Le commentateur et ancien international français de Rugby à 7 Jean-Baptiste Gobelet revient en exclusivité pour World Rugby sur les 7 points à retenir du tournoi de Paris qui a vu l'Afrique du Sud remporter son cinquième titre de la saison face aux Écossais et la France terminer à la 7e place (11e du classement général).

1. La domination de l'Afrique du Sud

« Malgré les absences sur le terrain, l'Afrique du Sud a réussi à élever son niveau de jeu et n'est pas tombée dans la fin de saison, même si elle était presque assurée de gagner les World Series. Ils avaient vraiment envie de réaliser une performance sur le tournoi de Paris car c'est un des tournois avec Hongkong qu'ils n'ont jamais gagnés. Ils voulaient vraiment gagner ce Paris Sevens et surtout gagner le plus tôt possible ce World Series pour ne pas laisser la chance aux Fidji de pouvoir revenir, même si avec 20 points d'écart c'était impossible.

« C'était une équipe très efficace notamment pour les ballons récupérés sur turnover. Ils ont récupéré 16 ballons sur turnover, ce qui est incroyable comparé aux autres équipes. Ils n'en ont perdu que six. Ça montre toute la qualité défensive des Sud-Africains qui ont dominé outrageusement le World Series. Cette victoire est amplement méritée.

« C'est la première fois qu'ils sont champions ; c'est historique pour eux. Les départs de Senatla ou Kwagga Smith ont également permis de trouver des suppléants et de performer. Il y a beaucoup de profondeur et le réservoir est immense. Le titre est bienvenue grâce à leur stabilité et la formation qu'ils ont mis en place depuis plusieurs années. Le réalisme est côté sud-africain. »

2. La force du collectif écossais

« L'équipe d'Ecosse ne faiblit pas, même s'il y a eu un coup de moins bien sur les tournois de Las Vegas (12e place) et Vancouver (13e place) du fait notamment des terrains trop étroits qui ne sont pas fait pour leur système de jeu collectif basé sur la prise de largeur et la zone de non ruck.

« Leur coach (Calum MacRae, ndlr) a réussi à faire une transition intéressante avec de nouveaux joueurs qui sont arrivés comme George Horne (5e tournoi seulement, ndlr). Il est très agréable à voir jouer comme Mark Robertson, Scott Wight… Beaucoup de joueurs ont pesé sur le collectif écossais.

« Leur force passe par leur collectif et non pas des coups de génie individuels. Tous les joueurs savent jouer ensemble et connaissent les moments de danger. Ils savent gérer les temps forts et les temps faibles. Sur le très haut niveau, c'est ça qui fait la différence : renvoyer la balle au large ou passer au contact. C'est toute l'intelligence tactique des Écossais qui fait la différence. »

3. Les Samoa montent en puissance

« Les Samoans n'ont pas la même équipe du début de saison et il leur manque toujours des créateurs de milieu de terrain. Par contre, ils ont trouvé quelques bulldozers sur la zone de contact. Certains joueurs ont vraiment impressionné sur leur puissance comme Tofatu Solia qui a été très performant.

« Les Samoa n'étaient pas loin de leur niveau ; ils montent en puissance. La fin de saison va être tambour battant. On repart sur un cycle. Les Samoans sont 13e mondial et ce n'est pas vraiment leur place. Je pense que l'année prochaine ils seront sur un autre volet.

« Leur entraîneur Gordon Tietjens commence à revenir sur un style de jeu qui est similaire à ce que les All Blacks faisaient il y a quatre-cinq ans, avec beaucoup de mouvement, de passes et de prises d'espace malgré des gabarits très physiques. Il espère que le nouveau mode de fonctionnement va leur permettre d'associer puissance et vitesse sur les extérieurs. Je ne vois pas Tietjens revenir sur du Top 10 ou du Top 12 ; il n'est pas venu pour ça.

4. Le succès du Paris7s

« Il y a eu un gros engouement surtout axé sur le digital, ce qui a permis de remplir le stade (37 000 spectateurs sur deux jours, ndlr), même si ce n'était pas forcément gagné. Il y avait beaucoup d'attente et ils ont réussi à organiser le tournoi en cinq mois seulement. L'événement était quasiment parfait en enlevant le thème des pirates et en faisant quelque chose d'un peu plus glamour, plus parisien, qui plaît aussi bien à un public national qu'international.

« On peut attribuer le succès à un post-Rio où le rugby à 7 a été largement médiatisé chez les filles et chez les garçons. C'est d'ailleurs dommage de n'avoir pas eu les filles au Paris7s. Mais l'impact à Rio a permis à beaucoup de personnes de découvrir ce sport et de venir au stade. Le rugby à 7 est en train d'évoluer et tant mieux.

