Barbara Bond et Mary Sullivan sont devenues les premières capitaines à soulever le trophée de la Coupe du Monde de Rugby en 1991 à Cardiff. Dans les années qui ont suivi, cinq autres capitaines ont fait de même, laissant éclater leur joie lorsque le trophée a été placé entre leurs mains. Farah Palmer, qui a eu cet honneur lors de trois Coupes du Monde de suite a, depuis, pris place au World Rugby Hall of Fame.

Mais que ressent-on à ce moment précis ? Nous avons posé la même question à chacune d'entre elles et voici leurs réponses...

Barbara Bond, USA, 1991

Barbara Bond a joué un rôle significatif dans la route vers la finale de la première Coupe du Monde de Rugby qui s'est disputée le 14 avril 1991 à l'Arms Park de Cardiff. La numéro 8 avait marqué le seul essai lors de la victoire des USA sur la Nouvelle-Zélande 7-0 en demi-finale.

Mais malgré ce fait d'armes, le coach d'alors, Kevin O'Brien, avait mis Bond sur le banc pour la finale, lui préférant une troisième-ligne composée de Claire Godwin, Morgan Whitehead et Kathy Flores.

« Bien sûr que ça m'a fait quelque chose, mais c'était sa décision. Vous devez juste ronger votre frein dans ces cas-là », se souvient Barbara Bond qui revoit le doublé de Claire Godwin en seconde période portant le score final à 19-6 contre l'Angleterre.

Malgré sa déception de ne pas avoir joué sa partition comme elle l'aurait voulu, Bond a quand même eu le privilège d'être la première à soulever le trophée à Cardiff avec sa coéquipière Mary Sullivan, nommée capitaine de l'équipe sur cette finale.

« Vu que j'étais jusqu'au-boutiste, j'avais prévenu : quand on ira, on la soulèvera. Et c'est ce qu'on a fait ! », sourit-elle. « J'en pouvais plus, c'était un moment historique et on en a profité. J'étais très fière. J'étais persuadée que ce ne serait pas notre première et notre seule fois, mais le début d'une grande aventure. »

Karen Almond, Angleterre, 1994

Le groupe de l'Angleterre a dû mettre de côté sa déception d'avoir échoué en finale de la Coupe du Monde de Rugby 1991 et la transformer en source de motivation pour le tournoi suivant, trois ans plus tard, le 24 avril 1994 à Édimbourg, en Écosse.

Karen Almond était déjà la capitaine des Red Roses lors du premier tournoi mondial et pilotait encore l'équipe pour le deuxième. Après des victoires contre l’Écosse, la Russie, le Canada et la France, la demi d'ouverture s'est préparée à la revanche... contre les USA.

« Je pense que nous étions plus en confiance cette fois parce qu'on avait un plan pour les battre. Mais ça dépendait aussi de comment la journée allait se passer », explique-t-elle.

Ce n'est rien de dire que l'Angleterre a gardé pour les États-Unis au Raeburn Place sa meilleure performance pour cette finale attendue. La victoire 38-23 a eu un goût largement meilleur. Et Karen Almond est devenue ce jour-là la toute première capitaine de l'Angleterre – homme ou femme – à prendre en main un trophée de Coupe du Monde de Rugby.

« C'était absolument incroyable. C'est encore difficile de trouver les mots ; c'était énorme », se souvient-elle. « Je suis revenue en Angleterre en 2010 et j'étais là quand la Nouvelle-Zélande a gagné. Lorsque la coupe leur a été présentée, il y avait des feux d'artifice et une foule incroyable, c'était génial.

« J'ai ressenti exactement les mêmes choses que quand c'était nous qui l'avions eu six ans plus tôt. On n'était même pas arrivées sur le podium que quelqu'un nous l'avait donnée. Il y avait quelques milliers de personnes à ce moment-là. Ça n'avait rien à voir comme ambiance, mais le sentiment était le même. »

Farah Palmer, Nouvelle-Zélande, 1998

La Nouvelle-Zélande n'avait pas envoyé d'équipe pour la deuxième Coupe du Monde de Rugby en 1994 à Édimbourg. Si bien que le groupe qui a fait le déplacement à Amsterdam en 1998 a enfin pu prendre sa revanche – sept ans après ! - sur les USA qui les avaient battus en demi-finale et remporter cette fois la finale, leur première Coupe du Monde de Rugby le 16 mai 1998.

