La Tunisie a-t-elle une chance de décrocher son billet pour les Jeux Olympiques de Rio ? Les 25 et 26 juin, l'équipe féminine de rugby à 7 participera au tournoi de repêchage avec quinze autres équipes à Dublin.

Le tirage au sort effectué à Monaco par la Princesse Charlene au lendemain du tournoi de Clermont-Ferrand, dernière étape des HSBC World Rugby Women's Sevens Series, a versé la Tunisie dans la Poule B avec l'Espagne – l'une des équipes favorites – le Mexique et le Venezuela.

"Pendant près de 10 ans, le rugby tunisien a été au top pour les féminines."

Mostafa Jelti

« Pendant près de 10 ans, le rugby tunisien a été au top pour les féminines, même s'il y a eu un ralentissement depuis un petit temps », observe Mostafa Jelti, officier régional de développement à Rugby Afrique. « Mais l'an passé, l'équipe est allée un mois aux Fidji pour préparer l'échéance de cette année. Elles ont fait plein d'autres stages, ont fait le tournoi de Rome. Je pense qu'elles sont prêtes. On est tous derrière elles. »

Un sport... pas pour les filles

Parmi les athlètes se trouve Inès Souissi, 28 ans tout juste. Originaire de Djerba, dans le Sud du pays, elle ne pratique le rugby à 7 que depuis 2013, lorsqu'elle a découvert ce sport alors qu'elle faisait ses études à l'université. « Au début je pensais que c'était un sport agressif, que pour les garçons, mais je ne connaissais pas les règles, c'est pour ça », dit-elle. « Pour moi, la femme et la fille tunisiennes ne peuvent pas le faire. Mais j'ai tout de suite été attirée. »

Inès l'insoumise a fait du rugby le choix d'une vie. Un choix qu'elle assume pleinement avec ses coéquipières. « La société pense qu'une fille doit être douce, fine, se marier et ne doit pas faire ce sport-là. Surtout pas jouer au rugby ! Je ne voulais pas être comme ça, et c'est pour ça que je me trouve là. J'ai jugé que je ferais ce sport et je le ferais », affirme-t-elle.

Inès a dû affronter le regard des autres, s'imposer pour faire accepter sa passion. « Je ne porte pas le voile. Je suis musulmane, mais je suis libre de porter le voile chez moi. C'est ma vie, je suis libre », dit-elle.

"La société pense qu'une fille doit être douce, fine, se marier et ne doit pas faire ce sport-là. Surtout pas jouer au rugby ! Je ne voulais pas être comme ça, et c'est pour ça que je me trouve là."

Inès Souissi

Confiance engrangée contre les Fidji

Educatrice en salle de sports, Inès a même pris un congé sabbatique pour relever le défi de l'année olympique. En août 2015, l'équipe nationale est partie aux Fidji en stage. Une expérience, si ce n'est fondatrice, au moins formatrice. « Ca nous a montré que si on veut, on peut », relève Inès. « On a joué contre les Fidjiennes et c'était difficile la première fois. Et puis on a su s'adapter et on a dépassé nos problèmes. On a même réussi à les battre ! Mais pas à tous les matches. On a joué contre des clubs et l'équipe nationale des Fidji. Grâce à ça, on a pu nous améliorer. »

Le chemin est encore long, mais la progression est visible. « Depuis un an on a pu progresser, déjà grâce à nous. On a l'envie. Mais tout ce travail, c'est grâce aussi à l'aide de notre préparateur, notre manager, notre entraîneur. Ils nous ont tous aidé à progresser. Aujourd'hui notre objectif est d'aller à Rio. Pourquoi pas ? », interroge la joueuse qui reste néanmoins lucide sur ses chances de se qualifier.

"Aujourd'hui notre objectif est d'aller à Rio. Pourquoi pas ?"

Inès Souissi

Une préparation spécifique pour le ramadan

Cette participation à un tel tournoi est une grande première pour ce sport qui tend à se développer au pays, même si la pratique féminine est encore confidentielle en Afrique du Nord. Au moins les filles ne souffrent pas de pression de la part de la population. « Les gens ne savent pas qu'il y a du rugby à 7 et encore moins qu'il y a une équipe féminine. C'est dommage. Mais il faut que l'on soit libres dans notre tête. Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à gérer le stress sur le terrain. C'est trop compliqué », sourit-elle.

La préparation n'a pas été de tout repos. Malgré une dernière place en tournoi préparatif à Tours dernièrement, les filles ont dû se plier à un programme d'entraînement particulier en cette période de ramadan. Dispensées d'entraînement le matin, les Tunisiennes doivent se confronter à la rudesse de la préparation avant le dîner et alterner entre plages de repos, efforts et alimentation une partie de la nuit.

Arrivées mardi 21 juin en Irlande, elles ne comptent pas faire de la figuration face aux autres équipes. « Bien sûr on a des petits problèmes, mais on les dépassera Inch'Allah et on essaiera de se qualifier », murmure Inès.