Steeve Barry n'aura pas eu la chance de Damien Cler. Pour ses adieux au rugby à 7 et au haut niveau (il va ouvrir un Colombus Café à Agen), Damien a eu droit à une entrée privilégiée sur le terrain du Deodoro Stadium pour le dernier match de l'équipe de France aux jeux Olympiques face à l'Australie. Steeve, lui, n'a pas été aligné malgré sa décision de mettre fin à quatre années denses consacrées au rugby à 7. Une fin en eau de boudin. Une aventure terminée par une septième place au tournoi olympique alors que l'équipe de France 7 « espérait vraiment réussir à faire un coup » et repartir avec une médaille autour du cou.

« Après il ne faut pas avoir de regrets ; c'est plus la fin que je n'ai pas aimé, la façon de sortir. Mais c'est personnel et je n'en parlerais pas. Je n'ai pas eu la chance de jouer mes deux derniers matches à 7, surtout devant ma famille », confie Steeve Barry. Discret et pudique, il n'en dira pas plus.

Leçon d'humilité

De ce tournoi, clou de sa carrière à 7, il gardera un choc des émotions. « On en a pris plein les yeux pendant dix jours », dit-il. « On a l'habitude d'avoir notre petit cocon rugbystique et là de partager avec tous les Français, de rencontrer plein de gens rien qu'au self, tu te rends compte que tu n'es pas le centre de la terre, qu'il y a beaucoup de sports différents, beaucoup d'athlètes qui se préparent tous aussi fort que toi pour briller dans leur discipline. C'est incroyable toute cette fourmillière. Tant que tu ne l'as pas vécu, tu ne peux pas t'imaginer. C'est plutôt bon pour la performance. »

"On a l'habitude d'avoir notre petit cocon rugbystique et là de partager avec tous les Français, de rencontrer plein de gens rien qu'au self, tu te rends compte que tu n'es pas le centre de la terre."

Steeve Barry

L'équipe avait choisi de s'installer relativement tôt au Brésil, pour évacuer tout ce côté émotionnel lié à la grandeur des Jeux. Pari gagnant pour des joueurs qui ont eu le temps de prendre leurs marques. « Après, quand tu es dans le tournoi, c'est un tournoi comme un autre : tu fais ta prépa, tu vas jouer des matches, tu fais l'échauffement... C'est juste l'enjeu qui est autour avec la pression que tu te mets. Mais une fois sur le terrain, tu te donnes toujours à 500% », dit-il.

La fessée contre les Blitzboks et les Japonais

A 500%, les Français y étaient dès le premier match contre les Australiens. Rencontre remportée 31-14. « On avait vraiment fait un gros point sur les Australiens », raconte Steeve Barry. « Pour nous, c'était LE match à gagner. On savait que si on gagnait deux matches on était potentiellement qualifiés. Ce premier match était très important et on a réussi à bien le gérer. Mais ensuite contre l'Afrique du Sud on a marqué un peu le pas (défaite 26-0, ndlr). On s'est fait dominer physiquement, surtout dans les rucks. On n'a pas su répondre dans le combat ; on a pris la fessée. Et le lendemain, on savait qu'il fallait réussir à battre l'équipe d'Espagne qui avait fait de belles choses la veille, pour la qualification. Après, on croise avec les Japonais qui font un très bon tournoi et on n'arrive pas à enfoncer le clou. »

C'est ce quart de finale perdu 12-7 dans les dernières secondes de la rencontre qui laissera les Bleus dans la plus complète désillusion. « On n'a pas été très bons dans la gestion et on n'a pas réussi à s'enlever de leur pression. En plus il a plu et ça changeait un peu du 7 habituel : occupation, plus de jeu au pied... Il fallait jouer dans leur camp et on n'a jamais réussi à sortir du notre. Et à la fin ils ont réussi à renverser. C'est un match qui nous laisse un peu amer car ils scorent dans les dix dernières secondes et ça ne nous permet pas de revenir. Par rapport aux résultats sur l'ensemble de l'année, on avait le quart le plus ouvert. Ceci dit, il ne faut rien enlever à la performance des Japonais qui ont fait un très gros tournoi, qui battent les Blacks (12-14, ndlr) et qui perdent sur une transformation contre l'Angleterre (21-19, ndlr) qui termine deuxième (médaille d'argent, ndlr). »

