La qualification du Canada pour la Coupe du Monde de Rugby 2019 au Japon n’a pas été un long fleuve tranquille, loin s’en faut. Mais pour l’entraîneur Kingsley Jones, il ne pouvait pas y avoir de meilleure expérience.

Apres avoir manqué le coche après un aller-retour contre l’Uruguay en éliminatoire de Amérique 2 un peu plus tôt dans l’année, les espoirs du Canada de figurer à  la Coupe du Monde de Rugby, ce qu’il a toujours fait depuis le premier tournoi en 1987, étaient réduits à remporter l’ultime repêchage au mois de novembre à Marseille.

On imagine aisément l’incroyable pression sur les épaules des Canadiens devant battre le Kenya, l’Allemagne et Hongkong pour se rendre au Japon.

Pour Kingsley Jones, qui a succédé à Mark Anscombe – le père de Gareth, le demi d’ouverture du Pays de Galles né en Nouvelle-Zélande – en septembre 2017, cette aventure a été incroyablement formatrice.

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Le meilleur moyen d’y arriver

« Ces 12 mois ont été complètement fous, je crois que j’ai fait le tour de la Terre plusieurs fois ! », sourit celui qui était entraîneur de la Russie lors de la Coupe du Monde de Rugby 2011. « Évidemment j’aurais bien aimé que l’on batte l’Uruguay car, en tant qu’entraîneur, vous voulez remporter chaque match, mais ça ne devait pas se passer comme ça.

« En tout cas, je m'étais toujours dit lorsque j’ai accepté le poste que le meilleur moyen d’y arriver pour nous, d’être compétitif à la Coupe du Monde de Rugby, c’était d’y parvenir par le repêchage car ça nous donnerait l’occasion de disputer trois gros matches en un temps très court et ensemble avec l’équipe qui ne va peut-être pas avoir la chance de jouer ensemble avant le mois de juillet.

« Ça nous a aussi donné une chance de remporter quelque chose ensemble et de nous construire en tant qu’équipe. J’espère que ça nous durera longtemps et que ça nous aidera à aller de l’avant.

« Nous sommes sur une bonne dynamique en ce moment. On a battu les Tonga (lors du dernier match de l’Americas Pacific Challenge, ndlr), on a gagné nos deux matches de préparation et nos trois matches du repêchage. On commence à avoir l’habitude de gagner. Maintenant, nous allons affronter l’Uruguay, le Brésil et le Chili (dans le cadre de l’Americas Rugby Championship,  ndlr) avec une chance de remporter six matches de suite. »

La formule magique

Créer une équipe solide et cohérente composée de joueurs évoluant en pro a l’étranger et de joueurs amateurs au Canada, a toujours été un défi de taille pour le pays. Mais Kingsley Jones semble avoir trouvé la formule magique et le doit notamment au soutien apporté par la fédération Rugby Canada ainsi que par les provinces.

Un programme d’encadrement financé a permis à 18 joueurs de s’entraîner à temps plein dans un cadre semi-professionnel au centre national à Langford entre 12h et 18h, quatre jours par semaine, tout en continuant à travailler ou à étudier.

« La chose la plus importante que nous ayons construit, c’est une culture d’équipe », detaille Kingsley Jones. « Nous avons une demi-douzaine de joueurs qui jouent au plus haut niveau et les autres gars qui les regardent jouer à la TV et qui en pincent pour eux. Les amener à devenir une équipe, à comuniquer d’égal à égal est un vrai challenge et je crois que le programme d’encadrement a vraiment été bénéfique pour ça.

« Les joueurs qui sont venus d’environnement différents ont vu les Kyle Baillie et autres Matt Heaton s’entraîner autant qu’eux, aussi dur qu’eux, être aussi en forme qu’eux, jouer autant qu’eux.

« Kyle et les autres comme Djustice Sears-Duru ont quitté l’Angleterre pour revenir s'engager dans le programme et ça a beaucoup contribué à notre qualification. Vous avez besoin de compétition pour gagner votre place et pour pouvoir sélectionner des joueurs en forme et pas seulement parce qu’ils sont en contrat pro.

« Le programme encadré a été soutenu par Rugby Canada et toutes les provinces qui ont abondé pour que tout se réalise et ça a payé ! »

Sous la pression

Kingsley Jones est convaincu que si ses joueurs ont pu gérer la pression qui reposait sur leurs épaules à Marseille, rien ne pourra plus les atteindre à l’avenir.

« Vous ne pouvez pas ignorer qu’une place à la Coupe du Monde de Rugby représente 10 millions de dollars pour Rugby Canada, donc il y avait beaucoup d’enjeu », relève l’entraîneur gallois.

« Je ne pense pas que ce groupe ressentira autant de pression à l’avenir qu’ils en ont ressenti pour ces trois matches. Je pense que les joueurs ont été exceptionnels, qu’ils ont fait face, en particulier les leaders, quand ils le devaient. »

Meme si Jones reconnaît que le repêchage a apporté une expérience exceptionnelle à son équipe, il espère néanmoins que la qualification pour la RWC 2023 en France sera plus directe.

La victoire au repêchage a placé le Canada dans la Poule B avec la Nouvelle-Zelande, l’Afrique du Sud, l’Italie et la Namibie. Une troisième place de poule leur garantirait une place automatiquement pour France 2023.

« Soyons réalistes avec ça… Nous avons une chance de remporter deux matches, mais pour cela nous devons jouer à notre meilleur niveau, nous devons pouvoir compter un peu sur un facteur chance et beaucoup sur des joueurs en forme.

« Tout l’enjeu est de nous qualifier pour la Coupe du Monde de Rugby 2023 et la meilleure chance d'y parvenir sera de le faire en septembre et octobre 2019 ! »