Leidy Soto ne savait pas ce qu'était le rugby avant que son frère commence à y jouer à l'université. Le voir ainsi prendre autant de plaisir l'a convaincue d'essayer elle-même.

« Je me souviens de l'état dans lequel il revenait à la maison après l'entraînement ou après un match et comment il en parlait », se souvient-elle. « Il était tellement enthousiaste et tellement passionné par ça que je me suis dit que ce sport était quand même particulier. »

Avant de chausser elle-même les crampons, Soto a d'abord du chercher où elle pourrait jouer. Elle a grandi à Castille, dans la banlieue de Medellín, dans ce coin qui est « perçu comme très dangereux du fait des gangs, mais aussi à cause de la drogue et toute autre chose, surtout pour les jeunes ». Autant dire qu'il n'était pas conseillé qu'elle se rende sur le terrain de rugby local. Vraiment pas.

La révélation

Leidy Viviana Soto a été obligée d'attendre qu'un ami de l'école, un jour, lui montre le chemin d'un club et l'encourage à essayer. « Dès que j'ai trouvé, je me suis dit que c'était là que je devais m'entraîner », dit-elle.

Cette décision a été la bonne. Elle a commencé à s'entraîner encore et encore, sans relâche, jusqu'à ce que, deux ans plus tard, elle fasse partie de l'équipe nationale de Colombie qui a remporté l'or en rugby à 7 aux Central American and Caribbean Games à Barranquilla.

Plus tard cette année-là, elle s'est envolée pour les Jeux olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires où la Colombie a terminé au pied du podium. Par son expérience, Soto explique ce que signifie que d'avoir la possibilité de fuir la violence de Castille, mais aussi de combattre les préjugés dont souffrent les femmes en Colombie comme dans sa famille.

« Ça a été comme une libération, non seulement vis-à-vis des problèmes que je pouvais rencontrer dans mon quartier, mais aussi dans ma famille », admet-elle. « En fait, chez moi ils sont devenus très sexistes en affirmant que les femmes n'étaient bonnes qu'à cuisiner, qu'elles ne devaient pas faire ci ni faire ça. Pour moi, comme pour les autres filles du rugby, le rugby nous a donné la force de dire stop. Moi aussi je peux faire ci, moi aussi je peux faire ça et moi aussi je peux jouer au rugby. Le rugby nous a donné la faculté de nous défendre nous-mêmes. »

Le temps... d'aller faire le ménage après le match

Lorsque Leidy Viviana Soto a commencé à jouer au rugby, sa mère était inquiète du risque des blessures, des coupures et des bleus qu'elle pouvait avoir, jusqu'à ce que les victoires successives commencent à intéresser les sélectionneurs de l'équipe nationale.

« Ma mère voulait que je ne m'occupe pas de ce sport de garçon. Elle me rappelait que j'étais une fille et que je devais être plus féminine ; elle voulait que je laisse le rugby à mon frère », se rappelle Leidy. « Mais ils se sont un peu détendus lorsque j'ai commencé à jouer, à faire des tournois et à gagner. Mais leur perception n'a pas changé à cause de ça ! C'est juste qu'entre chaque match j'avais le temps de rentrer à la maison et de faire le ménage...

« Au début, c'était un peu difficile, mais ensuite ils se sont habitués et ont commencé à me soutenir. Ma mère a été un soutien précieux, quoiqu'on fasse. Mais ça a quand même été un choc quand elle m'a autorisé à faire ce que je voulais vraiment faire. »

Leidy Viviana Soto a souvent rencontré le succès dans les trois années qui ont suivi sa décision de saisir la balle ovale au bond et d'y aller à fond.

Toujours plus haut

Ses exploits aux Jeux olympiques de la Jeunesse en Argentine lui ont donné le goût d'aller encore plus loin sur la scène internationale du rugby avec la Colombie.

« Nous avons été un peu perdues face à la taille et à la morphologie des autres joueuses lorsque nous sommes arrivées », sourit-elle. « Ça ne nous a pas fait retomber sur terre, mais ça nous a fait prendre conscience que nous devions beaucoup nous améliorer. Il y avait un immense fossé à combler pour accéder au niveau supérieur. »

Leidy ambitionne de qualifier la Colombie aux Jeux olympiques de Tokyo en 2020, même si elle sait très bien que pour cela il faudra en passer par les qualifications régionales au Brésil et que « cela tiendrait du miracle ».

En attendant, le moment le plus fort de sa courte carrière de rugby reste cette médaille d'or obtenue aux Central American and Caribbean Games à Barranquilla et qui pendait à son cou à son retour à la maison en août 2018.

« Même si ce n'est pas aussi grand que les Jeux olympiques de la jeunesse ou d'autres événements du même type, pour moi c'était le plus grand des tournois. Pas seulement parce que nous avons remporté l'or, mais aussi parce que je pense que nous sommes restées constantes durant tout le tournoi, contrairement à d'autres. C'est le tournoi auquel je pense chaque fois que je pense à quelque chose qui me rende fière », dit-elle.

Encore un cap à franchir

Leydi rêve au temps où elle n'aura plus à expliquer à ses concitoyens que, non, le rugby et le football américain ne sont pas les mêmes sports. Mais pour elle cependant, ceci n'est pas la plus grande barrière à franchir.

« Le plus grand obstacle reste probablement la propre perception qu'ont les femmes d'elles-mêmes », assure-t-elle. « Elles craignent d'être considérées comme moins féminines et donc plus masculines si elles jouent au rugby.

« C'est presque cliché, mais c'est ce que tout le monde dit ici. J'espère quand même que de plus en plus de filles vont vouloir jouer au rugby d'une manière plus familière et plus naturelle et non pas en se demandant sans cesse : c'est quoi ce sport. »