Le premier stade entièrement consacré au « rögby » en Hongrie a ouvert ses portes en octobre 2019. Cet événement a d'abord été marqué par une victoire sur la Lettonie 38-13 en Conférence 1 Nord de Rugby Europe. Mais ce fut surtout un accomplissement après cinquante de présence de ce sport dans le pays, démontrant une lente mais sereine maturation.

Bien que le club anglais de Rosslyn Park – composé d'étudiants des universités de Cambridge et d'Oxford - ait joué là immédiatement après la Seconde Guerre Mondiale, le premier match reconnu entre des équipes hongroises en Hongrie remonte à mai 1969. Ce jour-là, Árpádföld XV – représentant l'un des seize arrondissements de la capitale – a battu les élèves de Vörösmarty 25-21.

C'est un diplomate, alors attaché à l'ambassade d'Italie à Budapest, qui avait fait connaître le rugby. Son nom, Carlo Passalaqua. Considéré aujourd'hui comme le père du rugby hongrois, Passalaqua avait fait la connaissance de József Cziráki, un professeur de Vörösmarty, au printemps 1969. C'est à cette époque que les premiers entraînements de rugby eurent lieu à différents endroits de la ville.

Près de cinq mois après ce qui est considéré comme le tout premier match, le Népsport, alors le plus grand quotidien de Hongrie, avait rapporté dans son édition du 14 octobre 1969 que le tout premier club de rugby créé était le Péceli Spartacus et comptait déjà une cinquantaine de membres.

Au plus fort de sa renommée, le « rögby » comptait jusqu'à 50 clubs actifs mais a ensuite progressivement périclité lorsque Carlo Passalaqua est retourné dans son pays.

Mais grâce au travail et à la persévérance des bénévoles, le rugby a continué à gagner en popularité jusqu'à ce que la fédération hongroise de rugby soit créée, au lendemain de la chute du communisme en 1990. La même année, la Hongrie a disputé son premier test-match, s'inclinant 7-3 en Allemagne de l'Est, le 1er juillet 1990, soit 131 jours après la chute du Mur de Berlin.

Influence celtique

Si l'arrivée du rugby en Hongrie est due à un Italien, ce sont deux Gallois et un Écossais qui l'ont fait grandir ces dernières années.

En août 2016, Richie Williams a été nommé directeur de la performance du rugby masculin, à un moment où l'équipe nationale avait perdu neuf matches de suite et avait chuté à la 82e place au classement mondial World Rugby. La Hongrie se positionne désormais 69e après avoir passé un moment à la 61e place suite à une impressionnante série de résultats dans la course à la qualification pour la Coupe du Monde de Rugby 2019 qui l'a fait rentré en Conférence 1 Nord de Rugby Europe.

Chez les femmes, c'est Craig Dods, le neveu de l'ancien arrière de l’Écosse Peter Dods, qui a pis les rênes au moment où Antal Kiss a été élu nouveau président de la fédération.

Antal Kiss a apporté un nouveau souffle, de l'énergie, une vision et, avec l'aide de ses nouveaux coéquipiers, a redonné une nouvelle vie à la fédé. Actuellement, la Hongrie compte vingt clubs et le nombre de joueurs et de joueuses ne cesse de progresser. Dods est toujours aux commandes, mais Richie Williams a accepté un nouveau défi à Cambridge. De fait, c'est un autre Gallois qui a pris sa succession, prenant aussi en charge l'équipe nationale de rugby à 7, à XV et les U18.

La fierté du maillot

Originaire du nord de Cardiff, Gareth Lloyd a joué au rugby pendant quinze ans, là où sa femme et ses enfants sont nés.

« Je n'avais aucune intention d'aller entraîner l'équipe nationale, mais ils m'ont proposé et une semaine après que j'avais mis un terme à ma carrière de joueur. Ils m'ont d'abord demandé d'être l'adjoint de Richie et voilà où j'en suis maintenant. Ça a été une surprise, mais ça me plaît », raconte Gareth.

Grâce à Richie Williams, une culture du rugby a pu se mettre en place autour de l'équipe nationale et les joueurs amateurs ont pu trouver un environnement stable pour être accompagnés.

En Hongrie, le rugby a su se faire une place parmi les trois sports les plus importants – le football, le handball et le water polo – grâce à un soutien du Ministère des Sports qui a contribué à la création d'un stade national de rugby d'une capacité de 3 000 places. Un pas important pour le rugby hongrois.

« Le stade nous donne le sentiment d'être chez nous, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. J'ai longtemps joué ici à Budapest et toujours on se cassait la tête pour trouver des terrains d'entraînement parce qu'on n'était pas autorisé à utiliser les terrains de football. Là, ça nous donne l'occasion de développer notre équipe senior, mais aussi les U16 et les U18. Ça a donné une visibilité comme jamais au rugby », explique Gareth Lloyd.

Le Rugby Europe Trophy Sevens y sera organisé en 2020

Situé au cœur des 86 hectares qu'offre le Kincsem Park à Budapest, le stade de rugby se situe dans un complexe sportif dans lequel on trouve une piste pour les courses de lévriers et un hippodrome.

« Le soutien politique a été essentiel. Le Ministre de Sports croit au rugby et a confiance dans son développement », assure Antal Kiss, le président de la fédération hongroise de rugby. « C'est l'accomplissement d'un travail de huit années. Pour une petite communauté comme la notre, ce n'est pas rien d'avoir réussi à inculquer une culture de sport national. »

Antal Kiss voit bien que Kincsem Park puisse accueillir d'autres activités rugbystiques pour contenter la population de 2 millions d'habitants qui vit à Budapest. Un musée devrait d'ailleurs ouvrir prochainement.

D'autant qu'avec le Puskás Stadium et ses 68 000 places qui vient d'ouvrir lui aussi, la Hongrie est aujourd'hui en capacité d'accueillir des événements sportifs de grande ampleur.

« C'est le début, mais en mai/juin de l'année prochaine, nous allons accueillir le Rugby Europe Trophy Sevens dans le nouveau stade avec douze équipes qui vont concourir. C'est un pas énorme pour nous », sourit Gareth Lloyd.

Le parcours de l'équipe nationale à 7 a aussi aidé à faire grandir le rugby. Le fait qu'elle concourt aux côtés de la France dans le tournoi de qualification olympique de Rugby Europe n'est pas passé inaperçu.

L'année dernière, le deuxième-ligne Bence Roth est devenu le premier joueur hongrois à signer dans un club professionnel, en l'occurrence l'US Bressane qui évolue en Fédérale 1 en France.