On ne le sait peut-être pas assez, mais Jim Greenwood a eu une influence importante sur le rugby moderne. L’Écossais aux 20 sélections, né en 1928 et décédé 81 ans plus tard en 2010, n'a jamais quitté sa terre natale.

Et ce n'est pas parce que son premier test était contre la France en 1952 que son souvenir est aussi vivace aujourd'hui, mais plus spécialement parce qu'il a été prof d'Anglais et de rugby.

Il y a cinq ans, lorsqu'a été publiée la sixième édition de Total Rugby, une page était réservée à toutes les personnes qui avaient été influencées par l'ancien n°8. On y trouvait pas moins que Clive Woodward, son ancien élève, Ian McGeechan, Wayne Smith, Bill Freeman, mais aussi deux femmes parmi les pionnières du rugby féminin à Loughborough University, là où Greenwood enseignait.

Liza Burgess et Emma Mitchell sont plus tard devenues capitaines respectivement du pays de Galles et de l'Angleterre. « C'était quelqu'un de fantastique », a écrit Emma Mitchell en 2015. « Il nous a tout appris. Il nous a encouragé à apprendre et à tenter. »

Encore aujourd'hui, Liza et Emma continuent d'évoluer dans le monde du sport. Liza, devenue entraîneure, est d'ailleurs devenue la première femme à être élue au Conseil d'administration de la Welsh Rugby Union en novembre 2019. « Jim était en avance sur son temps. Sans lui, le rugby féminin n'aurait pas été le même en Grande-Bretagne », a-t-elle écrit.

Un prof exceptionnel

Greenwood avait été capitaine de l’Écosse neuf fois en vingt tests, entre 1952 et 1959, et a marqué deux essais pour les British & Irish Lions, notamment lors de la tournée en Afrique du Sud en 1955. Et c'est en 1968 qu'il a commencé à travailler à la Loughborough University où il a forgé les carrières de Clive Woodward, Andy Robinson, Fran Cotton et de bien d'autres.

Intronisé au World Rugby Hall of Fame, Jim Greenwood a des admirateurs dans le monde entier et a entraîné au Canada, au Japon, aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande où il était connu comme étant « Mr Rugby ».

Mais c'est à Loughborough qu'il a vraiment marqué un tournant dans l'histoire du rugby. Au mitan des années 80, il s'aperçoit que de plus en plus de filles viennent l'écouter parler rugby, ce qui l'encourage à tenter avec elles des entraînements spécifiques.

« Mon premier entraîneur, c'était Jim Greenwood », raconte Emma Mitchell. « Quelle chance d'être si jeune et de commencer tout de suite à être entraînée par lui ! Il était une source d'inspiration inépuisable et un prof exceptionnel. »

Dix ans d'avance

Dans les années 70, ses cours d'été consacrés au rugby attirent des entraîneurs désireux de se perfectionner des quatre coins du Royaume-Uni, mais aussi d'autres pays comme d'Espagne et du Portugal. Son influence était telle qu'il a contribué à mettre en place des structures durables en Argentine, au Japon, aux USA et au Canada. Il a également entraîné l'équipe féminine d'Angleterre, mais jamais l'équipe féminine d’Écosse.

« Sa femme, Margo, nous a raconté un jour qu'en rentrant de son premier entraînement avec nous, il sautillait », rigole Emma Mitchell. « Il pensait qu'on était de vraies éponges, tellement motivées pour apprendre les règles, écouter et appliquer ce qu'il nous enseignait. Et je pense qu'il trouvait ça très motivant en retour. »

Amanda Bennett était la capitaine de l'équipe de Loughborough lorsque Greenwood en était le coach et elle se souvient avec quelle ferveur les joueuses avaient dévoré les trois livres qu'il avait écrit sur le rugby. Et ce n'est pas un hasard si elle-même s'est mise un jour à entraîner. « C'était une tête », dit-elle. « Et même aujourd'hui, quand les gens parlent d'Eddie Jones ou de Warren Gatland, Jim avait dix ans d'avance sur eux ! »

Jim Greenwood a permis de solidifier les bases du rugby féminin. La Women’s Rugby Football Union (WRFU) a été créée en 1983. Et, après une tournée au Royaume-Uni et en France avec une équipe américaine, les Wiverns, en novembre 1985, le désir d'organiser des matches internationaux a commencé à se faire sentir.

Respect et honnêteté

La Grande-Bretagne a participé au championnat européen en 1988 et l'Angleterre a disputé ses premiers tests. Sur le terrain, le jeu était reconnaissable puisque les joueuses appliquaient les méthodes de Jim Greenwood.

« Juste avant mon premier test, on s'est entraîné une fois un mois avant à Loughborough avec lui », se souvient Cheryl Stennett, ailier de l'Angleterre. « Il était tellement respecté et tellement honnête avec tout le monde. S'il décelait la moindre faiblesse dans votre jeu, il venait vous en parler et voir avec vous comment ça pouvait être amélioré. C'était génial et on le respectait, rien que pour ça. On voulait toutes travailler avec lui. »

Jim Greenwood a cessé d'entraîner l'équipe d'Angleterre avant la première Coupe du Monde de Rugby Féminin en 1991 au pays de Galles, passant le relais à Steve Dowling qui avait suivi lui aussi ses enseignements à Loughborough. Les grandes lignes étaient conservées et l'héritage demeurait.

« Le groupe qui s'est imposé alors qu'on ne l'attendait pas, ce sont les joueuses. Sans se laisser décourager par les critiques des hommes et des femmes bourrés de préjugés, de plus en plus de femmes se tournent vers le rugby en tant que joueuses », a écrit Jim Greenwood dans une édition ultérieure de Total Rugby.

« J’ai beaucoup aimé entraîner Loughborough, en Angleterre, et les équipes féminines de Grande-Bretagne. Je n'ai jamais rencontré des personnes aussi gentilles, faisant preuve d'autant de dévouement au rugby ou de plaisir de jouer.

« Mais en tant qu'entraîneur, ce qui ressort, c'est le talent que les meilleures joueuses ont montré dans le rugby. En termes de lecture du jeu, de prise de décision intelligente, d'improvisation face à des problèmes inattendus et de compétences, les femmes n'ont rien à envier aux hommes. Elles sont tout autant déterminées à attaquer et à défendre, et tout aussi sincères dans le contact ! Quand vous considérez qu'aucune de ces joueuses n'a d'expérience antérieure, leur relation avec le rugby est d'autant plus remarquable. »