi de mêlée, talonneur et centre. C'est en 2005 qu'elle a commencé, contre le pays de Galles à Cardiff, en remplaçante de Jo Yapp.

« Quitter le banc pour prendra la place de Jo n'était pas facile car elle était la capitaine à ce moment-là ; je la respectais énormément et elle m'avait tellement soutenu en tant que jeune joueuse au début de ma carrière », se souvient-elle.

Un autre moment fort de sa carrière a été une victoire contre la Nouvelle-Zélande en 2009. « Ça, ça a été un vrai tournant pour l'équipe », affirme-t-elle. Encore un ? Sa 50e sélection en demi-finale de la Coupe du Monde de Rugby 2010 contre l'Australie.

Mais une blessure complexe au genou a condamné Amy à jouer encore deux ans avant d'être obligée d'arrêter. Elle a néanmoins continué à jouer pour les Harlequins jusqu'à ses trente ans avant de basculer dans le coaching et de travailler pour la police.

« C'était un travail compliqué, probablement le rôle de policier le plus solitaire qui soit parce que tout le monde vous déteste », confie-t-elle. « J'ai toujours été en première ligne avec la police, à travailler au 999, puis le rôle d'enquêtrice s'est présenté et j'en ai parlé à une personne du département investigation que je connaissais. Mais ce job s'accompagne d'une stigmatisation. Dès que quelqu'un sait exactement ce que vous faites, la pièce se vide en moins de cinq minutes !

« J'ai toujours fait partie d'une équipe dont j'apprécie à chaque fois la camaraderie. Mais ce n'était pas un travail avec lequel vous pouvez vous faire des amis. Ceci dit, j'adorais mon boulot à la Met Police. Je faisais ce que j'avais toujours voulu faire depuis que j'étais gamine et j'ai aimé y travailler pendant une dizaine d'années. »

Alors que ce travail de bureau lui imposait d'avoir les épaules larges et le cuir épais, elle a littéralement dû avoir la tête solide aussi. « J'ai eu ma première commotion cérébrale pendant une bagarre en service avec un jeune de 18 ans qui s'était disputé avec sa mère et sa mère l'avait jeté dehors », raconte-t-elle. « Nous étions intervenus pour mettre fin à ce différend, il s'est approché de moi avec une barre en fer et m'a donné un coup sur la tête. J'avais 30 ans, je jouais en Premiership depuis quinze ans et je n'avais encore jamais eu de commotion cérébrale. »

Que ce soit sur ou en dehors des terrains, Amy a mis son corps en danger et, pour quelqu'un qui a travaillé non loin de là où a eu lieu l'attaque terroriste du pont de Londres, elle a décidé de prendre de la distance. La proposition de devenir enquêtrice est arrivée au bon moment et lui a permis d'entraîner en parallèle les Quins. Et lorsque la RFU lui a fait plus tard sa proposition, Amy a sauté sur l'occasion, sans regret.

« J'étais un peu stressée quand même parce qu'après avoir passé 11 ans dans la police, est-ce que j'étais prête à tout plaquer pour devenir entraîneure ? » se nuance-t-elle. « J'ai beaucoup discuté avec mon partenaire et ma famille avant de sauter le pas parce que je sortais d'une carrière où vous savez que si vous travaillez dur et que vous êtes cohérent dans votre éthique de travail, vous aurez toujours une carrière. Mais là, l'avenir était assez incertain.

« Avec le coaching, ça va ça vient. Vous pouvez être dans une bonne phase, avoir du boulot pendant un moment ou rien du tout l'année suivante à cause des résultats. Mais ça m'a aidé à trouver un équilibre entre mon travail et ma vie perso et j'adore ce que je fais. »


Comme elle n'est pas du genre à garder ses deux pieds dans le même sabot, Amy a entraîné les U20 féminines d'Angleterre ainsi que les hommes de Hackney. A ce propos, elle reconnaît que cette expérience a été extrêmement profitable.

« Ça m'a énormément aidé à progresser en tant qu'entraîneure, de produire une performance et, espérons-le, de remporter la victoire. Et si ce n'est pas le cas, d'en tirer les leçons et de s'assurer que les joueurs sont prêts pour le prochain match. C'est grâce à tout ce travail d'analyse, de réflexion et de préparation que j'ai pu décrocher le job sur le parcours de performance. »

À l’heure actuelle, il y a trop peu d’exemples d’entraîneures comme Amy Turner travaillant dans le rugby masculin. Un manque que World Rugby s’efforce de combler par le biais de stages et d’autres programmes.

« Je souhaite que l'on me considère comme une entraîneure de haute performance qui peut travailler aussi bien avec les hommes qu'avec les femmes et rien d'autre, surtout pas en fonction de mon sexe », insiste-t-elle.

« Je n'ai pas envie de penser sans arrêt à trouver des postes dans le rugby féminin parce que c'est ce que je sais faire. Je veux que les entraîneures se sentent à l’aise quel que soit l’environnement. Il n'y a pas assez de représentation des femmes et je pense qu'avec un programme comme celui-ci, cela expose les talents qui existent et leur donne la possibilité de poursuivre leur carrière. »

POUR ALLEZ PLUS LOIN >>>> Maria Gallo, fervente ambassadrice du rugby féminin