Sur un des murs de chez lui dans l'Ontario est accroché le maillot du All Blacks Alan Whetton. Al Charron possède une collection d'objets de rugby qui reflète sa carrière qui l'a amené à représenter le Canada à 76 reprises dans le monde entier, à participer à quatre Coupes du Monde de Rugby et à devenir membre du World Rugby Hall of Fame en 2017.

Désormais embauché à Rugby Canada, la fédération du Canada, celui qui a joué troisième-ligne aile, troisième-ligne centre et deuxième-ligne n'est pas avare d'anecdotes, notamment concernant le seul et unique quart de finale que le Canada ait jamais disputé, lors de la Coupe du Monde de Rugby 1991, qui s'est soldé par une défaite 29-13 à Lille.

Cet exploit peut être revu lors de sa rediffusion sur les plate-formes numériques de World Rugby dimanche 24 mai dès 19h BST (20h, heure française) sur la page officielle Facebook de la Rugby World Cup ainsi que sur la chaîne YouTube de World Rugby.

Avec seulement sept sélections et une année d'expérience internationale à son actif, Al Charron a vécu à ce moment-là l'un des momentum de sa carrière.

« En ce qui me concerne, jouer la Nouvelle-Zélande c'était génial », raconte-t-il. « Je suis arrivé au rugby sur le tard et à cette époque-là il n'y avait pas beaucoup de matches à la TV. Les seuls matches de haut niveau qu'on pouvait voir, c'était sur VHS et ça venait de différentes parties du monde. »

Retourner au travail ou jouer les All Blacks

« Des gars, dans mon club de Ottawa Irish, m'ont dit que si je voulais apprendre à jouer au rugby, il fallait que je regarde les All Blacks et c'est ce que j'ai fait. J'adorais tout ce qu'ils faisaient, le haka et tout le reste... »

A la RWC 1991, le Canada était parvenu à se qualifier pour les quarts de finale après avoir battu les Fidji (13-3) et la Roumanie (19-11) avant de finir d'un cheveu derrière la France (19-13).

« Je nous revois assis dans le hall de l'hôtel après la victoire sur la Roumanie qui nous avait qualifié pour les quarts », se souvient l'ancien ouvreur Gareth Rees, lui-même membre du World Rugby Hall of Fame et employé de Rugby Canada. « Les gars allaient passer des coups de fil à la cabine. On n'avait pas de téléphone dans la main comme on a aujourd'hui. Ils appelaient leur employeur pour savoir s'ils pouvaient avoir une semaine de congé supplémentaire...

« Il y en avait certains qui n'aimaient pas trop leur boulot et qui étaient contents de risquer le licenciement, en fait. Il fallait que tout le monde soit disponible pour le quart de finale. Je raconte souvent aux joueurs d'aujourd'hui cette anecdote pour qu'ils comprennent qu'on devait faire un choix entre retourner au travail et disputer un quart de finale de Coupe du Monde, juste pour remettre dans le contexte... »

Un échange de maillots qui vaut de l'or

Peu habitués à rester loin de chez eux aussi longtemps, les Canucks ont disputé le quart de finale tant attendu contre la Nouvelle-Zélande dans les pires conditions météo. Sous une pluie battante, ils étaient menés 21-3 à la pause à Lille. Mais grâce aux efforts de chacun – Al Charron en tête – ils ont « gagné » la seconde période.

« Bravo à la Nouvelle-Zélande parce qu'ils ont marqué de beaux essais contre nous, mais ce match a montré au monde entier que le Canada pouvait jouer au rugby », assure Al Charron. « Il n'y avait pas beaucoup de pays émergents à cette époque qui pouvaient se vanter d'avoir battu la Nouvelle-Zélande au tableau d'affichage sur une période et c'est ce qu'on a pourtant réalisé. Mais bon, à la fin on a quand même perdu... Si bien qu'on avait un sentiment mitigé sur cette Coupe du Monde. Mais je sais qu'on a fait plus que ce que tout le monde attendait de nous. »

Ça n'a pas empêché le Canada de s'offrir un tour d'honneur du stade. « Pendant le tour d'honneur, on était trois à ne pas avoir encore changé de maillot. Et comme je ne savais pas combien de temps j'allais encore pouvoir jouer, parce que je ne savais pas à combien de Coupe du Monde j'allais jouer, combien de fois j'aurais la possibilité de jouer contre la Nouvelle-Zélande, j'étais désespéré de récupérer un maillot ! S'il y a bien un maillot que vous voulez avoir, c'est celui des All Blacks !

« Je devais le faire avant de retourner au vestiaire et c'est là que je suis tombé sur Alan Whetton. C'était trop bien d'avoir son maillot et maintenant il est accroché à côté de mon maillot du Canada. »

Gareth Rees aussi se souvient de chaque détail de ce match et de son soutien à l'essai d'Al Charron. « On voulait montrer au monde entier que le Canada savait jouer au rugby et que nous étions une bonne équipe », sourit-il.