Jamais encore l'Irlande n'avait rencontré la Nouvelle-Zélande dans un match international avant cette rencontre de la Poule B de la Coupe du Monde de Rugby 2014, le 5 août 2014 sur le terrain n°1 du centre national du rugby à Marcoussis.

Pour la première fois de l'histoire, les Irlandaises allaient être confrontées au haka des Néo-Zélandaises. Quelle attitude adopter ?

Fiona Coghlan, la capitaine, rassemble ses coéquipières et leur dit simplement : « Nous allons juste rester là et les respecter parce que nous n'allons pas gaspiller notre énergie à faire autre chose. Concentrons-nous sur nous-mêmes. » Le message est passé et l'équipe deviendra la toute première d'Irlande, tous niveaux confondus, à battre la Nouvelle-Zélande (17-14).

Le match sera retransmis gratuitement et en intégralité sur la page Facebook de la Coupe du Monde de Rugby ainsi que sur la chaîne YouTube de World Rugby dimanche 20 avril à partir de 16h (BST).

Âgée de 39 ans aujourd'hui, Fiona Coghlan n'a sans doute pas eu trop l'occasion de revoir cette rencontre, mais son souvenir de ce qui s'est passé en France à l'été 2014 reste très vivace. Avant la Coupe du Monde, l'Irlande avait ambitionné de figurer dans le Top 4 et avait d'ailleurs ouvert son tournoi par une victoire 23-17 sur les États-Unis, une équipe pourtant mieux classée qu'elle à ce moment-là.

« Cette victoire sur les États-Unis était vraiment importante », se rappelle Fiona Coghlan. « De toute évidence, vous devez gagner chaque match et si vous prenez un mauvais départ, alors vous êtes mal barrés pour la suite. »

Gagner la confiance en soi

Les Irlandaises savaient pertinemment que les Black Ferns représentaient un challenge immense. Quatre fois championnes du monde, elles n'avaient jamais connu la défaite en phase de poule depuis la première édition de la Coupe du Monde en 1991. Sur cette édition 2014, elles s'étaient d'ailleurs fait les dents sur le Kazakhstan, 79-5, soit leur 20e victoire de suite.

Mais le coach des Irlandaises, Philip Doyle, avait travaillé dur avec ses filles pour mettre au point un plan de jeu qui était susceptible de les porter jusqu'en demi-finale, voire au-delà.

« C'était un plan que chacune d'entre nous avait parfaitement intégré et auquel nous croyions », poursuit Fiona. « Nous avons beaucoup misé sur notre état de forme physique et dès l'heure de jeu, nous avons senti que nous étions plus en forme que les joueuses de la Nouvelle-Zélande. Et si nous pouvions être encore dans le match à 60 minutes, alors nous étions capables de finir en beauté, même s'il s'est avéré qu'elles avaient d'énormes ressources et qu'elles pouvaient marquer de n'importe où pour reprendre le contrôle du match.

« Mais nous avions confiance en nous et dans la préparation que nous avions effectuée avant. Si bien que lorsque la Coupe du Monde est arrivée, nous étions dans d'excellentes dispositions.

Arrivée à Marcoussis, l'équipe d'Irlande s'est vite sentie comme à la maison face à une marée de drapeaux irlandais. De quoi les aider à affronter cette « intensité » face aux Black Ferns.

C'est Tania Rosser qui a mené l'Irlande ce jour-là, pour marquer sa 50e sélection, symboliquement contre son pays de naissance. L'Irlande était tout de suite rentrée dans le match, passant le plus clair de son temps dans les 22 néo-zélandais pendant le premier quart d'heure. Malgré tout, ce sont les Black Ferns qui ont ouvert le score par une pénalité de Kelly Brazier à la 22e, soit quatre minutes avant leur premier essai signé Selica Winiata.

