Regina Lunyolo a gravi les échelons du rugby ougandais depuis une rencontre fortuite avec l'ancienne star des Cranes – les Grues - Brian Tabaruka dans une piscine il y a 16 ans.

Lunyolo, qui était alors étudiante à l’université à l’époque, pensait que Brian Tabaruka et l'un de ses amis se rendaient à un cours de natation lorsque son regard s'est porté sur leur sac et ce qu'il contenait.

En y regardant de plus près, il est apparu que les deux hommes jouaient pour les MTN Heathens, sans doute le plus grand club de rugby masculin d'Ouganda. Impressionnée, Regina Lunyolo a été soudainement attirée par le jeu.

Au cours de la dernière année de son diplôme et à la recherche de quelque chose à faire après l'université en dehors de la recherche d'emploi, Regina a demandé à Tabaruka si son club disposait d'une équipe féminine.

Il lui a répondu qu'un groupe de femmes s'entraînait effectivement sur le même terrain que les garçons. Quelques semaines plus tard, Regina Lunyolo est arrivée au Kyadondo Rugby Club pour faire le premier pas vers un voyage qui allait transformer sa vie.

 

« C'était le 5 janvier 2004 ; je me suis dit 'OK, laisse-moi juste tenter le coup' », raconte Regina à World Rugby. « J'ai vu quelques filles qui jouaient, qui couraient. Je me suis arrêtée et j'ai demandé à l'entraîneur [James Park] si je pouvais me joindre à elles et ils m'a répondu que j'étais la bienvenue. C’est comme ça que j’ai commencé à jouer au rugby. »

Gagner en autonomie

Moins de 14 mois plus tard, Regina Lunyolo était alignée à la mêlée alors que les Lady Cranes de l’Ouganda faisaient leurs débuts avec une victoire de 92-0 contre le Rwanda à Kigali.

Elle a continué à jouer jusqu'en 2012 - retournant sur les terrains après la naissance de chacun de ses six enfants - lorsqu'elle est devenue manager pour un club féminin local.

Regina Lunyolo, qui a également obtenu une qualification d'arbitre de niveau 2, est ensuite devenue manager des Lady Cranes Sevens en 2017, un rôle qu'elle a occupé jusqu'à son élection au Conseil d'administration de la fédération ougandaise de rugby deux ans plus tard.

« Je ne pouvais pas garder les deux positions », regrette Regina. « Mais je voulais aussi laisser de la place à une autre personne pour qu'elle puisse diriger, qu'une autre femme vienne siéger. »

Cette volonté d'autoriser d'autres femmes ougandaises à suivre ses traces est évidente dans la manière dont Regina Lunyolo a saisi une autre opportunité qui s'est présentée à elle en 2019. À la veille de la Journée internationale de la femme, elle a été annoncée comme l'une des 14 récipiendaires de la Bourse de Leadership Féminin de World Rugby.

La bourse lui a fourni des opportunités dont elle n'aurait pu rêver auparavant. En août, elle s’est envolée pour les Fidji pour participer à l’Atelier de leadership des femmes de rugby d’Océanie avant de poursuivre son voyage en Nouvelle-Zélande.

« C'était l'un de ces rares moments où vous êtes assis dans un même espace avec des personnes partageant les mêmes idées que vous et que vous discutez des questions concernant le sport que vous aimez tous. Cela a changé ma vie », se souvient Regina.

Lunyolo est d'ailleurs déterminée à faire en sorte que ce ne soit pas seulement sa vie qui soit changée par la bourse. Elle a l'intention d'amener ses compatriotes avec elle.

« Il incombe à chacune d'entre nous (boursiers) d'aller sur le terrain et d'inspirer plus de filles à jouer au rugby », assure-t-elle. « Mais ce faisant, nous devons créer un environnement sûr pour qu'elles puissent s'épanouir et développer leur plein potentiel. Cela nous permet à toutes de puiser dans nos différents ensembles de compétences et nos capacités pour leur permettre de comprendre que le rugby est plus qu'un sport.

« Il forge le caractère, il le fait depuis 1886 et il continue de le faire. Donc, nous devons vivre en sachant que davantage de filles nous considèrent comme des modèles, des ambassadrices du rugby sur et hors du terrain. »

Connecter les femmes dans le sport

La candidature de Regina Lunyolo pour rendre autonome la prochaine génération de femmes leaders dans le sport ougandais a commencé en novembre 2017 lorsqu'elle a lancé une émission sur YouTube, Sports Women Connect. Dans ce programme, la dirigeante interviewe des figures féminines clés de différents sports.

« En regardant autour de moi, j'ai réalisé qu'en tant que femmes dirigeantes, nous n'avions pas d'espace où nous pouvions nous asseoir face à face pour discuter simplement des défis que nous traversons, de la façon de les surmonter », explique Regina.

Parmi les invitées des 51 épisodes est intervenue la capitaine des Lady Cranes Winnie Atyang et l'une des « Unstoppables » de World Rugby dans sa campagne « Try And Stop Us », Lucky Nirere.

« Quand j'ai eu Winnie Atyang pour la première fois dans l'émission, elle n'était pas sûre de pouvoir s'exprimer », se souvient-elle. « Mais après l'émission, elle a été invitée à plusieurs tables rondes. Elle a aussi été invitée sur différentes chaînes de télévision pour parler de son histoire parce qu'elle a une histoire tellement puissante et intense sur la façon de surmonter les obstacles pour réussir dans la vie et d'utiliser le rugby pour surmonter les épreuves.

« Elle comprend maintenant le pouvoir de raconter son histoire, d'être un modèle, d'être une ambassadrice, d'être un leader sur et hors du terrain. »

Prendre la parole

Les discussions de Regina Lunyolo avec ses collègues dirigeantes, que ce soit sur son émission YouTube ou pendant son voyage aux Fidji et en Nouvelle-Zélande, l'ont aidée à surmonter l'un des plus grands défis auxquels sont confrontées les femmes dans le sport.

En tant que l'une des deux seules femmes du conseil d'administration de la fédération ougandaise de rugby composé de neuf membres, Regina Lunyolo a eu du mal à avoir une influence sur ses collègues masculins.

« Parfois, vous avez l’impression d'être transparente parce que lorsque les hommes parlent, ils donnent l’impression de ne pas vous entendre », observe la jeune femme.

« Vous avez l'impression que vous devez faire un long chemin pour dire quelque chose et pourtant, dans votre tête, vous savez que c'est la bonne chose.

« Mais grâce aux discussions que j'ai eues avec d'autres femmes, cela m'a aidé à comprendre que si c'est mon moment de parler, je le ferai. »