Comme beaucoup de belles histoires, celle-ci commence par un coup de fil, vers la mi-septembre 2011. D'un côté de l'appareil Jo Maso, alors manager du XV de France entraîné par Marc Lièvremont, et de l'autre le jeune ouvreur Jean-Marc Doussain. Ça ne fait que quelques semaines qu'il est revenu d'Italie où il était capitaine des Bleuets pour son deuxième Championnat du Monde de suite. Il vient alors d'entamer une nouvelle saison de Top 14 avec le statut de champion de France sous les couleurs du Stade Toulousain.

Le 4 juin précédent, il avait en effet aidé son équipe à remporter le Brennus face à Montpellier... six jours avant de partir au Championnat du Monde des U20 en Italie où les Bleuets vont terminer au pied du podium. Il est comme ça, Jean-Marc, toujours prêt à sauter d'un défi à l'autre, en très peu de temps. Cette fois, c'est l'équipe de France qui a besoin de lui pour palier au forfait de dernière minute de David Skrela, blessé à l'épaule lors du match contre le Japon (gagné 47-21).

« Quand Jo Maso m'appelle, j'avais déjà repris le championnat avec Toulouse », raconte Jean-Marc. « Il m'appelle le mardi et pour moi, à ce moment-là, c'était important de jouer avec mon club. Et pourtant, je ne me rendais pas compte que dès le dimanche je partais en Nouvelle-Zélande. Pour moi, j'avais juste envie de bien finir avec le club. Je ne me projetais pas et, pour tout dire, je n'y croyais tellement pas. Je me concentrais sur mon match du week-end et c'est tout. C'est vrai que j'ai eu du mal à réaliser, même quand j'étais tout seul dans l'avion. »

Impossible de refuser !

Le Stade Toulousain accepte de le laisser partir vers cette nouvelle aventure que pourtant personne n'avait prévu. « C'est impossible de refuser ! Il n'y a pas de débat. Quatre mois avant j'étais avec les Moins de 20 ans, c'était déjà extraordinaire, et je suis parti pour en faire une troisième avec les grands. Le club m'a permis d'y aller. Tout est allé très vite : six mois avec l'équipe première, on est champion de France, je pars avec les moins de 20 ans, je reviens pour le Championnat et on m'appelle pour l'équipe de France », s'étonne-t-il encore.

« Je n'ai pas eu le temps de réfléchir. J'ai pris mes affaires, mes crampons et je suis parti. J'ai beaucoup réfléchi pendant le trajet. J'étais tout jeune, mais je savais qu'il y avait beaucoup de Toulousains dans le groupe. C'était déjà incroyable de s'entraîner avec les meilleurs joueurs français du moment. J'étais gamin et la moyenne d'âge était de moins de 30 ans. »

Sous les feux des médias

Lorsqu'il arrive à l'autre bout du monde, la pression est déjà maximale sur l'épaule des Français qui se préparent à affronter le Canada, puis la Nouvelle-Zélande et enfin les Tonga avant d'espérer aller plus loin dans ce championnat. Physiquement, ayant bénéficié de la préparation avec son club, il se sent prêt. Mentalement, c'est une autre histoire...

"Je n'ai pas eu le temps de réfléchir. J'ai pris mes affaires, mes crampons et je suis parti..."

Jean-Marc Doussain

« J'arrive à l'hôtel et le lendemain je participe à ma première conférence de presse. Il y avait cinquante journalistes devant moi ; ça changeait des quelques-uns avec les U20 ! On était en plus dans la poule de la Nouvelle-Zélande et les Néo-Zélandais craignaient les Français. L'environnement était très spécial et je ne le connaissais pas. Et finalement j'ai eu le temps de m'intégrer, d'observer et de m'entraîner », se souvient Jean-Marc.

« J'arrive la semaine du match contre la Nouvelle-Zélande. Je suis en tribune avec un Toulousain, Romain Millo-Chluski qui n'a pas eu la chance de jouer plus d'un match de la Coupe du Monde. A la fin du match, la France perd (37-17) et Dimitri Yachvili m'offre son maillot parce que j'étais le nouveau. Forcément, c'est quelque chose qui m'a marqué. Je me suis demandé pourquoi il me donnait son maillot car je ne le connaissais pas plus que ça. C'était un geste incroyable. »

1re sélection... en finale

Un autre souvenir qui l'a marqué, c'est cette défaite contre les Tonga 14-19 qui provoque un choc au sein de l'équipe de France. « Après le match des Tonga perdu, on se qualifie de justesse (avec seulement deux victoires en quatre matches, ndlr). On passe une soirée ensemble où on se dit les choses et c'est ce qui nous aide à aller jusqu'au bout de la Coupe du Monde. C'était une soirée mémorable à Wellington », se rappelle Jean-Marc qui n'en dira pas plus. Mais on connaît l'histoire et cette révolte des Français qui ont décidé de prendre les clés du camion et de conduire jusqu'en finale à l'Eden Park d'Auckland, perdue de justesse 7-8 contre la Nouvelle-Zélande.

Ce match fut d'ailleurs la première des 17 sélections de Doussain avec le XV de France. « Quand j'y repense maintenant, aujourd'hui que j'ai du recul et huit ans après, je me rends compte que c'était incroyable de vivre ça aussi rapidement, mais au final je n'en ai pas assez profité car tout a été tellement vite en quatre mois », regrette-t-il presque.

« Je n'ai pas réalisé sur le moment et même quatre ans après quand nous en avons déjà parlé ensemble... Maintenant que je suis à Lyon, c'est pourtant l'une des premières choses que l'on m'a rapportées. Quand on a parlé de moi, c'était ça : ma première sélection en finale contre la Nouvelle-Zélande. Avec le recul je me rends compte que j'étais privilégié de vivre cette aventure. Tout le monde m'en parle. Vivre une Coupe du Monde, c'est extraordinaire... »