« Cet essai nous a en quelque sorte surprises car depuis le début c'est nous qui dominions », se rappelle Fiona Coghlan. « Je savais que nous étions capables et que lorsqu'on retournerait dans leurs 22, on en repartirait avec quelque chose cette fois-ci. Et c'est ce qu'on a fait. »

La pression irlandaise porte ses fruits

Avec moins de sept minutes de la fin de la première mi-temps, l'Irlande a été récompensée pour sa pression par un essai de sa numéro 8, Heather O'Brien. Niamh Briggs a passé la transformation pour revenir à un point des filles en noir avant la pause. Mais, comme prévu, les Black Ferns ont rapidement entamé la seconde période et une deuxième pénalité de Kelly Brazier a donné aux championnes du monde en titre une petite avance de quatre points.

Le tournant du match est arrivé à l'heure de jeu. C'est ce moment dont les filles avaient tellement parlé entre elles pendant leur préparation.

À première vue, le superbe essai d'Alison Miller à la 60e minute semble être opportuniste. L'ailier semblait en effet se trouver au bon endroit, au bon moment pour finir une action entamée par Niamh Briggs. Mais, à en croire Coghlan, cette action n'était que le fruit de ce qu'elles avaient travaillé à l'entraînement.

« Nos trois-quarts avaient noté qu'il y avait un peu de relâchement dans leur jeu au pied », dit-elle. « L'essai est venu, je suppose, d'une mauvaise gestion de leur coup de pied à suivre. Briggsy a repéré cette lacune et s'est lancée. »

Kelly Brazier a fait de son mieux pour empêcher l'Irlande de marquer avec un ultime plongeon. Miller se demandait même alors si elle avait encore assez de jus pour passer la ligne. « Avant ça, j'avais probablement couru environ 200 mètres en faisant des allers-retours sur le terrain. Je ne pensais pas que j'aurais encore la ressource d'aller jusqu'à la ligne ; je pensais que j'allais m'évanouir avant », se rappelle-t-elle aujourd'hui.

La transformation de Briggs depuis la ligne de touche a été presque aussi impressionnante que le regroupement qui a permis de lancer Alison Miller. Une troisième pénalité de Brazier à la 65e a remis les compteurs à égalité 14 partout. Mais pour l'Irlande, tout allait se jouer dans le dernier quart d'heure...

Créer l'histoire

C'est l'arrière Niamh Briggs, encore elle, qui est remontée pour donner à l'Irlande trois points d'avance à la 70e. Dix minutes d'une rare intensité ont suivi pour les filles en vert. Mais, malgré quelques frayeurs, elles ont pu décrocher une victoire qui est aujourd'hui entrée dans l'histoire.

« Je ne me suis pas rendue compte sur le coup que la victoire aurait un tel impact. On n'en était qu'au deuxième match », plaide Fiona Coghlan.

« Je me suis dit qu'il fallait vite passer à autre chose, qu'on n'avait pas le temps de fêter ça. Mais Goose (l'entraîneur, ndlr), nous a au contraire dit qu'il fallait qu'on en profite. J'ai répondu qu'on avait notre prochain match quatre jours plus tard !

« Mais quand je suis revenue dans notre salle et que j'ai allumé mon téléphone, j'ai réalisé l'impact que cela avait eu et le nombre de personnes qui l'avaient regardé. Je recevaient des messages de personnes dont je n'avais pas entendu parler depuis des années ou que j'avais oubliées.

« C'est là que je me suis vraiment rendue compte de l'impact que ça avait fait en dehors de notre équipe. En fait, nous étions convaincues que l'on pouvait le faire, mais je pense que, pour être honnête, beaucoup ont été surpris qu'on l'aie vraiment fait ! »

Handicapée par des blessures survenues lors de ses deux premiers matches, l'Irlande a vu ses espoirs de remporter le tournoi mondial réduits à néant par la défaite 40-7 contre l'Angleterre en demi-finale le 13 août 2014. Mais l'équipe est restée dans les mémoires comme la première équipe irlandaise à avoir battu la Nouvelle-Zélande.

« Je suis extrêmement fière », soutient Fiona Coghlan. « Peu importe si je ne vois plus l'équipe depuis un certain nombre d'années, mais nous aurons toujours cette connexion entre nous, ce sentiment que nous avons réalisé ensemble quelque chose de spécial et c'est vraiment une excellente chose. »