Le rugby pour les sourds et les malentendants est pratiqué dans le monde entier et le pays de Galles, l'Angleterre et la Nouvelle-Zélande dominent le classement mondial. Mais alors que la base des fans ne cesse de croître, certaines idées reçues ont encore la vie dure concernant cette pratique si particulière. Un match est-il silencieux ? Comment réagir aux injonctions de l'arbitre ?

Voici quelques-unes des questions que l'on a posé à des joueurs et des administrateurs de la England Deaf Rugby.

Les règles sont-elles les mêmes ?

Luke Cheyne, le capitaine de England Deaf Rugby, assure que la plus grande idée reçue concernant le rugby pour les sourds et les malentendants est que les règles y sont différentes de celles du rugby traditionnel.

En fait, il s'agit rigoureusement des mêmes règles. La seule différence est que les joueurs sont tous atteints de surdité. Les plaquages sont aussi forts, la vitesse est aussi rapide et le jeu est aussi beau.

Et les coups de sifflets alors ?

La seule règle dont la transgression peut être tolérée est que, parfois, les joueurs ne prêtent pas attention au sifflet. « Il y a beaucoup de fois où l'arbitre va siffler et personne ne réagit ; le jeu se poursuit jusqu'à ce que quelqu'un s'en aperçoive », explique la présidente de England Deaf Rugby Gina Iaquaniello.

Certains arbitres brandissent des drapeaux de couleur pour accompagner leurs coups de sifflet. Mais les signes des arbitres sont les mêmes.

La langue des signes est-elle pratiquée ?

Oui. La plupart des personnes impliquées dans le rugby pour les sourds et les malentendants sont des bénévoles, tout comme les interprètes en langue des signes qui aident les joueurs à communiquer pendant les entraînements.

Les appareils auditifs sont-ils autorisés sur le terrain ?

Non. Car comme on peut facilement l'imaginer, se prendre un coup alors que l'on porte un appareillage auditif peut provoquer de sérieuses blessures, c'est pourquoi ceux-ci ne sont pas autorisés sur le terrain.

Au plus haut niveau, il n'est pas rare de voir l'arbitre vérifier lui-même si un joueur ne porte pas d'appareillage sous son casque.

Est-on obligé d'avoir d'autres moyens de communiquer ?

Si certains joueurs de rugby vont être fiers de dire qu'ils ont développé une capacité à comprendre un langage qui ne soit pas verbal, comme être capable de lire sur les lèvres, pour les pratiquants sourds et malentendants, c'est quasiment une obligation. Ils doivent même être encore plus pointus sur la connaissance des règles.

« Nous devons accorder encore plus d'importance au jeu que ceux qui ne sont pas malentendants pour comprendre ce qui se passe exactement », assure Lynn Bryant, flanker à England Deaf Rugby. « Vous devez connaître parfaitement votre poste et vos coéquipiers. »

Les sourds et malentendants peuvent-ils crier ?

Oui. « Il y a eu de vraies discussions pour savoir si les sourds peuvent se parler sur le terrain », rappelle Gina Iaquaniello. « Mais juste parce que vous êtes sourd, ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas parler. Les sourds aussi peuvent crier ! »

Compte tenu des différents niveaux de surdité, les joueurs de rugby malentendants sont susceptibles d'être modérément ou profondément sourds et certaines équipes peuvent avoir des joueurs plus empêchés d'entendre que d'autres. Dans un effort pour atteindre l'équité et l'inclusivité entre les joueurs et les équipes en compétition et pour fournir des conditions de jeu équitables, des variations mineures des règles du jeu peuvent être appliquées.

La communication via l'utilisation de drapeaux et les signaux des arbitres sont autant de moyens d'augmenter l'utilisation des repères visuels plutôt que d'utiliser la voix sur le terrain. Il peut aussi y avoir des arbitres supplémentaires et des interprètes en langue des signes pour faciliter la compréhension des officiels...

Mais qu'entend-on par « sourd » ou « malentendant » exactement ?

La norme mondiale pour être capable de jouer au rugby pour les sourds et les malentendants est d'avoir une perte d'audition de 40 décibels, bien que certains pays autorisent des joueurs avec une perte moins importante pour des rencontres amicales.

« Nous avons différents niveaux de surdité avec des raisons et des conditions médicales variables », relève Gina Iaquaniello. « Certains n’ont pas toujours été sourds de naissance, certains ont une perte d'audition progressive et certains sont restés sourds toute leur vie. »

Comment se passe la mêlée ?

Les équipes de rugby pour sourds et malentendants ont souvent mis en place leur propre communication et une certaine manière de jouer.

Luke Cheyne explique que dans la mêlée les joueurs de la première-ligne ont souvent leur propre façon de savoir à quel moment entrer en contact avec l'équipe adverse. Parfois, c'est une tape ou une pression des doigts, la sensation de sentir le pack avancer ou simplement l'analyse du comportement de l'équipe adverse.

Il est en fait très rare quand les joueurs ne savent pas quand s'engager et que l'arbitre ordonne de refaire la mêlée pour cette raison.

De quelle manière apprécie-t-on l'esprit du rugby ?

Le pilier Corey Beck affirme que l'esprit de camaraderie est encore plus fort dans le rugby pour les sourds et malentendants. « En fin de compte, nous sommes une communauté de joueurs de rugby unis par une perte auditive », dit-il. « Nous montrons par l'exemple que la patience, la compréhension et la véritable amitié peuvent surmonter certains des obstacles liés à la déficience auditive. »

Un avis que partage le capitaine Luke Cheyne. « Notre communauté ne ressemble à aucune autre », ajoute-t-il. « Parce que nous partageons une perte auditive, nous avons une appréciation commune les uns des autres. Cela permet également à notre handicap auditif d'être valorisé plutôt que d'être considéré comme négatif. À part cela, les valeurs et la culture du rugby sourd sont les mêmes que celles de tout autre type de rugby. »

Est-ce que l'on peut jouer au rugby de haut niveau ?

Bien qu'il y ait d'autres défis importants à relever, la perte auditive n'empêche pas les joueurs de jouer au plus haut niveau du rugby et de nombreux joueurs vedettes du rugby souffrent même d'une forme de perte auditive. Ben Cohen par exemple, qui a remporté la Coupe du Monde de Rugby en 2003 avec l'Angleterre, est reconnu cliniquement sourd avec seulement 46% d'audition.

Mat Gilbert, qui a joué pour des équipes telles que Bath, Worcester Warriors et Llanelli Scarlets, a également joué pour l’équipe de rugby pour sourds et malentendants du pays de Galles.

De même, la joueuse de Sale Sharks, Jodie Ounsley, est profondément sourde et joue à la fois pour l’équipe de rugby à 7 de l'Angleterre et son équivalent à England Deaf.

Compte tenu des similitudes entre le « deaf rugby » et le rugby traditionnel, les fédérations nationales de World Rugby sont en définitive responsables de la gouvernance et de l'administration du jeu, mais travaillent en collaboration avec les parties prenantes nationales du rugby sourd qui sont également soutenues par World Deaf Rugby, une organisation qui vise à rassembler, inspirer et encourager les communautés sourdes du monde entier dans plus de 20 pays à participer au rugby, que ce soit en tant que joueur, bénévole ou fan.

Pour en savoir plus sur le rugby pour sourds et malentendants, vous pouvez visiter le site www.worlddeafrugby.com et pour les initiatives #RugbyForAll, consultez www.world.rugby/rugbyforall

Crédit photo : Gary Bide / England Deaf Rugby Union