Il ne se sentait pas super bien Martin Johnson le dimanche 9 novembre 2003, avant d'affronter le pays de Galles en quart de finale de la Coupe du Monde de Rugby 2003 au Suncorp Stadium de Brisbane. Il avait d'ailleurs été mis au repos quelques jours suite à la victoire contre l'Uruguay une semaine avant au même endroit et, lors de sa « reprise » pour préparer le match contre les Gallois, il s'était blessé au mollet pendant l'entraînement.

Une blessure certes pas trop sérieuse pour imposer le forfait au capitaine de l'Angleterre, mais suffisante pour le perturber dans sa préparation de ce match couperet. Cette rencontre est rediffusée sur les plate-formes numériques de World Rugby vendredi 15 mai dès 19h BST (20h, heure française) sur la page officielle Facebook de la Rugby World Cup ainsi que sur la chaîne YouTube de World Rugby.

En 2003, l'Angleterre partait favorite pour soulever la Webb-Ellis Cup et, soucieux d'éviter au maximum les blessures, l'entraîneur Clive Woodward avait pris soin de faire tourner son effectif durant la phase de poule. Après avoir battu l'Afrique du Sud pour le deuxième match de la Poule C, Woodward avait procédé à sept changements pour le troisième match contre les Samoa, puis à dix pour affronter l'Uruguay ensuite. Ce qui fait que l'équipe A de l'Angleterre n'avait pas joué ensemble depuis la victoire contre les Springboks 22 jours plus tôt.

 

« En fait, quand on y repense, on n'avait pas beaucoup joué ensemble, ce qui paraît incroyable aujourd'hui », se souvient Martin Johnson. « Personnellement, je m'étais très, très légèrement blessé au mollet dès le premier jour de l'entraînement pour le quart de finale, ce qui m'a empêché de bien me préparer. C'était une semaine bizarre parce que j'allais disputer un quart de finale le week-end suivant alors que je ne m'étais pas beaucoup entraîné. Et mentalement, ça a joué.

« Parce que, et d'une je ne m'entraînais pas et de deux, je n'ai pas donc pu me préparer mentalement pour ce match. Il y avait un truc qui n'allait pas, j'étais un peu déconnecté. Je n'étais pas habitué à ne pas m'entraîner, c'était étrange. Si bien que lorsque je suis entré sur le terrain à Brisbane, je me suis dit : ça n'a pas l'air d'un quart de finale... »

Les Anglais étaient trop confiants

« On avait largement battu le pays de Galles à Cardiff la dernière fois (en février, pendant le Tournoi des Six Nations, ndlr) et on ne les craignait pas, ce qui n'est jamais bon signe. C'est toujours dangereux de penser ça, surtout avant un tel match ! On devrait au contraire toujours rester sur nos gardes et rester concentrés. »

La preuve, quelques minutes après le coup d'envoi : Jonny Wilkinson rencontre le poteau pour sa première pénalité. Le pays de Galles y voit une raison de plus pour se dépasser. Robert Sidoli perce la défense anglaise, mais laisse échapper le ballon juste avant d'aplatir. L'Angleterre se ressaisit et gagne la possession. Wilkinson parvient enfin à passer une pénalité et à mener 3-0.

Mais ce timide avantage ne va pas durer. Wilkinson manque un drop et Ben Cohen dégage le ballon. Shane Williams remonte et prépare le terrain pour l'essai de Stephen Jones ; essai qui n'est pas transformé. Cinq minutes avant la pause, les Gallois mènent de sept points d'avance grâce à un deuxième essai, cette fois du capitaine Colin Charvis (3-10).

« Ils avaient de bons joueurs et ils pouvaient nous faire du mal parce qu'ils n'avaient rien à perdre », se souvient Martin Johnson, qui allait être intronisé au World Rugby Hall of Fame en 2011.

« Le plus intéressant, ce n'était pas le score final, de revenir d'un 10-3 parce que j'étais assez confiant qu'on puisse le faire. Non, le plus intéressant c'était notre état physique parce qu'il faisait assez humide ce jour-là. Il a fallu qu'on se donne des coups de pied pour remonter. On n'avait pas été efficace et on a dû tout donner jusqu'à l'épuisement pour remporter la victoire. »

Dans les tribunes, les supporters des Anglais étaient bien moins nombreux que les Gallois, mais lorsque Martin Johnson est ressorti du tunnel pour la seconde période, ce n'est que du rouge et blanc qu'il a vu devant lui.

La remontada des Anglais

Trois minutes après la reprise, Jason Robinson s'empare du ballon et slalome dans la défense galloise, passe cinq défenseurs et est stoppé dans les 22. Sa passe à Will Greenwood permet à ce dernier de marquer.

« On avait moins chaud quand on est revenu ; on s'est senti revivre », admet Johnson. « On a marqué très, très vite. C'est dans ces moments-là qu'on a besoin de gars comme Jason Robinson pour faire ce qu'il a fait. Il a franchi la défense et placé Will sur la trajectoire. »

La transformation de Wilkinson a remis les compteurs à égalité 10-10 et commencé à mettre le doute dans l'esprit des Gallois. En huit minutes, Wilkinson avait passé deux autres pénalités (16-10), puis trois autres et un drop en point final à la 81e pour sceller le score 28-17. Entre-temps Williams avait inscrit un essai pour tenter de revenir.

« En un sens, c'était bien pour nous parce que personne n'était satisfait de ce match. Dans le groupe comme dans notre entourage, personne n'était content du résultat et ça nous a remis les idées en place », raconte Martin Johnson. « Du coup, le statut de favori a échu à la France pour la demi-finale la semaine suivante ; les gens l'ont sans doute oublié, ça. »

Le 16 novembre, la France s'inclinera 7-24 au Tesltra Stadium de Sydney en demi-finale. Et le 22 novembre, Martin Johnson soulèvera fièrement la Webb-Ellis Cup après sa victoire sur l'Australie 20-17 en finale.