Ce mercredi 2 mars, un groupe de médecins et de professionnels de la santé a adressé une lettre ouverte au gouvernement britannique lui enjoignant d'interdire la pratique du plaquage au rugby dans les écoles. Ce groupe pointe le risque élevé de blessures graves pour les jeunes de moins de 18 ans qui jouent au rugby et appelle à développer plutôt le touch rugby ou le rugby sans contact qui est déjà une pratique très populaire avec près d'un millions d'enfants qui le pratiquent dans le monde entier.

Cette lettre, qui critique la volonté du gouvernement britannique de développer la pratique du rugby dans les écoles, arrive à un moment où l'inactivité physique est une cause plus répandue pour la mortalité que pour l'obésité. Un rapport a d'ailleurs prouvé qu'éradiquer l'inactivité physique en Europe permettrait de réduire le taux de mortalité de 7,5%. Alors que la sécurité des enfants est un point majeur du débat, il ne faudrait pas occulter les bienfaits apportés aux jeunes par la pratique d'un sport d'équipe.

A World Rugby, notre priorité numéro un est le bien-être et la santé des joueurs, ce qui implique entre autres les blessures à la tête. En tant qu'instance de gouvernance internationale, notre responsabilité est de réduire au maximum le risque dans notre sport. Nous sommes déterminés à faire du rugby un sport aussi sûr et agréable que possible pour toutes les tranches d'âge en respectant une préparation correcte et de bonnes pratiques de jeu, ainsi qu'en multipliant des campagnes de prévention sur les risques associés à l'un des sports les plus en vogue dans le monde aujourd'hui.

Nous maîtrisons aujourd'hui l'évolution du rugby. Nos protocoles, règlements et programmes éducatifs, menés par nos fédérations en collaboration avec nos experts indépendants, apportent toute l'aide nécessaire aux joueurs du monde entier. Les joueurs, les staffs médicaux et les managers n'ont jamais été aussi informés des risques de blessure et nous sommes déterminés à modifier nos approches culturelles face aux blessures à mesure que la science et les questions de société continuent à évoluer.

Une étude publiée en août 2015 a montré que même si les parents sont pleinement conscients des risques de blessures, les campagnes de sensibilisation sont essentielles puisque 47% d'entre eux affirment qu'ils sont aujourd'hui plus au courant des risques de blessure et de commotion cérébrale qu'il y a cinq ans. De même, 84% des parents estiment suffisantes les mesures prises par les écoles et les clubs sportifs afin d'éviter aux enfants de se blesser pendant la pratique d'un sport ou d'activité physique.

Le risque zéro n'existe pas, quoi que l'on fasse dans notre vie, mais un certain nombre d'idées reçues continuent à circuler à propos du rugby. Par exemple, 59% des parents interrogés pensent que le risque de blessure est plus élevé lorsque l'on pratique le rugby alors qu'ils ne sont que 30% à mettre en cause l'équitation ou le ski et 28% à évoquer le hockey sur glace.

Pourtant, comparé à d'autres sports, le rugby a l'un des taux de blessures les plus bas, malgré l'aspect physique du jeu. En réalité, la recherche a démontré que la pratique du rugby n'est pas plus risquée pour un enfant que n'importe quel autre sport : il n'y a aucune différence dans le nombre de blessures rapportées entre le rugby, le football, le futsall et le rugby à XIII pour les moins de 12 ans. La cause numéro un de blessure pour un enfant intervient dans le cas où la pratique d'une activité physique n'est pas encadrée. Le sport n'est responsable que d'une blessure à la tête sur six dans le cas d'une admission à l'hôpital.

Nous sommes en permanence en quête d'améliorations de nos pratiques favorisant le bien-être et la santé des joueurs à partir des avancées considérables faites en la matière. Une part importante de nos efforts est concentrée sur la recherche, l'établissement d'une base de données précises et la poursuite de débats et discussions rigoureux avec l'ensemble des parties prenantes dans le sport et des experts indépendants.

