Imaginons un instant Pierre Gony, le fondateur/directeur de l'association Terres en Mêlées que World Rugby soutient à travers son programme Spirit of Rugby. Il arrive en pirogue dans le village d’Antsepoka, sur la Côte Saphir, au Sud-Ouest de Madagascar. Dans ses bras, un ballon en forme d’œuf. Dans sa tête, l'ambition de transmettre les valeurs humaines et universelles du rugby à un peuple reculé. C'est le point de départ du film-documentaire événement « La jeune fille et le ballon ovale » qui raconte le destin incroyable d'une jeune-fille mère de 16 ans qui s'est émancipée grâce au rugby.

« Nous avions toute la matière et nous savions qu'en emmenant la caméra là-bas, on toucherait à la réalité, même si ça pourrait ressembler à une fiction tellement que c'est exceptionnel », explique Pierre Gony qui, grâce au réalisateur Christophe Vindis - son ami de 20 ans lui aussi originaire de Toulouse - a réussi à réaliser le film. « On a travaillé pendant plus d'un an ensemble. On a trouvé une boîte de production, les Docs du Nord, et nous sommes allés voir France Ô avec un dossier. Ils ont été immédiatement séduits. »

A tel point que lors de sa rentrée en septembre 2017, France Ô l'a placé en tête de ses rendez-vous incontournables cette saison. Ce sera donc le 14 janvier que le film sera diffusé pour la première fois. Une version anglaise est actuellement en production afin de donner encore plus d'écho à cette belle initiative menée par l'association Terres en Mêlées.

Le rugby a changé leur vie

Mais au-delà de l'histoire de Marcelia, c'est une véritable révolution qui s'est progressivement mise en place. Et tout ça autour d'un ballon de rugby.

« Le rugby a totalement bouleversé la vie quotidienne dans ce village », confirme Gony. « Les gens, des pêcheurs pour la plupart, n'avaient pas d'activité l'après-midi ; ils ne faisaient rien. En 2014, j'ai fait une formation là-bas, j'ai initié des jeunes et j'ai laissé cinq ballons. Là-bas il n'y a pas de blancs, il n'y a pas de rugby et je voulais voir un an plus tard si le rugby pouvait avoir une incidence positive et qu'est-ce que ça allait changer dans leur quotidien.

"Dans mon cas, ce n'est pas le blanc qui te fait un cadeau, mais le blanc qui te fait une passe. Il y a une question de jeu et d'échanges inter-culturels."

Pierre Gony

« Je suis revenu un an plus tard et j'ai passé un mois chez eux. Les jeunes sont partis initier les jeunes des villages d'à-côté au rugby. Des cinq ballons, ils en ont passé quatre dans les villages autour, ce qui fait que le week-end ils partaient à pied ou en pirogue à la rencontre des autres villages pour faire des tournois. Et le plus beau dans tout ça ,c'est qu'au lieu de défendre leur village, ils chantent le nom du village voisin tellement ils sont contents d'aller chez l'autre. Ça contraste complètement avec notre culture rugby ! Ils n'ont pas été influencés par l'idée de compétition. Pour eux, c'est avant tout un moyen de rencontre. Et de liens intercommunautaires. »

Pierre Gony aime à raconter que, où que l'on se rende dans le monde avec une balle de rugby, c'est la passe, donc la transmission, le premier geste accompli. « Et ça casse tous les stéréotypes, tous les préjugés ! », assure Pierre Gony. "Dans mon cas, ce n'est pas le blanc qui te fait un cadeau, mais le blanc qui te fait une passe. Il y a une question de jeu et d'échanges inter-culturels. Là-bas, le ballon de football ne peut rien faire car il ne peut pas rouler dans le sable. Notre ballon de rugby est absolument génial. Comme tu as une mobilité réduite, ce ballon tu le passes de main en main et quand tu plaques, tu ne fais pas mal. »

Le film « La jeune fille et le ballon ovale » raconte cette histoire et ses conséquences. Aujourd'hui, le rugby est le premier sport pratiqué à Madagascar.

Photos Christophe Vindis