« Peut-être que quelque part on voulait notre revanche pour la défaite de 1991 », admet la capitaine d'alors, Farah Palmer. « Nous étions très motivées, prêtes à jouer et à gagner. On a toujours eu cet état d'esprit. »

A ce moment-là, Farah Palmer jouait avec les Black Ferns depuis moins de deux ans et elle n'a pas bien compris pourquoi on l'avait nommé capitaine sur cette Coupe du Monde.

 

Elle a pourtant su faire preuve de leadership en menant son équipe à battre l'Allemagne, l’Écosse, l'Espagne puis l'Angleterre avant de retrouver une équipe qu'elle n'avait encore jamais battu en Coupe du Monde : les États-Unis.

Avec un score final de 44-12, la Nouvelle-Zélande s'est révélée bien trop forte avec une joueuse, Vanessa Cootes, auteure de quatre essais à elle seule sur les huit qu'ont marqué les Néo-Zélandaises.

« Je me souviens du moment de la présentation de la coupe », raconte Farah Palmer. « Et je me demandais bien ce que j'allais faire avec ça ! Je ne savais pas quoi en faire ! Alors je l'ai embrassée et les caméras ont beaucoup aimé apparemment parce qu'il y a eu plein de photos de moi embrassant la coupe. C'était un peu irréel et cool à la fois. Ça a complètement changé ma vie et j'en suis très reconnaissante. »

Farah Palmer, Nouvelle-Zélande, 2002

Farah Palmer était encore capitaine de la Nouvelle-Zélande en 2002 lorsque les tenantes du titre ont battu successivement l'Allemagne, l'Australie et la France pour se retrouver en finale contre l'Angleterre.

Des essais de Monique Hirovanaa et de Cheryl Waaka ont permis la victoire 19-9 des Black Ferns le 25 mai 2002 à Barcelone. La Nouvelle-Zélande devenait dans le même temps la première équipe féminine à remporter deux fois de suite le précieux trophée.

« En 2002, beaucoup s'attendaient à ce qu'on gagne, il y avait pas mal de pression. On savait que ça allait être plus intense et ça l'a été », se rappelle Farah Palmer. « On a quand même eu des moments de doutes. A cette époque-là on écoutait des CD et j'avais demandé si je pouvais emprunter un lecteur CD dans le bus, juste avant la finale, parce que je crois qu'autrement j'aurais eu une crise de panique si j'avais gardé toute cette tension en moi.

« Au coup de sifflet final, ça a été une vraie satisfaction parce que ça mettait fin à toute cette aventure. C'était génial, d'autant qu'il y avait ma mère dans les tribunes à ce moment-là. Elle n'avait jamais quitté la Nouvelle-Zélande, sauf pour cette fois... »

Farah Palmer, Nouvelle-Zélande, 2006

Même si les Black Ferns n'ont gagné que par dix points d'écart la finale de 2002 à Barcelone, elles avaient senti qu'elles avaient contrôlé le match du début à la fin. Quatre ans plus tard cependant, à Edmonton, Canada, ce n'était pas le cas lors de cette victoire 25-17 sur l'Angleterre le 17 septembre. Il avait en effet fallu attendre l'essai d'Amiria Rule dans les arrêts de jeu pour décrocher un troisième titre de suite.

« En 2006, on a vraiment pensé qu'on pouvait perdre le match, jusqu'à la dernière minute », admet Farah Palmer. « J'étais encore dans l'action juste avant et je ne savais pas où le ballon était passé. Et quand je me suis relevée, j'ai vu Amiria courir à l'autre bout du terrain, raffûter l'arrière et marquer. C'était fantastique parce que je savais que c'était mon dernier match avec les Black Ferns. »

Farah Palmer s'est en effet retirée ensuite avec un palmarès impressionnant : jamais elle n'a perdu un match de Coupe du Monde de Rugby.

« Je voulais partir la tête haute, bien sûr, tout le monde veut ça. Et ça s'est fini comme ça avec le maillot noir. J'étais vidée. J'ai essayé de tenir encore un peu après, mais c'était trop. J'avais vraiment le sentiment d'avoir tout donné. »

Melissa Ruscoe, Nouvelle-Zélande, 2010

La charge de mener les Black Ferns à la Coupe du Monde de Rugby suivante a atterri sur les épaules de Melissa Ruscoe, ancienne internationale de foot, qui avait gagné sa place en troisième-ligne grâce à elle-même.

