Pour un endroit qui n'est traditionnellement pas rattaché au rugby, la ville de Bradford, en Grande-Bretagne, a été le point central de deux événements importants dans l'histoire du sport. Exactement 125 ans après être devenu le lieu de naissance du Barbarians FC, connu dans le monde entier, la ville du West Yorkshire a également accueilli le tout 1er tournoi international de rugby adapté, l'International Mixed Ability Rugby Tournament (IMART).

En 2015, le rugby adapté n'est pratiqué que dans certains endroits confidentiels en Europe, dont Bradford. Pourtant, la discipline ne cesse de séduire jusqu'à lancer un tournoi international en Grande-Bretagne.

« On pensait : et pourquoi pas se mettre tous ensemble et nous aussi organiser notre propre Coupe du Monde de rugby adapté », raconte Martino Corazza, l'un des pères-fondateurs, avec Mark Goodwin, de l'International Mixed Ability Sports (IMAS), la fédération internationale des sports adaptés.

« On avait le soutien de la ville de Bradford et de la RFU. Le timing était parfait parce que la Coupe du Monde de Rugby était organisée en septembre en Angleterre et la nôtre était juste avant, donc comme ça, ça faisait un peu en lever de rideau. »

Natif de Turin (Italie), Martino Corazza a croisé le chemin de Mark Goodwin lorsqu'il recherchait une équipe similaire à celle qu'il avait monté dans le nord de la ville - Chivasso Rugby - en Europe. Il l'a trouvée à Bradford avec les Bradford & Bingley Bumble Bees, la première équipe de rugby adapté en Angleterre. En tout, il y aurait une soixantaine équipes du genre affiliées aujourd'hui à l'IMART.

Un club né d'une frustration

Les Bumble Bees ont été créés en 2009 par l'un des étudiants de Goodwin, Anthony Brooke, une jeune homme déterminé atteint de paralysie cérébrale et de difficultés de langage. Anthony était frustré que son état, ou plutôt les idées fausses qui l'entouraient, l'empêchait de jouer au rugby comme tout le monde.

Après des débuts timides, les Bumble Bees comptent aujourd'hui une quarantaine de joueurs licenciés et leur exemple a permis de voir se lancer d'autres équipes du genre dans le nord de l'Angleterre.

« Beaucoup de clubs voient dans cette opportunité un moyen de se reconnecter à leur communauté locale », explique Martino Corazza. « Peu importe que vous soyez doués ou non, que vous gagniez le samedi ou non. C'est une composante de la vie sociale, un moyen d'échanger avec sa famille, ses amis et les supporters dans un clubhouse, de boire des bières ensemble... Ce sont ces valeurs qui séduisent les clubs. »

Abattre les barrières

Corazza se souvient de la fois où il a entendu Anthony parler pour la première fois. Et tout de suite, le public l'a adopté. « Anthony s'était assez sérieusement blessé au genou et s'était fracturé la main en jouant au rugby. Si bien que lorsqu'il s'adresse à des gens dans un club de rugby, ils sont très réceptifs, ils le considèrent comme l'un des leurs parce qu'ils connaissent très bien le genre de blessures qu'il a subi pour les avoir subies eux-mêmes », raconte Martino Corazza.

« Les gens voient avant tout le joueur de rugby et ils voient au-delà de la difficulté de s'exprimer. C'est un excellent exemple de ce que représente le rugby adapté. Il ne pourrait pas jouer au rugby parce qu'il a du mal à parler ? Il comprend parfaitement qu'il prend un risque et il l'assume totalement. »

Pour fédérer ce microcosme des clubs de rugby adapté, Corazza a fondé l'IMAS avec Goodwin dans le but de donner une valeur juridique et internationale aux sports adaptés. Le succès rencontré par le rugby a permis à d'autres sports de se joindre à l'organisation comme la boxe et l'aviron.

« Mon idée en 2012 était de décrocher des financements européens, de passer quelques mois en Angleterre pour échanger sur la pratique, se former les uns les autres, puis retourner en Italie. Bon, ça ne s'est pas vraiment passé comme ça. Ça fait huit ans et je suis toujours là ! », rigole Martino.

Le rugby, un sport ouvert à tous

Ancien troisième-ligne aile du temps où il jouait en Italie, puis avec les Bumble Bees, Corazza assure que ceux qui s'intéressent au rugby adapté sont tout de suite conquis.

« J'étais un peu enrobé quand j'étais ado et je rageais de ne pas être plus mince », raconte-t-il. « Je devais mettre cette frustration de côté et, comme ça s'est passé pour le foot, qui est omniprésent en Italie, quelqu'un m'a proposé de jouer au rugby. J'ai été tout de suite accroché. J'avais le sentiment que j'avais enfin trouvé mon sport.

« Il y a une telle diversité sur un terrain de rugby, c'est ouvert à tout le monde. Peu importe que vous soyez petit ou grand, gros ou maigre, que vous ayez une déficience ou non, vous avez les mêmes bleus et vous trinquez avec la même bière à la fin ! »

La troisième édition du tournoi international en 2021

IMART 2020, la troisième édition du tournoi international de rugby adapté, devait avoir lieu en juin 2020 mais a été repoussé d'un an en raison de la pandémie de Covid-19.

« Nous avions 12 équipes la première année, 16 la deuxième en Espagne et maintenant je crois que nous serons 28, ce qui représente une progression incroyable », s'étonne Martino Corazza.

« Regardez les Pumpas d'Argentine (vainqueurs en 2017, ndlr), par exemple. Ils sont venus à Bradford avec trois joueurs pour voir ce qu'il y avait et ils ont joué dans l'équipe d'Italie. En 2017, ils sont revenus à Vitoria-Gasteiz, dans le pays basque, avec deux équipes et 80 personnes. Et l'année prochaine, si tout va bien, ils ont prévu de venir avec quatre équipes et seront immanquablement les favoris ! L'Argentine, c'est maintenant dix équipes de Córdoba à la Patagonie et ils ont été en tournée en Uruguay et en Équateur. »

D'autres équipes commencent à émerger au Chili, en Nouvelle-Zélande, au Paraguay, au Portugal, au Pays-Bas, au Canada et à Singapour. Pour en savoir plus sur le rugby adapté : imartworldcup.org/ et world.rugby/rugbyforall