Noame Rabeni a été élevée dans le rugby depuis sa plus tendre enfance, mais ce n'est que depuis ces deux dernières années qu'elle s'y est consacrée pleinement. Elle n'a jamais eu l'occasion d'y jouer à l'école et bien qu'elle ait eu l'opportunité de voyager dans le monde entier auprès de feu son mari – Seru Rabeni, l'ancienne star des Fiji and Pacific Islanders, passé par Leeds, Leicester, La Rochelle, et Mont-de-Marsan – elle n'a jamais vraiment eu le premier rôle.

Tout ceci a changé en 2018, deux ans après le décès soudain de Seru, lorsqu'elle a commencé à travaillé au sein du programme Get Into Rugby Plus (GIR Plus) en tant qu'entraîneur dans son école de Naluwai, aux Fidji. C'est alors que le ballon ovale est vraiment devenu un instrument pour promouvoir l'égalité ainsi que pour tenter d'éradiquer les violences domestiques et sexuelles.

« Je n'ai jamais joué au rugby, mais le rugby m'a toujours passionné parce que j'ai été élevée dans une famille très impliquée dans ce sport », explique-t-elle à World Rugby.

Une récente étude commandée par Oceania Rugby et le programme du sport comme développement des Nations Unies pour les femmes aux Fidji a montré l'impact positif qu'avait GIR Plus sur la communauté, auprès des garçons comme auprès des filles.

Parmi les 332 jeunes de 10 à 14 ans inscrits dans ce programme, 85% ont effectué au moins une action dans les six derniers mois pour promouvoir l'égalité entre les sexes. Dans le même temps, à la fin de l'année 2019, 93% des filles et 97% des garçons ont identifié un endroit ou une personne auprès de qui ils pouvaient se tourner en cas de violences domestiques et sexuelles.

« En tout premier, nous apprenons les valeurs du rugby et à partir de là on va plus loin en fonction de leur propre expérience, comment appliquer ces valeurs à leur quotidien, comment les mettre en adéquation avec les violences domestiques et l'égalité entre les sexes », raconte Noame Rabeni.

Du changement en deux ans

La veuve de Seru Rabeni est persuadée que le rugby est un outil idéal pour leur apprendre ces valeurs dès lors que l'enfant inscrit au programme émet déjà le désir de jouer au rugby. Les participants apprennent les bases du jeu comme la passe, l'importance de la transmission et vont plus loin dans l'apprentissage des leçons de vie.

Au cours des deux dernières années, Noame Rabeni a vu de gros changements dans les attitudes et les comportements des filles qui ont suivi ces modules au sein de la Rara District School, où elle enseigne.

« Ce sont les valeurs que nous leur enseignons et que l'on intègre dans leur vie quotidienne au cours de nos discussions qui font qu'elles comprennent mieux et qu'elles apprennent », assure Noame.

« J'ai déjà vu beaucoup de changement chez elles. L'année dernière par exemple, je me souviens d'une fille qui s'est ouverte à moi. Elle avait confiance en moi et savait qu'elle pouvait partager ce qu'elle vivait au sein de sa famille. Pour moi, c'est un exemple de ce qu'on tente de leur apprendre. »

Gagner en confiance

L'influence positive de GIR Plus aux Fidji ne se résume pas à une transmission entre entraîneur et joueur dans le sens où Rabeni n'est pas la seule à être mobilisée sur le programme.

« Lorsque j'ai commencé, je me tournais la plupart du temps vers les autres profs qui étaient avec nous pour les échauffements, les skills et tout ça. Et lorsque j'ai rejoint le programme, j'ai appris par moi-même puis j'ai transmis aux filles », raconte-t-elle.

« Maintenant j'ai plus confiance en moi lorsque je dirige les sessions chaque semaine. L'autre changement, c'est que moi aussi j'ai changé d'un point de vue personnel puisque ça m'a apporté une certaine confiance dans tout ce que je fais.

« J'étais plutôt quelqu'un de réservé, timide, du genre à se mettre derrière les autres. Mais j'ai gagné en confiance, j'apprends en même temps que les enfants, en avançant. Ça m'a beaucoup aidé sur ce plan-là, pas seulement pour entraîner, mais aussi dans la manière où j'interagis avec les autres en dehors du rugby. »

Pour l'instant, le programme n'a été ouvert qu'aux filles – qui se nomment elles-mêmes les Rare Rugby Warriors. Mais cette situation devrait changer pour la troisième année où des garçons devraient intégrer le programme.

« Garçons et filles vont avoir le même enseignement et devront se respecter les uns les autres grâce aux enseignements du programme. Une fois que chacun se respectera, il y aura de moins en moins de violence dans notre communauté des Fidji. Et ça, j'y crois fermement », assure Noame Rabeni.