« Tout le monde est très heureux du tournoi de Paris, même s'il y a encore un peu de travail à faire pour que le Paris7s devienne un des meilleurs tournois du World Series. Pour l'instant, c'est réussi en termes de remplissage et de succès. Il faut travailler pour que ça devienne un rendez-vous incontournable du World Series.

5. Les Fidji en quête d'une nouvelle rigueur

« Les Fidji (8e au Paris7s, ndlr) ont toujours ces gros problèmes de discipline qu'ils avaient déjà en début de saison. On retombe dans l'ère d'avant Ben Ryan. Ils ont aussi perdu quelques bons joueurs qui ont signé dans des clubs de rugby à XIII et de rugby à XV. Il leur faut trouver une rigueur qu'apportait Ben Ryan et que Gareth Baber (leur nouvel entraîneur, ndlr) doit apporter.

« Je pense qu'il est temps pour l'équipe d'être plus constant et de retrouver l'envie des années précédentes, de redescendre du nuage olympique, même si ils sont toujours dans le Top 3 mondial. C'est l'année post-olympique, donc le relâchement est compréhensible. Il y aura beaucoup d'attente sur la deuxième année de Baber avec la Coupe du Monde en ligne de mire (en juillet 2018 à San Francisco, ndlr). Ça fait longtemps que les Fidji n'ont pas remporté une Coupe du Monde car c'était les Gallois en 2009 et la Nouvelle-Zélande en 2013. Ça va faire presque dix ans que les Fidji n'ont pas gagné la Coupe du Monde, même s'ils sont champions olympiques. On va beaucoup attendre d'eux en 2018. »

6. La culture Sevens prend forme en France

« Tout le monde a joué le jeu, les joueurs du Top 14 sont venus faire la fête (le Stade Français a effectué un tour d'honneur en deuxième journée pour célébrer son titre de Champion d'Europe qu'il a remporté deux jours avant contre Gloucester en finale de Challenge Cup 25-17, ndlr). On voit que la culture Sevens prend forme, que l'ambiance du World Series commence à arriver sur le Paris7s. La première année, on ne vient pas déguisés, la deuxième année on vient avec un petit accessoire et la troisième année on viendra déguisé. A travers ces images-là, on voit que l'on passe du bon temps.

« Beaucoup de personnes sont venues voir du 7 en live et beaucoup sont venus voir du 7 tout court, pour découvrir la discipline.

« Frédéric Michalak a découvert le 7 en live sur le World Series et il a adoré. Il connaissait un peu le 7 par rapport à son expérience en Afrique du Sud et il a adoré le principe de ce jeu de mouvement. Fred aurait adoré jouer à ce sport-là car on connait ses qualités de créateur. Il aurait été époustouflant dans ce rôle-là. »

7. La France a rempli son contrat

« L'équipe de France a été sur la même lignée que l'ensemble de la saison, même si elle a réussi à faire son tournoi (une 7e place au final, ndlr). Je ne pense pas qu'elle aurait pu faire plus que ce qu'elle a fait. La 7e place, c'est la performance de la France sur l'ensemble de la saison. Ils sont à leur niveau entre la 11e et la 12e place mondiale. Ils ont réussi à faire une première journée où ils ont été solides mentalement. Ils lâchent contre les Anglais (24-7, ndlr) qui sont un ton au-dessus par rapport à leur niveau.

« La saison montre que face à de grosses nations, la France a du mal à dérouler son jeu. Le point qu'il faut mettre en avant, c'est le manque de réalisme des Français. C'est l'équipe qui a perdu le plus de ballons dans la zone des 22 mètres sur le tournoi de Paris. Ils ont perdu 8 ballons, soit un ratio de 62%, c'est le plus bas du tournoi. On ne peut pas se permettre de perdre autant de ballons proche des 22 mètres. C'est là le point noir côté français, ce réalisme en bout de ligne.

« Malheureusement le banc n'est pas assez utilisé côté français, ce qui peut poser des problèmes sur la fraîcheur. Un joueur comme Vakatawa en difficulté sur l'ensemble du tournoi, n'a pas eu la préparation adéquate. Le faire enchaîner les matches d'entrée était délicat. Specman, après une blessure, est ménagé mais garde son rôle d'impact player qu'il avait avant en rentrant sur les fins de matches pour faire la différence. Vakatawa est sur le même profil que lui en termes d'impact player, plutôt que d'essayer de faire en entier à 70% de ses capacités. Il faut l'avoir à 100% sur les quatre dernières minutes.

« Jean-Pascal Barraque a réussi à être le meilleur joueur dans l'équipe du tournoi. Quand on y pense, un mec comme Barraque était dans le même profil que Jean-Teiva Jacquelain il y a un an ; il jouait une ou deux minutes sur le tournoi de Paris ou de Londres et est le joueur numéro 1 sur la saison. Il faut faire jouer les joueurs, leur donner du temps de jeu. »