L'Angleterre, qui organisait cette 6e édition, a été le meilleur adversaire que la Nouvelle-Zélande pouvait espérer pour cette finale le 5 septembre 2010 au Twickenham Stoop.

« Je me souviens qu'on était sur le point de faire notre haka après les hymnes lorsque le public a commencé à chanter 'Swing Low, Sweet Chariot' », se souvient Melissa. « On a continué quand même parce que le haka représente beaucoup pour nous et surtout contre ce chant. En fait, ça nous a donné ce petit truc en plus pour gagner le match. »

Melissa Ruscoe a pourtant passé une partie de la rencontre sur la chaise après s'être pris un carton, comme deux autres joueuses. Avec un essai de part et d'autre, c'est le jeu au pied de Kelly Brazier qui a fait la différence dans le score final, 13-10.

« Rien que de faire partie de cette équipe était déjà un moment historique, alors avoir la possibilité de soulever le trophée en plus, qui plus est avec ces filles-là, celles qui débutaient et celles qui arrêtaient, le staff et votre famille dans les tribunes, c'était génial. C'est super de se rappeler tous ces moments, de savoir qu'on était championnes du monde et qu'on allait le rester. »

Katy Daley-McLean, Angleterre, 2014

Enfin, après avoir tant figuré et échoué en finale de la Coupe du Monde, cette 7e édition en France allait être celle de la consécration pour l'Angleterre. La deuxième. Le Canada, qui avait fait match nul 13-13 en match de poule contre les Red Roses, a une fois de plus rencontré les mêmes le 17 août 2014 au stade Jean-Bouin.

Danielle Waterman et Emily Scarratt ont chacune marqué des essais, Scarratt a passé trois pénalités en plus pour porter le score des Anglaises à 21 points tandis que Magali Harvey signait de sa botte les 9 points du Canada.

« J'ai vraiment commencé à y croire dans les trois - quatre dernières minutes », reconnaît Katy Daley-McLean, la capitaine. « Pour moi, ce match et cette victoire ça représentait tout. Ce n'était pas que nous les joueuses, nous avec le staff... C'était tout le rugby anglais dans son ensemble, toutes ces filles avant nous qui s'étaient battues aussi, qui avaient perdu en finale de Coupe du Monde et qui n'avaient eu la chance de soulever cette coupe. C'est pour cela que l'on a dédié cette coupe à tous ces gens. »

Katy n'avait pas pu jouer en 2006 au Canada, étant joueuse réserve, mais avait joué quatre ans plus tard contre la Nouvelle-Zélande.

Fiao’o Faamausili, Nouvelle-Zélande, 2017

Après avoir été éliminée par l'Irlande en 2014, la Nouvelle-Zélande a fait le déplacement à Dublin et Belfast en 2017 pour tenter de décrocher un cinquième titre mondial en huit éditions.

Le 26 août 2017, les Black Ferns retrouvaient l'Angleterre en finale à Belfast. « En tant que capitaine, j'étais à la fois calme, mais très excitée aussi », explique la capitaine Fiao’o Faamausili qui, lors de ce tournoi, a passé le cap des 50 sélections en équipe nationale. « Notre plan de jeu avait pas mal fonctionné. On avait gagné tous nos matches pour nous retrouver en finale. J'étais sereine. »

A la pause pourtant, l'Angleterre menait 17-10 au Kingspan Stadium. Mais la sérénité et la détermination des Néo-Zélandaises a permis de renverser le jeu. Dans les vestiaires, personne n'a paniqué. Si bien qu'au final, avec cinq essais marqués en seconde période, la Nouvelle-Zélande a confortablement gagné 42-31 et remporté son cinquième titre. Comme promis.

« C'est un sentiment unique que de lever le trophée avec vos pairs à côté de vous, avec toutes celles et tous ceux qui ont travaillé pour y arriver, mais aussi avec les filles à la maison, celles qui n'ont pas pu venir », explique Fiao’o Faamausili. « C'était une expérience fantastique. Très difficile à expliquer. »