On avait quitté Arthur Coville à l'issue de la conférence de presse d'après finale du Championnat de France des U20 à Béziers le 17 juin 2018. Alors qu'il sacrifiait au rituel avec son entraîneur Sébastien Piqueronies, ses coéquipiers fêtaient leur titre de champions du monde dans le vestiaire. Le regard fuyant, les réponses brèves, il n'avait qu'une envie : rejoindre les siens et qu'on le laisse respirer. Enfin.

« De ce moment, j'en garde la meilleure émotion que j'ai pu avoir dans toute ma carrière, le sentiment le plus beau. On ne pouvait pas rêver mieux », dit-il près d'un an après, alors que les Bleuets 2019 sont appelés à défendre leur titre en Argentine du 4 au 22 juin.

« En fait, on n'arrive pas trop à réaliser sur le moment ; on ne s'en rend pas trop compte. On vivait assez loin de tout, nous étions assez isolés. Et on prend une claque sur le visage lorsqu'on quitte le vestiaire et qu'on va s'échauffer car les tribunes sont pleines avec des drapeaux tricolores partout. Et après la finale, bien sûr on est sur un petit nuage, mais on ne s'en rend pas trop compte. C'est dans les semaines suivantes que l'on s'en rend compte. Il y a eu une forte médiatisation et ça nous a changé. Tout le monde nous regardait. »

World Rugby U20 Championship: Best bits of match day five
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Comme la plupart des siens, le capitaine Arthur en arrive à la fin d'une histoire, débutée à l'école de rugby de Vannes, poursuivie en formation, passée par les U18, puis les U20 avant d'être parmi les joueurs à suivre au Stade Français cette saison. Mais en 2018, c'était déjà son second Championnat du Monde avec les Bleuets.

« Nous étions une dizaine à avoir fait le Championnat du Monde l'année d'avant en Géorgie. On avait fini 4e et on avait pourtant une très grosse équipe. Nous étions un peu déçus. Pour un gros noyau de l'équipe, on savait ce qu'était une Coupe du Monde. Ça nous a aussi beaucoup servi pour cette édition », raconte le demi de mêlée.

L'ensemble du groupe arrive pourtant à gérer la pression sans difficulté, bien que l'événement soit organisé à domicile. « Ça met forcément plus de pression car on est plus attendu » reconnaît-il. « Pendant le Championnat, on l'a bien gérée car Seb Piqueronies nous a bien couvé avec tout le staff. Il nous disait qu'on n'avait pas de pression à avoir car lorsque l'on regarde les précédentes années, l'équipe de France n'avait jamais fait un podium. Nous n'étions pas l'équipe attendue, ce qui fait que si on y arrivait, c'était extraordinaire ; ce n'était que du bonus. Il n'y avait aucune pression. Il fallait qu'on s'intègre dans la hiérarchie mondiale.

Des victoires au goût amer

Pourtant, le championnat ne s'était pas engagé de la meilleure des manières avec deux premiers matches difficiles contre l'Irlande et la Géorgie. « Contre l'Irlande, on est à deux doigts de passer à la trappe ; on gagne de deux points seulement (26-24). Contre la Géorgie, on fait un match très poussif, compliqué. On est bien tenu physiquement par les Géorgiens (victoire 24-12). Ces deux matches étaient très compliqués », confirme Arthur, le neveu du navigateur Thomas, lui aussi habitué à tenir la barre par temps de grands vents.

« Après ces deux premiers matches compliqués - où on n'a pas réussi à retrouver notre équipe du Tournoi qui jouait, qui se faisait plaisir, qui tentait des coups - on s'est retrouvé sur une plage, à Leucate, et là on s'est parlé. On s'est dit qu'on avait un quart de finale à jouer contre l'Afrique du Sud et que, vu le niveau de jeu qu'on mettait, si on continuait comme ça, ça ne passerait pas. On a décidé de tout lâcher, d'avoir confiance en nous. Et on a réussi à se lâcher contre les Sud-Af' (victoire 46-29 ; 36-7 à la pause). »

Ce moment où tout a basculé

C'est ce moment qui sera décisif pour la suite du championnat ; précisément « les dix premières minutes quand, clairement, on leur marche dessus, on va plus vite qu'eux, on a plus envie qu'eux », enchaîne Arthur Coville. « Là, clairement, on a redécouvert notre équipe que l'on avait au Tournoi des 6 Nations. On avait eu un début assez compliqué. Mais dès le match des Sud-Af on se disait qu'il ne pouvait pas nous arriver grand-chose. »

Après cette victoire 46-29 contre l'Afrique du Sud, la suite est connue : victoire en demie 16-7 contre la Nouvelle-Zélande, puis 33-25 contre l'Angleterre en finale. Ce qui a fonctionné dans cet incroyable parcours ? « Le jeu debout, faire vivre le ballon, se faire plaisir. On n'avait pas peur de tenter des choses et les coachs étaient très ouverts sur ce point. On jouait sans complexe sur le terrain », assure Arthur, 21 ans aujourd'hui.

Si certains de ses anciens coéquipiers repartent défendre le titre en Argentine, d'autres sont peut-être en passe de vivre un autre rêve : jouer la Coupe du Monde de Rugby au Japon à l'automne 2019. Ce qui pourrait être une réalité pour Romain Ntamack et Demba Bamba s'ils sont retenus par le coach Jacques Brunel.

« Ah oui, ce serait même une fierté pour toute l'équipe de voir des joueurs de notre équipe passer au niveau supérieur. Ça montre qu'il y avait du niveau chez les moins de 20 ans et j'espère qu'il y en aura d'autres par la suite ! », s'enthousiasme Arthur Coville.