TOKYO, le 14 octobre – Tombés dans le groupe de la mort, avec trois nations du Tier 1, l'Angleterre, la France et l'Argentine, les Tonguiens ne se faisaient sans doute guère d'illusions quant à leurs chances de qualification pour les quarts de finale.

Si le miracle n'a pas eu lieu, on retiendra néanmoins que les Aigles de mer auraient pu mettre en difficulté les Pumas si un essai de pénalité ne leur avait pas été refusé à un moment clé du match, de même qu'ils ont fait une grosse frayeur au XV de France, contre lequel ils sont passés à deux doigts de créer une nouvelle fois la surprise. Leur campagne s'est conclue sur une victoire méritée contre les États-Unis (31-19) qui leur permet d'éviter la dernière place. 

Le sélectionneur

À 45 ans, Toutai Kefu, natif des Tonga mais vainqueur de la Coupe du Monde 1999 avec l'Australie, était le plus jeune des 20 sélectionneurs présents au rendez-vous nippon. Après s'être occupé des avants et avoir assuré l'intérim à la tête de la sélection, il a définitivement pris ses fonctions en 2016.

Il a réussi à composer pour cette Coupe du Monde un groupe des plus solides. Et on peut raisonnablement penser qu'aucun sélectionneur n'aurait fait mieux que lui dans le contexte qu'il a dû affronter, à savoir les pertes précoces du stratège et recordman de points Kurt Morath ainsi que du centre Nafi Tuitavake, sérieuse blessure au larynx pour l'un et bras cassé pour l'autre. Alors que son contrat arrive à son terme, Toutai Kefu a annoncé vouloir s'accorder le temps de la réflexion.

Le joueur de la compétition 

Le flanker Zane Kapeli n'a découvert le rugby international qu'en novembre dernier, où il avait été appelé en urgence pour rejoindre le squad. Mais tout le monde le connaît déjà. Son tampon sur Billy Vunipola dès l'entrée en lice de son équipe dans la compétition en a en effet assis plus d'un, à commencer par le numéro 8 de la Rose.

Par la suite, le joueur, basé en Nouvelle-Zélande, a encore distribué quelques cartouches du même style (qui lui ont d'ailleurs valu le surnom de « Zane the Train »), avant de voir son investissement récompensé par un essai contre la France. Un contrat avec un grand club ne devrait pas tarder à venir.

On s'en souviendra 

Durant une visite d'école à Shimabara, le pilier Ben Tameifuna, joueur le plus lourd de la compétition avec ses 155 kg, a soulevé un enfant qui ne demandait rien à personne et l'a calé sous un de ses bras le temps d'une photo.

De retour sur le plancher des vaches, le petit garçon est resté au sol, plié et immobile, pendant des secondes qui ont paru une éternité. Au plus grand soulagement de l'assistance, il s'est finalement relevé pour aller rejoindre ses camarades. Mais il n'est pas prêt d'oublier ce moment. 

Le fait de jeu à retenir 

L'entrée en jeu, dans la deuxième mi-temps du match contre l'Angleterre, de Nasi Manu. Cancer des testicules, opération, chimiothérapie : pour le troisième ligne du club italien du Benetton Trévise, dont il venait de rater l'intégralité de la saison, faire partie du groupe retenu pour l'aventure japonaise était déjà un exploit. Il a d'ailleurs reconnu avoir été au bord des larmes au moment où il a a appris sa sélection, puis quand il a chanté l'hymne national et pris place pour le traditionnel Sipi Tau. En quittant le banc ce jour-là, Nasi Manu est allé jusqu'à réaliser son rêve de jouer en Coupe du Monde. 

Et maintenant ? 

Avant le match contre les États-Unis, le capitaine Siale Piutau a demandé à ses coéquipiers un dernier effort, leur rappelant qu'ils ne joueraient peut-être plus jamais ensemble. Puis il a annoncé que ce match serait le dernier de sa carrière internationale. Après la victoire, il a été porté en triomphe par ses soldats, tout comme Sione Kalamafoni, qui a lui aussi décidé de raccrocher les crampons.

Du fait des contrats passés par de nombreux joueurs avec des clubs à l'étranger, les Tonguiens ne savent jamais sur qui ils pourront compter lors de leur prochain rendez-vous. En outre, comme ils n'ont de cesse de le rappeler, ils ne jouent pas assez souvent, notamment contre les nations du Tier 1. Pour l'heure, la prochaine échéance est ainsi la Pacific Nations Cup, qui n'aura lieu que dans la seconde moitié de l'année 2020.  

La décla de la compétition 

Lorsqu'il a appris que Vunipola, dont le père et un oncle ont porté les couleurs des Aigles de mer, se sentait toujours tonguien malgré ses 50 sélections pour le XV d'Angleterre, Toutai Kefu a déclaré : « Il n'a qu'à jouer pour nous alors. »

L'arrière Telusa Veainu est revenu sur sa situation il y a quatre ans : « J'étais au plus bas, dans l'impasse. Et puis j'ai été appelé en sélection, ça m'a sauvé la vie. » Après avoir signé à Leicester dans la foulée de la Coupe du Monde 2015, il porte aujourd'hui encore les couleurs des Tigres. Il est désormais l'une des stars incontestées de l'équipe des Tonga et a inscrit le dernier essai de l'équipe lors de la victoire contre les Américains.

Les résultats

Défaite face à l'Angleterre 35-3

Défaite face à l'Argentine 28-12

Défaite face à la France 23-21

Victoire sur les États-Unis 31-19 

Les Tonga en chiffres

1471 – La distance en kilomètres entre Sapporo, la ville la plus au nord de de la compétition, et Kumamoto, la plus au sud. C'est plus que de Londres à Rome. Les Tonga ont été la seule équipe à devoir jouer aux deux endroits.  

155 – Le poids en kilogrammes du pilier Ben Tameifuna, joueur le plus lourd de la Coupe du Monde 2019. 

0 – Le nombre de matches disputés par Nasi Manu dans les 12 mois qui ont précédé la compétition. Suite à un cancer des testicules diagnostiqué en août 2018 et à l'opération et aux séances de chimiothérapie qui s'en sont suivies, il n'a fait son retour que le 22 septembre, sur le banc lors du match contre l'Angleterre. 

0 – Le  nombre de matches de haut niveau joués par le talonneur Siua Maile, couvreur à Christchurch, lorsqu'il a été appelé dans le groupe tonguien pour la Coupe du Monde. 

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