Rebecca Mahoney n'envisageait pas de devenir une pionnière lorsqu'elle a troqué son maillot de joueuse la première fois pour l'uniforme d'officiel de match en 2015. Double-championne du monde avec 16 sélections pour les Black Ferns, elle voulait devenir la meilleure officielle de match que possible, mais tout le monde n'était pas nécessairement d'accord pour qu'elle arbitre un match masculin.

Ça a changé il y a deux ans lorsque New Zealand Rugby a changé son fusil d'épaule, adaptant sa préparation physique et son approche pour faire face à de nouveaux défis et donc de nouvelles opportunités. Et Rebecca en a profité.

Elle a montré qu'elle en était capable lorsqu'on l'a vue sur le Heartland Championship et le Ranfurly Shield, devenant la première femme à arbitrer un match du championnat national de Nouvelle-Zélande, la Mitre Cup, en septembre 2019.

« J'ai adoré », raconte-t-elle à World Rugby. « Je savais que ce serait un palier à franchir et que ce serait un nouveau défi. Ça ne m'a rien donné de plus, mais j'ai adoré, adoré le rythme et les skills des joueurs. Ça n'a jamais été un but en soi ; je ne savais pas si ça allait fonctionner. Mais je suis très contente d'avoir réussi. »

Garder les pieds sur terre

La prochaine échéance pour Rebecca ? Figurer dans le panel des arbitres pour la Coupe du Monde de Rugby 2021 en Nouvelle-Zélande. Et cette rencontre de la Mitre Cup va immanquablement peser dans la balance.

Si elle a su garder son sang-froid pendant toute la rencontre, sa seule appréhension avant le coup d'envoi était de se retrouver sur la même trajectoire qu'un porteur de balle qui déciderait de foncer tête baissée d'une manière inattendue.

« J'avais fait un peu de développement en Super Rugby et avec les U20 et je pense que le rythme se rapprochait de ce match », confie la jeune femme de 36 ans. « Chaque match présente un défi différent. Je crois qu'il suffit de bien se préparer pour ces rencontres, de bien étudier le jeu des équipes et prévoir des plans de fuite au cas où, comme ça je ne me retrouve pas sur la mauvaise route !

« Ça a été l'une de mes principales préoccupations sur ce match, de ne pas entrer en collision avec un joueur qui avait prévu de prendre une trajectoire différente au dernier moment. Si on garde les pieds sur terre, qu'on reste concentré, alors ça va. Ça s'est passé comme ça pendant 80 minutes. »

Changer son point de vue

Bryce Lawrence, le manager des arbitres de NZ Rugby, admet qu'il y a quatre ans elle éprouvait quelques réserves quant à laisser une arbitre féminine officier sur ce genre de match. Mais l'histoire de Rebecca Mahoney l'a fait revenir sur son point de vue initial. Et aujourd'hui, il est plutôt satisfait de s'être trompé.

« Le plus difficile, c'est que ça n'avait jamais été tenté auparavant », admet-il. « Mais exprès on a changé notre approche il y a deux ans, on s'est dit qu'il fallait qu'on sorte des sentiers battus, que l'on soit plus courageux et qu'on se crée des occasions. Et avec tout ça en tête, finalement, ce n'était pas si compliqué de lui laisser les rênes de ce match. Et si nous voulons qu'elle puisse arbitrer les plus grands matches de rugby féminin, alors il faudra qu'elle prouve à World Rugby qu'elle en est capable ! »

Maintenant, l'autre défi qui se présente à Rebecca est de trouver « le bon équilibre » entre sa vie familiale, son travail à la ferme et ses engagements dans l'arbitrage. La géographie de la Nouvelle-Zélande est telle que durant la saison, Rebecca ne devra pas compter rester beaucoup à la ferme le week-end pour s'occuper de ses deux jeunes enfants, Amber (11 ans) et Harper (6 ans).

Trouver le bon équilibre

« Je pense qu'avoir une pause par rapport à mon travail à la ferme en faisant du rugby me permet de prendre un peu de recul sur toutes ces choses, de faire le point sur le positif et le négatif. Et vice-versa ! Ce sont les deux pans de ma vie », sourit-elle.

« Être bien physiquement et mentalement m'aide à accepter tout ce qui se présente. Mais la Coupe du Monde de Rugby serait le mieux parce que j'en ai joué une paire et cette fois c'est chez nous, en Nouvelle-Zélande ! »

Rebecca et Bryce Lawrence espèrent que son exemple pourra inspirer d'autres filles à se tourner vers l'arbitrage. Et si Rebecca devait donner un conseil, ce serait : « soyez ouvert d'esprit. Ça commence souvent par une simple discussion », dit-elle. « C'était plus difficile pour moi parce que lorsque je suis arrivée à l'arbitrage, il n'y avait pas de filles et ce n'était pas une voie naturelle pour d'anciennes joueuses comme moi.

« Je me souviens de ce que mon mentor, Harry Quinn, me disait : observe les autres, écoute ce qu'ils ont à te dire et applique ce qu'ils t'ont dit, fait ton trou. »