Président emblématique de la Fédération Française de Rugby (FFR) de 1991 à 2008, Bernard Lapasset a également été président de l'International Rugby Board en 1995-1996, puis de 2008 à 2016 au moment où l'IRB est devenu World Rugby.

Lorsqu'en 2016 on lui pose la question du moment dont il a été le plus fier au cours de ses deux mandats à la tête du rugby mondial, il ne met pas longtemps à répondre.

"C'est extraordinaire de voir aujourd'hui comment le rugby féminin est entré dans la cour des grands événements sportifs mondiaux..."

Bernard Lapasset

« Ce qui me vient, c'est la Coupe du Monde de Rugby des filles », dit-il. Si les deux premières éditions en 1991 et 1994 étaient considérées comme un « tournoi international féminin » – l'IRB leur accordera le statut officiel de « Coupe du Monde de Rugby féminin » en 2009 - c'est la troisième en 1998 au Pays-Bas qui reçoit pour la première fois l'adoubement espéré. Suivront 2002 en Espagne, 2006 au Canada, 2010 en Angleterre, 2014 en France, 2017 en Irlande et 2021 en Nouvelle-Zélande.

« C'est extraordinaire de voir aujourd'hui comment le rugby féminin est entré dans la cour des grands événements sportifs mondiaux », constate Bernard Lapasset. « Je sens l'éclosion aujourd'hui, la fin de cette barrière que le rugby était uniquement pour les hommes et qu'il n'y avait pas de place pour les femmes. »

Gommer les différences

En 2009, la cinquième Coupe du Monde de Rugby à 7 se double pour la première fois d'un tournoi féminin. Il s'agit alors de montrer le potentiel que cette discipline pourrait avoir en vue des Jeux olympiques. « La participation en plein essor, l'introduction de la Coupe du monde de rugby à sept féminin et les normes de compétition toujours plus nombreuses signifient que le rugby féminin n'a jamais joui d'un profil mondial aussi fort », s'enthousiasme alors Bernard Lapasset.

« On a ouvert la pratique du rugby à toute la diversité du monde aujourd'hui. Et c'est ce qui fait sa force aujourd'hui, comme avec le 7. On a ouvert le rugby dans toutes les régions : en Asie, en Afrique, en Océanie, en Amérique du Sud. C'est le résultat de cette force qu'on a donné avec les compétitions, avec le 7 et avec le XV. »

C'est en 2019 que World Rugby décide de donner la même dénomination pour les deux plus grands tournois de rugby au monde. On parlera désormais d'une seule et même « Coupe du Monde de Rugby », qu'elle soit pour hommes ou pour femmes, et non plus d'une « Coupe du Monde de Rugby féminin ».

"Si demain vous n'avez pas de section féminine dans votre sport, le sport va disparaître."

Bernard Lapasset

« Si demain vous n'avez pas de section féminine dans votre sport, le sport va disparaître. Si on veut durer dans la hiérarchie des grands sports internationaux, il faut avoir une diversité de pratiques, masculines et féminines. C'est incontournable aujourd'hui. C'est un vrai challenge de société. C'est important dans notre histoire que d'avoir construit le rugby féminin, d'avoir donner une place si importante aujourd'hui. »

Une place plus forte

Le tournoi a gagné en puissance et médiatisation au cours des quinze dernières années. Si en 1998 quelques matches sont enregistrés pour la première fois, en 2006, c'est la première fois que la finale est retransmise en direct dans plusieurs pays et sur Internet. En 2010, 13 matches sont diffusés – dont tous ceux impliquant l'Angleterre. 2014 marque un tournant dans le rugby féminin en France alors que le tournoi bat des records de participation dans les stades et d'audience à la télévision. Si 2017 est la Coupe du Monde de Rugby féminin la plus regardée, celle prévue en 2021 promet d'établir encore de nouveaux records pour cette première organisation dans l'hémisphère Sud.

« Je crois que le plus important dans le rugby ce n'est pas la compétition, c'est la culture, l'histoire que l'on donne à travers ce sport dans la référence du vivre-ensemble », rappelle Lapasset. C'est un sport de fair-play, d'éducation, de respect, de fidélité, d'esprit d'équipe. Il y a une richesse qu'il fallait conserver. Et on a réussi, par un système qui a permis aux clubs et aux fédérations de construire ensemble le projet professionnel, de garder des systèmes de formation avec chacun sa culture. Les valeurs sont en revanche les mêmes. »