Patrice Lagisquet appartient à cette génération de joueurs de rugby français qui n'ont connu qu'une seule chose : attaquer balle en main et se faire plaisir. Connu comme « l'Express de Bayonne » au fil d'une riche carrière aux 46 sélections, il ne faut pas chercher longtemps pour se remémorer des souvenirs magiques de l'ailier.

Et à certains égards, Lagisquet voit des nuances des Bleus d'autrefois dans l'actuelle équipe portugaise dont il est devenu l'entraîneur en septembre dernier.

Imprégné de l'audace des jeunes - son équipe de 28 membres mobilisés pour le Rugby Europe Championship comprend un certain nombre de finalistes du World Rugby U20 Trophy de l'année dernière - le Portugal promet d'être un ajout séduisant à l'édition de 2020 suite à leur promotion en ayant remporté le Rugby Europe Trophy en battant l'Allemagne, dernière du Championnat, dans un match de barrage.

« Les joueurs portugais sont très engagés, ils aiment le rugby et ce sont de très bons joueurs de rugby », assure Patrice Lagisquet. « Ils aiment créer des espaces et jouer avec beaucoup de vitesse. Ils ne sont pas habitués à combattre avec les avants ; ce ne sont pas des spécialistes de la mêlée et du maul. C'est vraiment différent du rugby professionnel en France. C'est frais. Et j'espère que nous pourrons jouer de cette façon pendant le Six Nations B. »

L'embarras du choix, dit-il

Le tout jeune ailier Raffaele Storti, auteur de neuf essais égalant le record lors du Trophée des U20 au Brésil l'année dernière, sera absent pendant toute la campagne étant donné qu'il continue de développer son jeu avec la franchise professionnelle uruguayenne Peñarol, dans la nouvelle Súper Liga Americana de Rugby (SLAR).

De plus, le demi d'ouverture vedette des U20 Jerónimo Portela le rejoindra après le match-clé de ce week-end avec la Belgique.

Cependant, Patrice Lagisquet prétend qu'il a toujours l'embarras du choix en raison de la capacité du Portugal à produire de jeunes talents passionnants. Ce n'est pas un hasard si le Portugal est apparu dans deux des trois dernières finales du Trophée des U20 et a donné au Japon du fil à retordre.

« Certains d'entre eux pourraient jouer sans problème en Pro D2. Ils pourraient être des joueurs de rugby professionnels », dit-il sans hésitation. « Ce qui est intéressant, c'est que la plupart d'entre eux vont à l'université et ont de belles places comme médecin, avocat... Comme en Argentine il y a 30 ans ! Et parfois ils sont obligés de s'arrêter avant d'avoir 27-28 ans. »

Par ricochet, avec des carrières traditionnellement courtes, le Portugal n'a jamais eu peur de faire confiance aux jeunes.

« Les frères Marta (Rodrigo et Manuel) sont très bons, et nous avons aussi des joueurs comme le centre et capitaine Tomas Appleton (un vétéran relatif de 26 ans) et Manuel Cardosa Pinto, qui aime créer beaucoup de choses », détaille Lagisquet. « Il a marqué un essai pour Agronomia, en Coupe Iberia, qui est un tournoi entre les champions du Portugal et les champions d'Espagne qui a eu lieu il y a quelques semaines et où il a battu six joueurs. Ça m'a rappelé Serge Blanco... »

Un projet sur quatre ans

Grâce à cette arrivée et à ce nouveau projet de jeu, le Portugal peut commencer à travailler sur des pistes d'avenir.

« Nous sommes allés en tournée au Chili et au Brésil en novembre, et encore une fois les U20 constituaient une grande partie de l'équipe. Le deuxième-ligne, José Duarte Madeira, qui n'a que 18 ans, a joué 80 minutes lors des deux matches. Ce qu'il a fait est incroyable », note Patrice Lagisquet.

« Notre projet est un projet sur quatre ans pour essayer de se qualifier pour la prochaine Coupe du Monde. Ces jeunes joueurs constitueront une grande partie de l'effectif dans les années à venir. Je pense que le Portugal fait du très bon travail avec les jeunes joueurs. »

Malgré cela, Lagisquet sait que pour prospérer à ce niveau, il doit pouvoir faire appel aux attaquants portugais qui exercent leur métier dans les championnats français. Avec ses relations encore très vivaces avec la France - l'homme de 57 ans était autrefois entraîneur-adjoint des Bleus, ancien joueur et il vit toujours dans son pays natal - Lagisquet a réussi à forger de bonnes relations avec les clubs de Top 14, de Pro D2 et de Fédérale 1.

« Nous avons de bons contacts avec les clubs et nous savons que nous pouvons faire appel à ces joueurs pour nous aider à rivaliser ; il n'y a pas de problème avec les clubs », insiste le coach de Os Lobos. « Nous aurons des joueurs comme Geoffrey Moise, qui joue pour la Section Paloise (Pau), et aussi des joueurs comme le talonneur Mike Tadjer (Clermont) et le deuxième-ligne Jean Sousa (Montauban) pour le match contre la Roumanie, car il n'y aura pas de match avec leur club ce week-end là.

« Nous devons être plus puissants, plus forts dans la mêlée, pour nous aider à rivaliser à ce niveau, et ces joueurs nous aideront. Joe El-Abd, l'entraîneur d'Oyonnax, le club où joue le centre Pedro Bettencourt, a dit qu'il ne l'empêcherait jamais de jouer pour son pays. Malheureusement, il a subi ce qui semble être une commotion cérébrale le week-end dernier.

« Pareil, David Aucagne, l'entraîneur de Béziers, a demandé s'il pouvait garder Francisco Fernandes, son meilleur pilier gauche, pour leur match du week-end, car c'était très important pour eux. Mais il jouera contre la Roumanie. Nous essayons donc de trouver le meilleur accord pour tout le monde. »

Retour sur investissement

Patrice Lagisquet hésite à regarder au-delà du match de ce week-end contre la Belgique à Lisbonne pour évaluer les chances de son équipe d'avoir un impact sur leur retour en compétition après une absence de quatre années.

Le résultat du match pourrait être déterminant pour d'abord leur éviter un retour rapide en Rugby Europe Trophy, une compétition qu'ils ont dominée ces dernières années avec trois titres consécutifs.

« Notre premier objectif est de gagner le premier match et d'essayer de rester dans le Six Nations B », insiste-t-il. « Mais nous aurons un match intéressant contre la Roumanie une semaine plus tard parce que nous aurons plus de nos joueurs professionnels qui nous reviendront. Si nous rivalisons bien contre eux, alors nous aurons peut-être plus d'ambition pour ce tournoi. »

Pour Lagisquet, le match contre la Géorgie le 7 mars est encore plus important que les points qu'il pourrait générer pour une raison bien simple.

« Il y a une grande communauté portugaise en France - environ quatre millions, je pense - et la prochaine Coupe du Monde sera organisé là-bas. Nous savons qu'ils auront beaucoup de soutien si nous y arrivons, c'est pourquoi lorsque nous jouerons contre la Géorgie en mars, nous jouerons à Paris, au Stade Jean Bouin. Le président de Portugal Rugby veut montrer à World Rugby que le rugby portugais a de l'ambition et peut compter sur beaucoup de soutien. »

Membre de l'équipe de France qui s'est qualifiée pour la finale de la première Coupe du Monde de Rugby, l'homme né dans le golfe de Gascogne espère pouvoir y conduire Os Lobos pour leur deuxième tournoi mondial, après leur première et unique apparition à ce jour en 2007. « Ce serait bien, oui. Mais c'est loin. »

Photo : Miguel Carmo