Toutefois, cet appel à l'interdiction des plaquages au rugby à l'école ne repose sur aucune preuve tangible et n'ajoute rien de plus à notre prise en compte des questions importantes liées à la santé et au bien-être du joueur. Il s'agit là d'une minorité qui ne reflète en rien le point de vue de millions de gens qui ont adopté le rugby sous toutes ses formes, y compris le plaquage. Comme l'a déclaré l'American Academy of Paediatrics (AAP) en 2015, même si la suppression du plaquage réduirait le risque de blessure des joueurs, cela changerait fondamentalement ce sport. Le travail que nous menons à World Rugby quant à la sécurité du joueur est largement plébiscité par le public. Il n'y a qu'à voir l'incroyable soutien que les joueurs et les parents nous ont apporté depuis que cet appel mal informé a été lancé pour interdire le plaquage au rugby à l'école.

Il est primordial de se rappeler les bienfaits que le rugby apporte, quelle que soit la tranche d'âge, que ce soit sur la prise de confiance en soi, l'estime et la discipline, le travail en équipe et l'exercice physique. Alors que la sécurité des enfants est au cœur du débat, il ne faudrait pas occulter l'importance que nous avons dans la lutte contre l'obésité et la multitude d'autres dangers qui sont associés à l'inactivité physique.

World Rugby n'est pas seulement une organisation ; c'est une communauté internationale. Une communauté composée de gens qui aiment le rugby. Nous sommes des joueurs, des arbitres, des entraîneurs, des formateurs, des supporters et des millions d'entre nous sont des parents. Et en tant que parents nous pensons que les garanties de sécurité sont en place et vont continuer à être améliorées, que les bienfaits apportés par le jeu dépassent largement les faibles risques de blessure.

Dr Andrew Murray, médecin généraliste et consultant en sports et en exercice de la médecine à l'université d’Édimbourg :

« L'inactivité physique est l'un des plus grands dangers de santé publique du XXIe siècle. Les statistiques montrent qu'environ 5,3 millions de personnes meurent chaque année d'inactivité physique, soit plus de 80 personnes chaque jour en Grande-Bretagne. Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour encourager les gens à pratiquer une activité physique ou sportive, mais aussi pour étudier comment nous devons rendre le sport le plus sûr possible. Interdire aux enfants de pratiquer cette forme de rugby est, de moins point de vue, contre-productif. Nous devrions plutôt nous concentrer sur l'amélioration de la sécurité sur le terrain, l'introduction de nouveaux systèmes d'évaluation des blessures tout en nous assurant que le message disant que le sport, et le rugby en particulier, apporte des bienfaits physiques et psychologiques soit entendu.

« La sécurité du joueur dans le rugby est d'une importance capitale. World Rugby et d'autres ont procédé à des changements dans les règles, ont mis en place des programmes de sensibilisation et de surveillance de blessures pour contribuer à rendre ce sport plus sûr. Nous devons être parfaitement clairs sur le fait qu'il y a des avantages importants à pratiquer une activité physique et sportive. Si vous passez d'une pratique assidue de votre canapé à la pratique d'une activité physique régulière, votre espérance de vie sera prolongée d'environ sept ans, vous serez plus heureux et moins sujets à divers désagréments tels qu'avoir du diabète de type 2, souffrir d'obésité, de risquer des attaques cardiaques, d'être sujets à la dépression et à la démence. Donc continuons de nous concentrer sur comment améliorer la sécurité dans le rugby comme dans d'autres sports et encourageons les gens à pratiquer le sport de leur choix. Mais renvoyer nos enfants à une pratique assidue du canapé n'est pas un remède aux blessures dans le sport. »

Dr Colin Michie, Royal College of Paediatrics and Child Health :

« Jusqu'à ce qu'on apporte une preuve indéniable que le rugby expose les jeunes à des risques plus importants que d'autres sports, l'interdiction est une erreur. Bien sûr il y a des dangers. Mais le risque bien plus important pour les enfants britanniques est qu'ils deviennent des jeunes physiquement inactifs que l'on aurait un mal fou à déconnecter de leur smartphone ou de leur télévision et qui seraient incapables de traverser un terrain et, encore pire, de jouer un match entier. »