C'est une rivalité longue, très longue qui s'étire sur 9 000 km entre les USA et le Canada. Il faut remonter à 1977 pour vivre le premier clash entre les deux pays. En tout, 63 duels ont opposé les Canucks aux Américains ; les premiers affichant 38 victoires et les seconds 23 (avec deux matches nuls).

L'ancien talonneur (devenu numéro 8) Aaron Carpenter a été le capitaine du Canada lors d'une victoire 27-9 à Charleston en août 2013 qui avait permis aux Canadiens de se qualifier encore une fois en tant que Amériques 1 pour la Coupe du Monde de Rugby 2015. Âgé de 37 ans, il est aujourd'hui entraîneur adjoint des Toronto Arrows et se souvient parfaitement de cette rencontre.

« Ce jour-là, on avait tous les éléments contre nous », se souvient-il. « Pendant les hymnes, des bombardiers nous ont survolés. C'était destiné à nous déstabiliser. En plus il faisait chaud et humide, mais bizarrement tout a joué ensuite en notre faveur. Phil Mack a marqué un superbe essai en solo et la victoire a été pour nous. »

Le Canada a également gagné le match retour 13-11 pour cumuler 40-20 sur les deux rencontres et se préparer pour l'Angleterre en 2015.

Mais le tournoi de qualification suivant en 2017 en vue de la RWC 2019 ne s'est pas déroulé de la même manière, loin de là. Ce sont les Eagles qui se sont qualifiés en tant que Amériques 1 pour la première fois de leur histoire grâce notamment à un 52-16 en match retour pour porter le score global sur les deux rencontres à 80-44.

Le défi de la qualification en RWC

« Un de mes plus grands regrets c'est que la dernière fois que j'ai joué contre eux nous n'avons pas pu nous qualifier tout de suite, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. Mais c'est comme ça », confie Aaron Carpenter. « World Rugby vient de dévoiler le mode de qualification pour la RWC 2023 et maintenant, c'est notre défi. Avec de la chance, on va pouvoir faire le job cette fois et battre les USA d'emblée. Mais c'est fini le temps où nous n'étions que deux équipes. L'Uruguay est une excellente équipe et on l'a bien vu lors de la dernière Coupe du Monde. On va devoir faire attention... »

Blaine Scully s'était blessé au coude en jouant pour les Cardiff Blues en Pro 14 et avait dû renoncer à participer au tournoi de qualification pour la RWC 2019. Mais ce jour-là, il était resté porteur d'eau pour être au plus près de ses coéquipiers.

« On n'a pas besoin d'une motivation supplémentaire, juste porter le maillot de notre pays et jouer contre le Canada pour une place en Coupe du Monde de Rugby était largement suffisant », sourit-il.

« Même si nos matches sont intenses, nous avons un grand respect mutuel. Le Canada a produit des joueurs extraordinaires au cours de toutes ces années, des gens comme DTH van der Merwe, Jeff Hassler, Aaron Carpenter et Tyler Ardron. Un peu plus loin vous aviez des gars comme Gareth Rees et Al Charron et cette superbe équipe qui a joué les quarts de finale de la Coupe du Monde en 1991. »

Quand le vent tourne

Pourtant, Blaine Scully a vécu les cinq premiers matches de sa carrière avec cinq défaites contre le voisin canadien. Mais après, les USA ont enchaîné huit victoires de rang. Désormais retiré des terrains, Scully se souvient de cette victoire 38-35 en Pacific Nations Cup en 2014 ; l'un des moments les plus forts de ses 54 sélections.

« Durant mes premières années, les résultats étaient quand même assez serrés, mais on n'arrivait pas à s'imposer, ils étaient toujours devant », se souvient-il. « Mais ça a changé en 2014 et ça a été le match le plus fou de ma vie. En plus c'était chez moi, à Sacramento. Je n'ai pas arrêté de courir partout ce jour-là. Il y a eu de superbes essais de marqués et on a plié le match à la 82e minute. Battre le Canada pour la première fois de ma carrière, et la première fois depuis un moment pour les États-Unis, m'a fait passer un délicieux week-end... »

Revers de fortune

Depuis, les USA Eagles n'ont ensuite cessé de monter sur l'échelle de la performance, jusqu'à se hisser à une 12e place au classement mondial World Rugby en 2018 alors que le Canada est aujourd'hui sorti du Top 20.

Malgré tout, Aaron Carpenter caresse l'idée de jouer un jour sous la même bannière que les USA, représentant l'Amérique du Nord et non plus l'un ou l'autre pays.

« Comme c'est le cas pour l'Australie et la Nouvelle-Zélande, pour l'Angleterre et le pays de Galles, c'est contre votre voisin que vous vous mesurez le mieux », dit-il. « Dans les dernières rencontres, ils nous ont battus. Ils ont de très bons coachs, qui font partie des meilleurs au monde, ils ont vraiment pris en main leur programme et se sont améliorés dans beaucoup de domaines.

« Regardez, ils ont 12 équipes pro maintenant en MLR alors qu'on n'en a qu'une seule. Ils ont toujours eu trois ou quatre joueurs qui évoluent à l'étranger comme Chris Wyles. Maintenant, ils continuent de former de bons athlètes américains au rugby et d'avoir de bons entraîneurs.

« On veut toujours se mesurer à eux et conserver cette rivalité, mais on veut grandir au même rythme qu'eux aussi. Si on continue à essayer de rabaisser l'autre tout le temps, ça ne va pas beaucoup nous aider. Les meilleures équipes au monde travaillent ensemble pour devenir encore meilleures et je pense qu'on devrait arriver à faire la même chose.

« C'est triste de voir où on en est aujourd'hui. Du point de vue du coach que je suis, j'essaie de redonner des couleurs au maillot. On ne devrait pas être 23e mondial, mais plutôt 13e, 14e, même 15e au monde ; c'est là qu'on devrait être. Or, on ne tire pas partie de notre rivalité, c'est même tout l'inverse qui se passe. Le rugby canadien doit grandir et redevenir une équipe incontournable dans le paysage rugbystique mondial. »