Sylke Haverkorn, ancienne pilier internationale des Pays-Bas, est habituée à surmonter les obstacles qui se dressent sur sa route - qu’il s’agisse de stéréotypes sexistes, de défis géographiques ou de barrières linguistiques. Aussi, lorsqu'on lui a proposé de remettre d'aplomb l'équipe nationale féminine de rugby à XV en vue d'une éventuelle qualification à la Coupe du Monde de Rugby 2021 en Nouvelle-Zélande, elle n'a pas hésité une seconde, voyant l'ampleur de la tâche qu'elle a commencé à remplir avec passion.

Forte de son énorme expérience, Sylke Haverkorn a été nommée nouvel entraîneur-chef de l'équipe nationale en septembre après seulement dix ans de carrière internationale qu'elle a du arrêter en 2016 à cause d'une blessure au genou.

Elle a été l'entraîneur de Rugbyende Utrechtste Studenten, le club avec lequel elle a remporté cinq titres consécutifs de première division en tant que joueuse (2012-16), puis entraîneur de l'équipe masculine du rugby-club Nieuwegein, ainsi qu'entraîneur de l'équipe nationale féminine turque de rugby à 7 ; une opportunité qui s'est présentée suite à sa certification d'entraîneur de niveau 3.

Une pionnière aux commandes

Mais peut-être sa plus grande fierté à ce jour est d'être devenue la première entraîneur à remporter l'Ereklasse, la première division masculine des Pays-Bas, avec le RC DIOK Leiden. Une sorte de revanche face aux critiques que sa nomination à ce poste avait alors reçues.

« Au début, beaucoup d'hommes, surtout des anciens, étaient négatifs, en disant 'comment une femme peut-elle entraîner des hommes'. Mais nous sommes devenus champions, et tout le monde s'est excusé, bien sûr », raconte-t-elle à World Rugby.

« C’était la première fois en 19 ans qu’ils le gagnaient. À partir de là, Rugby Netherlands m’a demandé de devenir entraîneur de l’équipe nationale féminine et, naturellement, j’étais ravie et très fière d’accepter. »

Élevée dans l'extrême Est des Pays-Bas, à Enschede, Sylke devait faire deux heures et demie de trajet pour s'entraîner à Amsterdam lorsqu'elle était joueuse. Mais ce n'était rien comparé aux 22 heures de trajet que doivent faire certaines femmes en Turquie pour assister à des réunions.

Malgré cela - et malgré le manque de personnes parlant anglais - Sylke Haverkorn a réussi à faire en sorte que la Turquie se maintienne en Rugby Europe’s Women's Sevens Trophy, ce qui n’était pas une mince affaire après avoir été promue l'année précédente.

« L'une des choses les plus importantes était la langue car aucune des filles ne parlait anglais. J'ai donc eu un traducteur 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 », détaille-t-elle. « Si l’arbitre disait de laisser le ballon ou de le relâcher, elles ne comprenaient pas et nous étions souvent pénalisées par des cartons jaunes. Mais nous avons réussi à les former et à les aider, et les choses se sont améliorées. »

Des talents prêts à se révéler

Bien plus compact géographiquement, les Pays-Bas a une forte concentration de talents que Sylke Haverkorn a hâte d'exploiter. Elle souhaite notamment nourrir l'enthousiasme généré par la Coupe du Monde de Rugby 2019 dans son pays grâce à la bonne couverture télévisée qui l'a accompagnée.

« J'ai fait des stages avec des enfants dans les écoles et beaucoup d'entre eux portaient des t-shirts de l'Afrique du Sud. Parce que c'était diffusé à la télé, beaucoup d’entre eux ont regardé la Coupe du Monde », se réjouit l'entraîneur.

« Quand j'ai commencé à l'université, ce n'était pas le cas ; personne ne savait ce qu'était le rugby. Je pensais même que c'était du football américain, mais tout cela a tellement changé. Beaucoup d'enfants connaissent les règles aujourd'hui et le nombre de jeunes joueurs jouant au rugby est énorme. Il y a beaucoup de talents ici et, le 9 novembre, nous avons eu notre première session de formation ouverte pour les filles »

Tirer le meilleur parti de ce groupe de joueuses est l’un des objectifs à long terme de Sylke Haverkorn. Elle est en train de poser les fondations qui devraient être très utiles à l’équipe nationale pour les années à venir, en présentant une équipe féminine des moins de 18 ans et en mettant en place des plans pour avoir un plus grand nombre d’équipes nationales jeunes.

L'histoire en train de se construire

La prochaine tournée historique de deux tests contre Hongkong est le signe qu'un autre de ses souhaits – bénéficier de rencontres plus compétitives pour l'équipe nationale - est en train de devenir une réalité, grâce au soutien de Rugby Netherlands.

« Nous sommes en train de reconstruire l'équipe », assure-t-elle. « Nous nous entraînons maintenant depuis six samedis. Ces matchs vont nous permettre de voir où en est l'équipe et ce dont nous avons besoin pour peaufiner et nous améliorer. Nous avons besoin de voir quelles combinaisons on peut mettre en place et de voir comment évoluent les filles sous la pression des matches. »

Jadis parmi les meilleures équipes du rugby féminin dans le monde, les Pays-Bas se classent désormais 13e au classement mondial World Rugby et n’ont jamais participé à une Coupe du Monde de Rugby depuis 2002.

Cependant, les Pays-Bas aura la chance de mettre un terme à cette attente de 19 ans d’ici à ce que la Nouvelle-Zélande 2021 se présente. Pour cela, il faudra que les Néerlandaises remportent le Rugby Europe Women’s Championship l’année prochaine.

Mission possible

Sylke Haverkorn espère alors que son équipe sera en mesure de disputer le titre à l'Espagne et, par conséquent, de se qualifier pour le tournoi européen de qualification pour la RWC 2021 réunissant l'Irlande, l'Italie et l'Écosse en septembre.

« Je sens que c'est possible », affirme Sylke Haverkorn, toujours positive. « Cela prend du temps, bien sûr. Vous ne pouvez pas changer en un an ou une saison. Si vous voulez rivaliser avec des pays professionnels comme l’Angleterre, c’est difficile, mais rien n’est impossible. Je le sais, j’étais membre de l’équipe néerlandaise qui a battu la France !

« Si nous déployons beaucoup d’efforts et que nous avons plus de tests-matches, alors nous pourrons nous améliorer très rapidement. Notre objectif cette saison est de battre l'Espagne dans le championnat d'Europe. Si nous y arrivons, nous participerons au tournoi de qualification pour la Nouvelle-Zélande. J'ai beaucoup joué contre l'Espagne et c'est toujours un match difficile. Mais comme je l'ai dit, rien n'est impossible. »