Difficile situation que celle du XV de France après la deuxième journée du Tournoi des 6 Nations. Éteinte face au Pays de Galles en ouverture (19-24), puis laminée le week-end suivant en Angleterre (44-8) par six essais (dont un triplé de Johnny May en trente minutes) à un (Damian Penaud), l'équipe de France est plus que jamais en plein doute.

« On a pris une leçon de rugby à Twickenham », assène Didier Retière, le directeur technique national de la fédération française de rugby (FFR) qui décrypte pour World Rugby chaque match de l'équipe de France. « L'Angleterre, une équipe très en place, a fait ressortir toutes les lacunes de l'équipe. On est une équipe en doute de confiance, qui a du mal à se remettre positivement dans l'action et de faire en sorte que tous les joueurs soient impliqués en même temps dans le même projet. Il y en a qui attendent, d'autres qui essaient. C'est très compliqué. »

"L'enjeu est de recréer une cohésion de groupe, de s'assurer que tous les joueurs sélectionnés soient tous sur la même longueur d'onde et ce n'est peut-être pas forcément le cas..."

Didier Retière

Menés 30-8 à la pause, les Bleus n'ont rien pu montrer de probant sur la pelouse, comme au dehors. Les Anglais ont campé chez eux (61% de territorialité) mais n'ont pas eu le monopole du ballon (43% de possession). Ils ont en revanche été dominants en défense avec 29 plaquages offensifs (contre 13), 172 plaquages effectués (contre 126), quatre pénalités concédées (contre six)...

« Je veux bien penser que les Anglais sont plus en place et mieux préparés, mais ils ont aussi une confiance dans le groupe qui fait qu'à un moment on est plus actifs et plus engagés », assure Didier Retière. Le problème est clairement du côté de l'équipe de France qui en est maintenant à dix défaites en treize matches et à une dixième place mondiale, soit la même position qu'il y a un an.

Deux générations sur le terrain

« L'enjeu est de recréer une cohésion de groupe, de s'assurer que tous les joueurs sélectionnés soient tous sur la même longueur d'onde et ce n'est peut-être pas forcément le cas », craint Retière qui est trop subtil pour pointer du doigt les fautifs. « C'est difficile pour Jacques (Brunel, le sélectionneur, ndlr) aussi car il se rend compte que ses leaders sont en difficulté, que l'équipe n'est pas forcément derrière. Comment va-t-il pouvoir rebâtir un groupe et recréer une dynamique plus positive ? »

L'entrée des plus jeunes en seconde période a néanmoins apporté du positif : Thomas Ramos (41e), Antoine Dupont (47e), Romain Ntamack (47e), Gregory Aldritt (70e) entre autres, sans compter sur la présence du pilier champion du monde Bleuet, Demba Bamba. Ce qui a souvent donné l'impression d'avoir deux générations en même temps sur le terrain et deux façons différentes de réagir. « On a deux générations qui cohabitent et qui n'ont pas forcément les mêmes fonctionnements. Je pense que ça participe au fait d'avoir cette sensation d'avoir un manque de cohésion », admet Didier Retière.

Damian Penaud, Demba Bamba, Félix Lambey, Arthur Iturria, Pierre Bourgarit, Dorian Aldegueri, Paul Willemse, Grégory Alldritt, Romain Ntamack et Thomas Ramos – soit 43% de l'effectif tricolore devant faire face aux Anglais - ont tous moins de dix sélections et totalisaient à eux dix seulement 23 sélections avant le coup d'envoi. Paradoxalement, ce manque d'expérience est ce qui a donné le plus de satisfaction face à des joueurs plus expérimentés (voire plus usés?).

Miser sur les joueurs qui ont l'appétit

« Il faut que l'on rentre sur ce projet, que l'on fédère un groupe avec des joueurs qui ont la volonté, l'envie et l'énergie. Je pense que nous avons des joueurs qui se sont épuisés depuis des années et des années de porter cette équipe sur leurs épaules et ce n'est pas facile. Il faut rebooster un groupe et travailler avec eux », plaide Retière qui refuse de constituer un charter comme de faire venir un plein bus de Bleuets Champions du monde.

"Que le groupe soit performant ou non, mais qu'il soit au moins solidaire, c'est la base..."

Didier Retière

« Il ne faut pas non plus tomber dans l'excès, mais il faut s'interroger », s'agace-t-il. « Quels sont les joueurs qui ont à la fois l'appétit, la fraîcheur, l'implication, qui soient au service du collectif et qui vont avoir l'envie de rendre cette équipe performante ? On sent cet aspect plutôt du côté des jeunes. Mais on ne va pas lâcher les gamins tout seuls, même si on se rend bien compte que lorsqu'ils sont sur le terrain, on est rarement déçus. »

Le chantier qui s'ouvre à six mois de la Coupe du Monde de Rugby 2019 au Japon ne s'annonce pas facile. « On est en train de s'interroger, de faire le maximum pour que ça avance positivement. On a besoin de ce groupe. Qu'il soit performant ou non, mais qu'il soit au moins solidaire, c'est la base. On ne peut pas construire si les gens ne sont pas tous sur le même projet et je crois qu'on est dans cette situation-là... »

Le groupe pour l'Ecosse :

Dorian Aldegheri, Grégory Alldritt, Uini Atonio, Demba Bamba, Pierre Bourgarit, Yacouba Camara, Camille Chat, Guilhem Guirado, Arthur Iturria, Félix Lambey, Wenceslas Lauret, Louis Picamoles, Jefferson Poirot, Dany Priso, Fabien Sanconnie, Sébastien Vahaamahina, Paul Willemse, Mathieu Bastareaud, Anthony Belleau, Geoffrey Doumayrou, Antoine Dupont, Gaël Fickou, Wesley Fofana, Yoann Huget, Camille Lopez, Maxime Médard, Romain Ntamack, Morgan Parra, Damian Penaud, Thomas Ramos et Baptiste Serin.