La vie est faite d'opportunités. Comme le rugby. Demandez donc à John Gallagher ce qu'il en pense... En seulement quatre années, le natif de South London est passé du statut de cancre à celui de champion du monde avec les All Blacks en 1987.

« Si j'avais réussi mes examens, je pense que je serais allé à l'université », raconte l'ancien arrière des All Blacks à World Rugby. « Au lieu de ça, je me suis enrôlé dans la police et j'ai été accepté. Mais là, j'ai eu une opportunité qui s'est présentée grâce à un vieil ami d'école, Tony O'Malley, qui venait de passer la saison avec le Oriental Rongotai Rugby Club, qui est plus connu aujourd'hui car Ma'a Nonu, Julian et Ardie Savea y sont passés.

« Ils ont demandé à Tony s'il voulait revenir, vu qu'il avait aimé ça, mais il a décliné la proposition. Alors ils lui ont demandé s'il ne pouvait pas les aider à trouver quelqu'un à la place. Et c'est à ce moment-là qu'on s'est vu par hasard, aux 21 ans d'un ami commun à l'Askeans Rugby Club dans le sud-est de Londres, fin 1983. Il a dit qu'il ne retournerait pas là-bas et m'a demandé si j'étais intéressé pour y aller, moi. Je lui ai dit : banco. »

Comment Gallagher a pu rester en Nouvelle-Zélande

« Je suis arrivé en Nouvelle-Zélande en mars 1984 et l'idée c'était d'y rester six mois, puis de revenir et de reprendre ma place au sein de la police. Mais après trois mois, j'ai compris que je ne voulais pas retourner à Lewisham parce que tout allait bien pour moi ici. J'avais un job à mi-temps où je coulais des blocs de béton pour l'un des sponsors du club et ils m'ont demandé si je voulais rester un peu plus longtemps.

« Je suis allé voir le président du club et en fait il s'avère qu'il travaillait au ministère en charge de l'immigration en Nouvelle-Zélande ! Je lui ai parlé et il m'a dit que rester juste pour jouer dans mon club ce n'était pas assez pour motiver une extension de mon séjour. En revanche, si je voulais bien jouer pour la province de Wellington, qui comptait alors sept joueurs parmi les All Blacks, alors j'aurais plus de chance.

« Dans le même temps, les All Blacks de Wellington avaient été sélectionnés pour une tournée en Australie à la mi-saison en 1984 et comme je jouais bien avec mon club, j'ai été sélectionné pour jouer avec Wellington contre Otago à Invercargill. Ça s'est très bien passé et lorsque les All Blacks sont revenus, je suis resté dans l'équipe, ce qui était suffisant cette fois pour retourner voir le ministère et avoir le tampon sur mon passeport. »

Le minot des All Blacks

Autorisé à rester plus longtemps en Nouvelle-Zélande, John Gallagher s'enrôle du coup dans la New Zealand Police Force en 1985 et réussit à aménager son temps de travail en fonction de ses engagements avec Wellington qui vient de remporter le championnat national des Provinces.

Gallagher est retenu pour une tournée en France avec les All Blacks en 1986 au cours de laquelle il dispute quatre des huit matches (il n'est pas sélectionné pour les tests), ce qui lui vaut néanmoins un appel dans le groupe en vue de participer à la première Coupe du Monde de Rugby l'année suivante.

« On n'était pas du tout sûr de gagner car dans nos têtes on était autant favoris que l'Australie et la France », raconte John Gallagher qui a gagné sa première sélection contre l'Italie, lors du tout premier match de la RWC (victoire 70-6). « Avec Michael Jones ont faisait partie des nouveaux joueurs dans cette jeune équipe. On a mis du temps à se couler dans le moule, mais lorsque la Coupe du Monde est arrivée, on y est arrivé. Le premier match a été fantastique avec cette grosse victoire sur l'Italie et ça a continué comme ça jusqu'à la fin. »

Les victoires sur les Fidji et l'Argentine ont mené au quart de finale contre l’Écosse. « On les avait vus faire match nul 20-20 contre la France, donc on savait que l’Écosse c'était une grosse équipe, mais on les a bien pressé et on a gagné 30-3 dans ce qui a été un match difficile, même si le score final ne le montre pas », admet Gallagher. Avant de jouer la France en finale, la Nouvelle-Zélande a dû se défaire du pays de Galles 49-6 en demi-finale.

Serge Blanco, son héros

« Jouer contre la France n'allait pas être une partie de plaisir car les deux équipes avaient bien joué pour en arriver là. La France avait battu l'Australie en Australie, ce qui avait été un gros coup », se rappelle-t-il. « Serge Blanco était en quelque sorte mon héros. Et lorsqu'on est sorti des vestiaires, qu'on a marché vers le tunnel, il a mis son bras sur mon épaule et m'a soufflé : 'bonne chance, John'. Ça m'a scié les pattes pendant 30 secondes qu'il sache comment je m'appelais ! »

Après une première mi-temps très serrée où la Nouvelle-Zélande mène 9-0 avec un essai de Michael Jones, les All Blacks décollent et finissent à 29-9 face à des Bleus qui avaient laissé trop de plumes lors de leur demi-finale contre l'Australie une semaine avant.

« Quand on entend les Philippe Sella et Serge Blanco raconter qu'ils avaient tant donné contre les Aussies que c'était difficile pour eux de refaire la même contre nous, ce n'est que lorsqu'on a mené 29-3, quand il restait encore 10 à 12 minutes à jouer, que je me suis vraiment dit qu'on pouvait le faire, pas avant », reconnaît John Gallagher. « Berbizier, leur demi de mêlée, a marqué à la toute fin du match et l'arbitre, Kerry Fitzgerald, nous a dit : 'ça y est, c'est fini'. Et on s'est regardé avec un grand sourire sur le visage.

« On s'est tous sentis soulagés parce qu'on était champions du monde, parce que nous étions les All Blacks. Toute la pression retombait.

« Le lendemain était un dimanche et le lundi suivant, je suis retourné au boulot à Wellington avec le deuxième-ligne Murray Pierce qui était également policier. Mais cette semaine-là, je n'ai procédé à aucune arrestation... »