TOKYO, le 16 octobre - 1987. La première Coupe du Monde de Rugby se profile dans un contexte sportif encore totalement amateur. Le rythme international du rugby hexagonal est alors surtout marqué par le Tournoi des Cinq Nations. Une compétition que la France vient justement de remporter en faisant son troisième Grand chelem en dix ans. De quoi promettre une Coupe du Monde grandiose pour les Bleus, même si le théâtre des opérations, en Australie et en Nouvelle-Zélande, paraît très loin à l’époque. Et de quoi offrir un vrai rendez-vous à l’échelle mondiale pour un joueur aux qualités uniques : Serge Blanco.

Natif de Caracas au Venezuela, Serge Blanco évolue au poste d’arrière. Et s’il est resté toute sa vie fidèle à son club du Biarritz Olympique et à son rôle de prédilection, ses prises de risques sur le terrain sont beaucoup plus fréquentes. Son style élégant, fait à la fois de puissance et de vitesse, de crochets déroutants et de relances depuis ses 22 mètres, en fait déjà une légende des terrains européens. La Coupe du Monde 1987 va permettre au monde entier de découvrir son incroyable talent.

Des débuts contrastés, mais déjà du grand Blanco contre l’Écosse 

Pourtant, la compétition ne commence pas très bien pour les Bleus. Pour ce premier rendez-vous planétaire, l’équipe de France avait effectué une vraie préparation, arrivant même 12 jours avant son premier match sur le sol néo-zélandais. Mais dans celui-ci, face à l’Écosse, que les tricolores avaient dominée 28-22 trois mois plus tôt au Parc de Princes, les débuts sont difficiles. Menés au score 16-14, les Français doivent compter sur le génie de Blanco pour sortir de l’ornière. Profitant de l’inattention écossaise, le félin joue rapidement un ballon pour lui-même. Il prend de court toute la défense du XV du Chardon pour aller inscrire l’essai qui permet à la France de passer devant. Une avance de courte durée puisque l’essai de Duncan à la dernière minute offre le match nul à l’Écosse.

Malheureusement, ce premier coup d’éclat de Blanco est rapidement suivi d’une première désillusion. Blessé au bout d’un quart d’heure contre la Roumanie, il doit céder sa place à Didier Camberabero. Il ne remettra plus le maillot bleu avant le quart de finale contre les Fidji.

Lors de cette rencontre, Blanco, qui n’a pas encore acquis son surnom de « Pelé du rugby », doit faire face à la vista des Fidjiens. Leur adresse ballon en main – parfois à une seule main – est aussi célèbre que leur nonchalance, qui peut tourner au dilettantisme. Le raté de Severo Koroduadua, qui laisse échapper le ballon alors qu’il file à l’essai, marquera les esprits. Malgré tout, la France s’impose sans totalement convaincre, 31-16, et file en demies, où elle et Serge Blanco ont rendez-vous avec l’histoire de la Coupe du monde de Rugby.

Demi-finale contre l’Australie : Blanco et un essai de légende

Très critiquée après ce match, l’équipe de Jacques Fouroux fait le choix de s’isoler, préférant l’intensité des entraînements à huis clos à la résonance médiatique. Peu de bookmakers misent d'ailleurs sur eux et la plupart imaginent déjà la finale Nouvelle-Zélande – Australie attendue. En arrivant à Sydney, les Bleus sont donc remontés à bloc. Et Serge Blanco, toujours diminué par cette blessure qui s’est réveillée contre les Fidji, n’est pas le moins motivé.

Le match démarre pourtant plutôt mal pour les Français. L’efficace ouvreur des Wallabies Michael Lynagh offre aux siens une confortable avance (9-0) au cours de la première mi-temps. Mais juste avant la pause, avec l’essai d’Alain Lorieux, puis juste après avec ceux de Philippe Sella et Patrice Lagisquet, la France montre son désir de déjouer les pronostics. À quatre minutes de la fin, la troisième pénalité de Lynagh semble clore le suspense, mais un but de Camberabero remet les équipes à égalité alors qu’on a déjà atteint la fin du temps réglementaire. Il ne reste que quelques secondes à jouer avant des prolongations constituant déjà un exploit pour les Bleus. Quand va se produire un enchaînement qui restera gravé dans l’histoire du rugby. Avec à sa conclusion un maestro qui va définitivement entrer dans la légende : Serge Blanco.

Suite à une mêlée gagnée par la France sur ses quarante mètres, un coup de pied en profondeur de Lagisquet est récupéré à la course par Dominique Erbani. S’ensuit une succession de passes où à peu près toute la ligne d’attaque va toucher le ballon. Un véritable feu d’artifice, magnifié par le basculement de jeu de Pierre Berbizier pour Lagisquet, dont la course en biais prend de vitesse la défense australienne. Sa prise d’intervalle décale Serge Blanco, qui s'arrache sur les derniers mètres pour aller inscrire en coin l’incroyable essai de la victoire.

Alors oui, certes, l’équipe de France ne parviendra pas à aller chercher la Coupe Webb-Ellis. Elle sera battue quelques jours plus tard par les All Blacks 29-9 à l’Eden Park. Mais ce jour-là, au Concord Oval de Sydney, le fameux french flair a trouvé en Serge Blanco l'une de ses plus brillantes incarnations.

RNS lc/sc