De son propre aveu, Katie Sadleir a travaillé dans le sport pendant « très longtemps » avant que l’opportunité de rejoindre World Rugby ne se présente à elle.

Le souhait de se forger une carrière dans l’administration du sport a été suscité pour la première fois lors des compétitions néo-zélandaises de nage synchronisée aux Jeux olympiques de 1984.

Sadleir a ensuite été chef de mission adjointe aux Jeux du Commonwealth de 1994, puis directrice de la haute performance de Sport New Zealand, aidant cette nation des antipodes à obtenir un record de 18 médailles à Rio en 2016.

Cependant, en dehors d’un bref séjour de consultante auprès des Hurricanes en 2015, elle avait une expérience pratique minimale du rugby avant de s’installer à Dublin pour devenir directrice générale du rugby féminin il y a un peu moins de deux ans et demi.

« S'investir dans le rugby, sachant que je n'y est jamais joué, n'était pas naturel », admet-elle. Les gens n'ont pas forcément sauté de joie lorsque je suis arrivée. Ce n’était pas mon domaine, mais il s'agissait de remplir ma mission, écouter, écouter, écouter, apprendre, apprendre et comprendre ce que les gens font, ce qu’ils ont fait auparavant et comment nous pouvons créer une stratégie qui voit vraiment ce qu'il est possible de faire. »

Des contacts influents

Son initiation a commencé avant qu'elle ne quitte la Nouvelle-Zélande. Pauline Harrison, une ancienne dirigeante du Netball en Angleterre, a aidé Katie Sadleir à se mettre en contact avec Carol Isherwood et son réseau s’est développé pour inclure un certain nombre de femmes influentes dans le rugby, le football et le cricket.

« On m'a donné plusieurs noms, dont celui de Carol », explique-t-elle. « Lorsque vous arrivez, vous cherchez à avoir des repères. Donc moins d’un mois après mon arrivée ici, je savais qu'elle habitait à Londres, je lui ai envoyé un mot en disant : Pauline Harrison, de Nouvelle-Zélande, dit que je devrais vous contacter. 

« Je lui ai parlé et elle m’a donné elle aussi quelques noms. Et tout s'est enchaîné comme ça. Ce processus a révélé que de plus en plus de personnes étaient vraiment désireuses d’aider.

« Je suis juste animatrice d'un réseau, en quelque sorte. Par exemple, dans le domaine des partenariats commerciaux et de la communication, j’ai voulu mettre en place un comité consultatif car nous avions beaucoup à apprendre rapidement. J’ai donc rencontré les dirigeants des principales fédérations et je leur ai dit : Voilà ce que nous essayons de faire en termes de développement commercial et de marketing. Qui au sein de l’organisation pourrait aider ? »

Un agenda chargé pour y arriver

Katie Sadleir a également pu compter sur l'appui du président de World Rugby, Bill Beaumont, et du vice-président, Agustín Pichot, tous deux membres du comité consultatif des femmes présidé par Serge Simon, ainsi que d'un groupe consultatif interne composé de collègues directeurs généraux qu'elle a installé.

C’est ce réseau qui lui a permis de mettre en place un plan ambitieux sur sept ans pour les femmes, fin 2017. Ce plan vise à apporter aux femmes pratiquant le rugby une équité sur et hors du terrain à travers cinq volets : la participation, la haute performance, le leadership, l'engagement et l'investissement.

En un peu plus d’un an, des succès importants ont déjà été enregistrés : le nombre de joueuses licenciées a augmenté de 28% dans le monde, 17 sièges ont été attribués exclusivement à des femmes au Conseil de World Rugby et 24 bourses d’études ont été attribuées.

« Je pense que la plus grande réussite a été de voir comment le monde nous a accueillis », poursuit Katie Sadleir. « Nous nous sommes fixés des objectifs énormes ; c’est un programme ambitieux de changement.

« Ce qui est vraiment excitant, c’est la rapidité avec laquelle les nations de rugby non traditionnelles, qui ne sont pas impliquées dans le rugby depuis très longtemps, ont vraiment accéléré certaines de ces choses. Voyons ce qui se passe dans des pays comme l’Inde et l’Iran, en Malaisie et en Ouganda. Ils ont soif de succès et sont prêts à aller plus vite et ça, c’est vraiment excitant. »

SIMPLEMENT RUGBY

L’objectif ultime de Katie Sadleir et de World Rugby est d'arriver à gommer au maximum la distinction entre le rugby féminin et le rugby masculin afin que l’on ne parle plus que de « rugby », qu’il soit pratiqué par un homme ou par une femme.

« Dans le milieu aquatique dans lequel j'évoluais avant, lorsque l'on parle de la natation, on ne fait pas la différence entre sport masculin et sport féminin. Ça devrait être la même chose pour le rugby », affirme-t-elle.

« Lorsque nous arriverons à parler d'une seul et même sport, le rugby, quelle que soit la pratique, masculine ou féminine, alors ce sera une une véritable réussite. »

Même si elle reconnaît que « c'est terrible de dire ça », Katie Sadleir est consciente que si elle veut réaliser tout ce qu’elle compte faire avant 2025, avoir un comité consultatif féminin et une directrice générale en charge du rugby féminin à World Rugby serait à terme inutile. Et en fin de compte, c’est pourtant son objectif.

« Il faut arriver à un moment où l'on devient une organisation vraiment diversifiée sans avoir besoin d'avoir de comités de femmes, ni d’une directrice générale en charge du rugby féminin. Je me considère comme un agent du changement. J'espère que d'ici la fin de ce plan stratégique, il n'y en aura plus d'autre après moi », dit-elle.

Une seule et même stratégie

« On veut arriver au niveau où tout est totalement adopté et le processus de prise de décision prend en compte à la fois les femmes et les hommes. »

Dans une certaine mesure, cela se produit déjà. Alhambra Nievas est devenue responsable du développement des arbitres à World Rugby en septembre dernier et Katie Sadleir rappelle que les 17 femmes qui ont rejoint le Conseil ne sont « pas responsables du rugby féminin, elles sont responsables du rugby ».

C’est un domaine dans lequel elle espère que l’organe directeur mondial du rugby deviendra un leader mondial.

« Nous avons assisté à un bond significatif en deux ans, mais il reste encore beaucoup à faire en ce qui concerne les budgets que nous, les régions et les fédérations, nous nous engageons à débloquer pour développer le rugby », estime la directrice générale.

« Et il deviendra alors tout à fait normal que lorsque vous examinez votre budget, toutes les décisions que vous prenez concernent les femmes et les hommes, et non uniquement 's’il reste quelque chose'.

« Si je réussis dans ce rôle, ce sera la seule stratégie pour le rugby féminin. Cela fera simplement partie intégrante de la stratégie de World Rugby. »