Un goût amer à effacer

Ce quart perdu, signe la fin de l'aventure malgré les deux autres matches de classement qu'il reste à assurer, face à la Nouvelle-Zélande puis une nouvelle fois devant l'Australie. « C'est la fin d'un rêve, ça s'envole. A ce moment-là, tu es très dégoûté, tu te dis que t'as travaillé pendant quatre ans pour ça », reconnaît aujourd'hui Steeve Barry. « Tant que tu es dans la compétition, même si tu perds comme contre l'Afrique du Sud, tu as la niaque, tu te dis que ce n'est pas fini. Mais là, on s'est dit que c'était fini. Quoique tu fasses, tu n'auras pas de médaille. On ressort très frustré, très déçu, personnellement mais aussi pour ma famille qui avait fait le déplacement. D'autant que ça faisait quatre ans que je préparais ; quatre ans que je suis au 7. »

De retour aux vestiaires, les regards fixent le sol. « Il n'y a pas eu de grands coups de gueule », affirme Barry. « Après, le manager et certains joueurs ont essayé de faire relever la tête aux types. Julien (Candelon, ndlr) nous a rappelé qu'il y avait encore deux matches, qu'il n'y avait pas non plus mort d'homme, que c'était du sport et qu'il ne fallait pas s'arrêter là. Il a été très bon là-dessus et son expérience nous a fait du bien ; ça nous a permis de nous sortir la tête des chaussettes, même si le goût amer est resté deux ou trois jours. On ne l'a pas oublié d'un coup. »

Nouvelle adaptation à XV

A l'image de Stephen Parez, impassible et fermé malgré son doublé devant les Blacks qui finalement l'emportent 24-19 en demi-finale pour la 5e place, il est difficile pour cette équipe de se remobiliser. Certains partent vite (Guitoune, Barry...), d'autres restent (Lakafia...) jusqu'à la fin des Jeux. « J'avais envie de rentrer, de passer à autre chose, de me retirer ce petit goût amer », admet Steeve Barry, trop content d'arriver en France où son club de La Rochelle l'attend pour la nouvelle saison.

Même s'il faudra encore du temps pour gommer ce souvenir, Barry s'est pleinement investi avec son club formateur depuis son retour en France. « La première semaine, je découvre un peu ; je manque un peu de repères à XV. C'est un jeu plus structuré avec des rôles plus répartis. A 7, il faut savoir un peu tout faire, t'as moins de couverture, de jeu au pied. Là, je prends un peu mes marques, je suis un peu perdu. Même la prépa physique n'est pas tout à fait la même ; on a un peu moins de course, on fait beaucoup plus de muscu. Je m'adapte. »

"Je ne regrette pas mes choix d'avoir choisi le 7 il y a quatre ans lorsque tout le monde me disait que j'étais fou. Je suis très content d'avoir fait ça. Si je devais le refaire, je le referais."

Steeve Barry

Pour la deuxième journée de Top 14 face à Grenoble, Barry était titulaire à l'aile droite. Aucun essai à la clé, mais un match complet et une belle performance qui s'est soldée par une victoire des Maritimes 19-22.

Le week-end suivant, plus à l'aise et toujours à l'aile (gauche cette fois), Barry s'offrait un essai (54e) digne du 7 dans cette deuxième victoire d'affilée à l'extérieur, face à Castres 26-18, permettant à son équipe de s'arroger la première place provisoire du Top 14 (à égalité avec Brive) au terme de la troisième journée !

En parallèle, Steeve a repris ses études. Après avoir obtenu l'an passé une Licence de Commerce, le voilà en formation de kiné. Changement complet à tous les niveaux : du 7 au XV, du commerce au médical, la rentrée est différente. « Je ne regrette pas mes choix d'avoir choisi le 7 il y a quatre ans lorsque tout le monde me disait que j'étais fou », assume Steeve Barry, 25 ans. « Je suis très content d'avoir fait ça. Si je devais le refaire, je le referais. Si le club (la Rochelle, ndlr) n'y voit pas d'inconvénient, ça m'intéresserait d'y retourner. A Tokyo ? Potentiellement pourquoi pas. Si c'est possible, je ne refuserais jamais une sélection. Après avoir goûté les Jeux de 2016, faire 2020 serait génial. »