Danielle Waterman était dans une forme et une confiance éblouissantes le matin du 17 août 2014 alors qu'elle se trouvait encore dans l'hôtel où séjournait l'équipe d'Angleterre. Quelques heures plus tard, elle allait participer à la finale de la Coupe du Monde de Rugby contre le Canada. 

Cela faisait 20 ans que les Red Roses couraient après le titre qui leur avait échappé en trois précédentes occasions face à la Nouvelle-Zélande. Mais cette fois, les Black Ferns ne se trouvaient plus sur leur chemin. Deuxièmes de la Poule B, elles avaient joué deux rencontres pour tenter de sauver une cinquième place de consolation dans ce mondial français.

Ce serait donc le Canada que les Anglaises retrouveraient en finale à Jean-Bouin, cette équipe qui les avait tenu en échec 13-13 en match de la Poule A quelques jours auparavant. Mais les Anglaises s'étaient ensuite rassurées avec un 40-7 sur l'Irlande en demi-finale.

Danielle Waterman, l'une des quatre joueuses du squad anglais qui avait disputé deux précédentes finales de Coupe du Monde, fêtait alors sa 82e sélection. « Il y avait un bon alignement des planètes », se souvient-elle.

« Nous avions une équipe de classe mondiale et lorsque ça se passe bien, vous vous retrouvez avec un score comme celui-ci. Mais le résultat final n'a pas reflété la performance de l'Irlande qui nous a opposé un défi physique et très difficile. C'est juste que ce jour-là personne ne pouvait nous arrêter... »

Prêtes pour le défi final

Avant la cérémonie de présentation des maillots, la psychologue de l'équipe, le Dr Cherrie Daley, avait collecter des photos des joueuses et écrit des citations de chacune dessus. Lorsqu'elles sont entrées dans la salle de réunion, elles ont été accueillies par ces messages de soutien. « Ça a vraiment galvanisé tout le monde dans l'équipe », sourit encore Danielle Waterman.

« Imaginez. Vous regagnez votre chambre avec votre maillot pour la finale de la Coupe du Monde et tous ces messages de soutien de vos coéquipières... C'était vraiment un moment fort. »

L'ambiance au sein de l'équipe est restée lumineuse au moment où l'équipe a embarqué avec l'entraîneur en direction du stade. Alors que Waterman a pris place à côté de Rachael Burford, une autre ancienne des campagnes de 2006 et 2010, quelques joueuses ont posé pour des photos avec la police chargée de leur escorte. Grâce à cela, le bus anglais est arrivé de bonne heure au Stade Jean-Bouin, à Paris.

 

Dans le bus, Danielle se passait en boucle la chanson « If This Is It », de Newton Faulkner. « J'ai toujours écouté [cette] chanson chaque fois que je voyais apparaître le stade. Et quand on en a fait le tour plusieurs fois, je me la suis repassée encore et encore », rigole-t-elle.

A ce moment-là, elle a repensé aux deux finales précédentes en 2006 et 2010, ce qui lui a donné une force de motivation supplémentaire. Un « jamais deux sans trois » de confiance. « Mais bien que nous en ayons parlé lors de la préparation du match, on a su se concentrer sur ce tournoi-ci avec ce groupe de joueuses-là. Je me souviens d'une grande confiance au sein de l'équipe. Les filles étaient vraiment prêtes à relever le défi. »

En fait, la principale préoccupation de Waterman en sortant du tunnel au moment des hymnes était de savoir si elle serait en mesure de géolocaliser son plus grand fan dans le public.

« Ma mère m'avait assuré qu'elle avait des billets du côté du stade où nous chanterions l'hymne, mais elle avait récupéré ses billets assez tard et elle ne m'avait pas dit où elle allait être assise », explique Danielle Waterman. « C'est lorsque nous nous sommes alignées, que j'ai passé les bras autour des filles que j'ai relevé la tête et là, la première personne que j'ai vue c'était ma mère. Pouvoir lui donner un sourire immense était assez émouvant. »

Tout le monde au charbon

En match de poule, le Canada avait gagné le combat des avants. Mais cette fois-ci, Danielle avait vu combien Maggie Alphonsi était remontée avant le coup d'envoi et n'avait qu'une envie, de la voir s'emparer du ballon.

« Si nous pouvions lancer Maggie après une mêlée défensive, comme nous l'avions toujours prévu, nous aurions une très bonne chance », se rappelle Danielle Waterman. « Lors de la première mêlée du match, elle a littéralement déboulé par l'arrière et a anéanti la N°10. Intérieurement, ça m'a fait sourire. »

La centre Emily Scarratt, qui avait passé huit points lors du match nul 13-13 à Marcoussis, a tapé deux premières pénalités pour calmer les nerfs anglais, mais il était bientôt temps pour Waterman de briller.

Après un mouvement d'équipe impressionnant, Tamara Taylor a lancé un somptueux leurre et a effectué une passe à Alphonsi sur son côté droit. « Au moment où Maggie a eu le ballon, j'ai couru aussi vite que possible pour l'avoir, puis je me souviens avoir pensé que Maggie ferait mieux de me le passer. 

« Quand j'ai marqué, je ne savais pas comment j'allais célébrer. Donc, j'ai lancé le ballon en l'air et j'ai ensuite eu ce moment incroyable avec Kat Merchant, une amie fantastique qui jouait sur l'aile, qui avait les bras levés en l'air et m'a juste donné ce gros câlin énorme. »

Trois pénalités de Magali Harvey ont réduit l'avance de l'Angleterre à seulement deux points avec moins de 23 minutes à jouer, mais Scarratt a répondu presque immédiatement avec trois points de son côté.

Le sentiment du devoir accompli

Après une brève interruption et quelques points de suture plus tard, Waterman est revenue sur le terrain pour voir Scarratt se frayer un chemin à travers la défense canadienne et franchir la ligne d'en-but pour remporter la victoire.

« Tout le monde a été surpris par la façon dont elle avait réussi à créer quelque chose à partir de rien », s'émerveille encore Waterman. « Nous avions pilonné la défense pendant un moment en mettant un maximum de pression, mais sa réalisation a été exemplaire. »

Environ six minutes plus tard, l'arbitre Amy Perrett a sifflé le coup de sifflet final et, avec une jambe en vrac à ajouter à une coupure en dessous de son œil gauche, Waterman a finalement réalisé qu'elle était championne du monde.

« Nous avons ressenti un énorme soulagement », dit-elle. « Katy [Daley-Mclean] l'a très bien résumé dans son speech d'après-match quand elle a dit que cette victoire n'était pas seulement la notre. Elle était pour toutes les joueuses qui nous avaient précédées et qui n'avaient pas pu obtenir la même chose. Et je l'ai vraiment ressenti comme ça. Nous n'aurions pas été là s'il n'y avait pas eu les échecs des années précédentes. »

La jambe morte de Waterman l'a laissée couchée au coup de sifflet final, mais après avoir été aidée à se remettre sur pied par ses coéquipières, elle a commencé à célébrer la victoire. D'abord dans le vestiaire, puis dans les tribunes avec ses parents et plus tard, aux côtés de toute l'équipe, avec des amis et de la famille dans un bar sur le chemin du retour à l'hôtel de l'équipe.

« Il y avait des centaines de personnes, y compris des anciennes joueuses et plusieurs légendes du rugby féminin en Angleterre, tous nos amis, ma maman et mon père et tout le monde a commencé à chanter « Swing Low ». Ça été le meilleur moment ! »