La désignation de Kat Roche pour le match d'ouverture du Tournoi des Six Nations féminin 2024 apparaît à un moment particulier pour le rugby féminin alors que l’arbitrage se rapproche de plus en plus de ce que l’on voit sur les tests masculins.

Kat Roche prendra le sifflet au Mans samedi 23 mars, alors que la France accueillera l'Irlande au Stade Marie-Marvingt, désireuse de prendre le meilleur départ possible dans sa tentative de remporter un premier titre du Tournoi depuis 2018.

Ce sera la première fois que Kat arbitrera un test en France et la première fois qu'elle impliquera les Bleues, ce qui ajoute à son excitation.

L’horloge et le bunker seront actifs

Le Tournoi des Six Nations féminin de cette année comporte un certain nombre d'innovations, notamment l'introduction d'un shot clock (temps imparti) et du bunker de révision des fautes pour la première fois.

Ainsi, Roche et ses collègues officielles de match ont eu beaucoup à discuter lorsqu'elles se sont réunies à Londres pour une série d'ateliers tout au long de la semaine. L'Américaine, qui se prépare pour son troisième Tournoi des Six Nations féminin, sait que tous les regards seront tournés vers elle lorsque le tournoi commencera.

« Je pense que cela vient avec la conscience que tout ce que nous disons dans [les ateliers], je vais être le premier exemple à le lancer », explique-t-elle à World Rugby.

« Mais en fin de compte, ce n'est que du rugby et c'est juste un autre match. Je suis vraiment impatiente par l'opportunité et l'environnement.

« Je pense que ce sera un moment vraiment cool, vraiment spécial et je suis impatiente de le vivre. »

Roche concède ressentir une certaine nervosité lorsqu'il s'agira d’avoir recours au bunker pour la première fois, mais elle ajoute que le fait d'avoir vu le système en action dans le rugby masculin et de s'être préparée avec ses pairs lors des ateliers l'a aidée.

« Le jour du match, tout se fera naturellement », assure-t-elle.

Apprendre de ses erreurs

Il est facile d'oublier que Kat Roche n'a arbitré son premier match international qu'il y a moins de deux ans et demi, tant elle a progressé depuis qu'elle a pris en charge la rencontre des World Rugby Pacific Four Series entre les États-Unis et le Canada en novembre 2021.

Roche reconnait qu'elle a d'abord trouvé un peu impressionnant d'être la « nouvelle » de l’équipe lorsqu'elle a fait ses premiers pas dans le pool des officiels de match de World Rugby, mais elle a été accueillie à bras ouverts et est maintenant l'une des figures les plus expérimentées et les plus respectées.

L'Américaine a ajouté deux autres succès à son CV déjà impressionnant le mois dernier en arbitrant ses deux premières finales du HSBC SVNS, à Vancouver et à Los Angeles.

Elle pense que sa réussite en tant qu'arbitre provient de la prise de conscience qu'elle va faire des erreurs – « il faut savoir apprendre d'elles, il y a de la place pour s’améliorer ».

« J'ai arrêté de me focaliser sur la perfection et sur la pression de la finale parce que je trouve que c'est quelque chose qui affecte tous les arbitres », ajoute-t-elle.

« On se dit normalement : 'Bon, je veux aller en finale' et à la place, je me suis juste concentrée sur les matchs que j'arbitrais. Je me suis donc dit : 'Cool, premier match de poule. Vas-y, concentre-toi sur ce match, fais le bilan, comment tu peux t’améliorer dans le prochain match ?'.

« Et donc, dès que j'ai commencé à me concentrer sur un match après l'autre, je trouve que j'étais plus performante et comme ça je me mettais dans la possibilité d'être sélectionnée. Lorsque j'ai été sélectionnée pour ma première finale, je me souviens d'avoir pensé : 'Je dois être performante dans ce match. C'est [juste] un autre match’.

« Car c'est une chose d'être sélectionnée pour une finale et c’en est une autre de bien arbitrer une finale. Je pense qu’on l’oublie un peu trop souvent. »

Le fait que Kat Roche ait été sélectionnée pour deux finales consécutives du HSBC SVNS féminin suggère qu'elle a effectivement saisi sa chance à deux mains.

« Ça me donne confiance de savoir que je peux le faire et que si j'ai une mauvaise performance, ce n'est pas habituel », explique-t-elle.

« Tout le monde peut avoir une mauvaise performance de temps en temps, cela ne veut pas dire que je suis une mauvaise arbitre.

« Je sais que je suis une bonne arbitre, je me le suis prouvé à plusieurs reprises. Une mauvaise performance ne me définit pas. »

Rêves des sommets

Parlant de la transition entre l'arbitrage du rugby à sept et celui du XV, Roche raconte que ça l'aide dans son état d'esprit de « penser qu'il s'agit de deux sports différents ».

Mais deux sports différents où l'on demande souvent le même résultat à l'arbitre central, à savoir « laisser respirer, laisser le jeu se poursuivre ».

Sa capacité à passer d'un format à l'autre pourrait lui ouvrir bon nombre d’opportunités au cours des 18 prochains mois, avec les Jeux olympiques de Paris 2024 en juillet, suivis en août et septembre 2025 de la Coupe du Monde du Rugby Féminin en Angleterre.

« Je pense que c’est une éventualité réaliste, mais que ce soit à XV et à sept, j'essaie juste de me concentrer sur ce qui arrive juste après, pas au-delà », insiste-t-elle.

« Parce qu'on ne sait jamais, une blessure peut survenir, ou quelque chose qui échappe à mon contrôle.

« Alors, je me dis que j'ai ce match samedi, que je vais y aller et que si c'est ma dernière performance, je vais faire en sorte d'en être fière.

« Et si j'en obtiens un autre après ça, ce sera génial. Si ce n'est pas le cas, je me dirai : "Tu sais quoi, je suis contente d'avoir déjà fait ça ».

Cela dit, participer à une deuxième Coupe du Monde de Rugby, et à la première en tant qu'arbitre, ou faire ses débuts olympiques signifieraient tous deux énormément pour Kat Roche.

« J'ai toujours rêvé d'arbitrer une Coupe du monde », admet-elle. « J'ai été arbitre assistante lors de l'une d'entre elles, mais être réellement sur le terrain avec le sifflet pour arbitrer un match de Coupe du monde serait un rêve devenu réalité.

« Quand j'ai commencé en 2015, je crois que c'est ce que j'ai dit : ‘Je veux arbitrer une Coupe du monde’. Ce serait donc tout à fait extraordinaire.

‘Les Jeux olympiques ont été une prise de conscience [plus] récente que je pouvais y parvenir. Et je pense que les Jeux olympiques sont cool en tant qu'Américaine, parce que les Américains ne comprennent pas autant le rugby.

« Les Jeux olympiques ont cette capacité à marquer les esprits où l'on se dit : ‘J'arbitre aux Jeux olympiques’ et ils se disent : ‘Whoa, tu dois être géniale’ !

« Je pense que ça représenterait beaucoup plus pour tous ceux qui m'entourent, ma famille, mes amis. Surtout les gens qui savent à quel point je travaille ; ils pourraient être fiers de moi. »