Auparavant entraîneur de la Tunisie et du Maroc, le Français Claude Saurel a toujours été bien placé pour aider les petites équipes à s'attirer les feux des projecteurs. Néanmoins, c'est surtout parce qu'il a considérablement aidé la Géorgie à se hisser à son plus haut que cet homme de 71 ans est connu.

Claude Saurel était l'entraîneur des Lelos qui se sont qualifiés pour leur toute première Coupe du Monde de Rugby en 2003 en Australie. Ce fut la première étape de ce qui allait mener à une véritable révolution dans le monde du rugby en Géorgie.

Désormais sport national, le rugby est pratiqué aux quatre coins du pays, possède un stade dédié et d'autres infrastructures un peu partout afin d'accompagner la passion des fans.

Pourtant, lorsque Saurel a débarqué là au milieu des années 90 en tant que consultant, on n'en était pas là dans un pays qui peinait à se remettre de la guerre civile.
« On n'avait l'électricité que trois ou quatre heures par jour et le reste du temps, on faisait tout dans le noir », raconte le natif de Béziers. « C'était incroyable. Dans les rues de Tbilissi, vous pouviez entendre les groupes électrogènes tourner à plein régime. J'avais un garde du corps qui me protégeait tous les jours parce que c'était devenu très dangereux avec beaucoup d'otages et de demandes de rançons. »

A cette époque, il n'y avait rien...

Viticulteur à l'origine, il a mis de côté ses vignes dans le Languedoc pour les rues de la capitale géorgienne et a tout de suite vu le potentiel du rugby qui pointait ses ambitions là-bas.

 

5 trucs que vous ne connaissez pas sur le rugby géorgien
Dans notre nouvelle série "Le saviez-vous ?", nous vous livrons quelques trucs qui vous ne savez probablement pas à propos du rugby géorgien. Nous en avons discuté avec l'entraîneur Milton Haig.

« A cette époque-là, même les joueurs portaient des capuches et des revolvers ; c'était une période très dangereuse. Mais lorsque je les ai rencontrés et que j'ai vu ce qu'ils valaient sur le terrain... Quand j'ai vu leur investissement dans les entraînements, quand j'ai parcouru le pays, quand j'ai vu leur potentiel, je me suis dit que jamais je ne pourrais les abandonner », se souvient-il.

« C'est là que j'ai décidé de les aider. Clairement, la première chose qu'ils m'ont dite c'est 'mais, monsieur, on n'a pas d'argent'. Je leur ai répondu qu'on verrait ça plus tard... »

Comment les Géorgiens sont arrivés en France

Très vite, Claude Saurel s'est aperçu que pour que le rugby puisse progresser en Géorgie, il fallait retenir les meilleurs joueurs et leur permettre de s'entraîner de manière convenable.

« Tous les stades avaient été réquisitionnés par l'armée et les terrains étaient détruits, les tribunes étaient dans un piteux état, tout avait été volé – les poteaux, la robinetterie, les tuyaux... - tout était dans un état déplorable », explique Claude. « J'ai faisais les entraînements dans les jardins publics parce que c'était les seuls endroits où il y avait encore de la pelouse et c'était nécessaire pour apprendre à plaquer et à travailler les techniques.

« Les gars avaient des chaussures qui n'allaient pas, on n'avait pas de ballon, il n'y avait rien. On a dû tout restructurer. J'avais des joueurs internationaux qui avaient faim. Comment vous voulez les faire jouer si ils ont faim et ne mangent pas correctement ? Rien n'allait. Alors, avec le consentement des dirigeants géorgiens, nous avons décidé de les emmener en France, de les entraîner dans des clubs structurés, sur de vrais terrains avec les bons équipements.

« Comme ça, j'ai pu amener avec moi 80 joueurs qui ont tout de suite été baignés dans le rugby français. Les Géorgiens sont des gens très patriotes et quitter leur pays a été un vrai crève-cœur. Mais ça a aidé le rugby géorgien à évolué et la progression a été très rapide. »

Contre les cousins russes

Très vite les joueurs ont fait mentir les pronostics et ont pu se qualifier pour leur toute première Coupe du Monde de Rugby avec seulement 13 ans d'expérience internationale derrière eux.

Une victoire 17-13 contre la Russie devant 50 000 supporters à Tbilissi leur a permis de prendre place dans la Poule C aux côtés de l'Angleterre et de l'Afrique du Sud.

« C'était très important pour eux de voir qu'ils pouvaient battre les Russes. Et encore aujourd'hui, c'est le seul sport où ils peuvent dominer la Russie. Ils n'ont plus jamais perdu contre la Russie depuis 2001, jamais. Lorsqu'ils se sont qualifiés pour la Coupe du Monde, ça a été un moment extraordinaire pour eux », sourit Claude Saurel, qui a ensuite travaillé avec la Russie.

Les premiers pas de la Géorgie en Coupe du Monde se sont soldés par une défaite 84-6 contre l'Angleterre à Perth.

« Ça me reste encore en travers de la gorge... J'ai eu mal tout le match », admet Saurel aujourd'hui. « Je savais qu'ils auraient pu faire mieux que ce qu'ils ont montré ce jour-là... Mais après, contre l'Afrique du Sud, on était devant au score et, pendant au moins une heure, on gagnait. C'était extraordinaire. Et bien sûr on a perdu à la fin. »

A la fin du tournoi Saurel a eu le sentiment du devoir accompli. Un sentiment qui perdure toujours, d'ailleurs.

« Au début, ils étaient classés 38e sur 42 nations européennes. Et aujourd'hui, ils sont les premiers, en dehors des Six Nations », assure-t-il fièrement. « La Géorgie, c'est le seul pays au monde où, en l'espace de cinq à six ans, 21 nouveaux stades ont été créés. Il y en a partout aujourd'hui ! Et pas des petits stades, des stades avec des jauges de 2000 à 10000 spectateurs, avec des installations pour s'entraîner. L'un d'eux a une école à côté pour les entraîneurs, les arbitres et le développement du rugby.

« Les écoles de rugby affichent complet et je sais que dans un club il y a au moins 800 enfants. Aujourd'hui, on compte 80 entraîneurs et 35 arbitres agréés. Le rugby géorgien est encore jeune, mais il continue de se développer ; c'est extraordinaire. »