Les filles de Madagascar ont eu les yeux pleins d’étoiles lorsqu’elles sont arrivées à Stellenbosch au début du mois d’avril. Grâce à une coopération entre Madagascar, la fédération sud-africaine de rugby et World Rugby, elles ont été accueillies avec leur staff dans l’antre du Sevens sud-africain à l’académie du rugby de Stellenbosch.

« L’accueil est super, on dispose des structures pour bien s’entraîner, c’est le top », répond à World Rugby, enthousiasmé, Zaka Ravelonanosy, préparateur physique et entraîneur adjoint de l’équipe. « En plus, la fédération sud-africaine a offert aux filles un kit d’entraînement, ce qui leur a vraiment boosté le moral. Car ce sont vraiment les équipements des Boks donné par le sponsor. Là, elles sont au ciel. »

Quelques jours avant de commencer, elles se sont même offert une confrontation contre la Thaïlande, histoire de revoir les détails et de corriger les petites scories de la préparation.

De quoi entamer dans les meilleures conditions possibles le World Rugby Sevens Challenger Series qui se jouera à partir du 20 au 22 avril au Markotter Stadium, à Stellenbosch justement. Le vainqueur du tournoi à douze équipes décrochera directement son billet pour figurer parmi l’élite du Sevens mondial, soit une place de titulaire sur la prochaine saison du HSBC World Rugby Sevens Series.

DANS LA POULE E AVEC L’AFRIQUE DU SUD

C’est ce qu’entend Zaka lorsqu’il parle du « Top 12 mondial ». « Laissons parler le terrain », avance-t-il, prudent. « Toutes les autres équipes travaillent aussi ardemment la compétition car il y a une place qualificative pour le Top 12. Je pense que tout le monde est très bien préparé, particulièrement l’Afrique du Sud, la Chine et la Colombie. Avec nous qui sommes allés à la Coupe du Monde, nous sommes quatre pays qui sont un tout petit peu favoris. Ça va être une belle bagarre. »

Pour autant, le staff tempère l’excitation en privilégiant la modestie avant tout. « On est en cours de progression, on apprendra toujours de ces tournois. Mais c’est la première fois qu’on a de très bonnes conditions pour nous préparer d’autant qu’en octobre on aura la qualification zone Afrique pour les JO et c’est vraiment le deuxième objectif de la saison. Ce serait formidable car ce serait la première fois qu’une équipe de sport collectif malgache serait qualifiée pour les Jeux olympiques. »

Au tirage au sort, Madagascar s’est retrouvé dans la Poule E en compagnie… de l’Afrique du Sud ! Une façon de les remercier de leur hospitalité ? « On était un peu surpris par le tirage au sort », rigole Zaka Ravelonanosy. « Mais de toute façon, il faudra rencontrer les meilleurs pour réussir quelque chose. »

Dans la poule, les Ladies Makis croiseront également le Mexique et la Tchéquie, deux équipes qu’elles joueront pour la toute première fois.

« On a vu une ou deux vidéos de match, mais c’est assez ancien. On s’attend à ce que ce soit dur. C’est ce que l’on fait toujours d’ailleurs : s’attendre à ce que ce soit dur et ne surtout pas sous-estimer les adversaires. Car ce n’est pas parce qu’elles n’ont pas participé à la Coupe du Monde qu’elles sont forcément plus faibles ! Il faut rester concentré sur ce qu’on a appris, sur ce qu’on sait faire et donner le meilleure de chacune.

« Il ne faut pas anticiper, nous restons humbles. Nous allons prendre match après match. Mais ce serait une grande opportunité pour les filles si elles pouvaient intégrer le top 12 », assure le préparateur physique.

S’APPUYER SUR L’EXPERIENCE DE LA RWC7S

Pour réussi ce défi, Madagascar a mis toutes les chances de son côté. Car en plus de ces quinze jours rêvés de préparation, le groupe a commencé à se réunir dès le mois de mars.

« Il y a eu trois à quatre entraînements par semaine pour commencer à entrer dedans. Nous avions un groupe de 25 et petit à petit nous avons filtré jusqu’au départ pour Stellenbosch. Aujourd’hui nous sommes 13, dont dix filles qui ont participé à la Coupe du Monde. Cette expérience est extrêmement précieuse. Nous comptons beaucoup sur elles pour apporter ce qui fera sans doute la différence », dit Zaka.

Cette Coupe du Monde a été une véritable découverte, mais aussi un sacré investissement de la part de toutes et tous. Et c’est avec une grande joie et beaucoup de fierté que les filles ont terminé avec une victoire, contre la Colombie (19-12) pour finir à la 15e place. Auparavant, elles s’étaient inclinées 48-0 devant l’Australie (en ouverture du tournoi), puis 0-12 face à l’Espagne et 5-36 face à la Chine.

« On a travaillé sur notre expérience de l’année dernière, on a revu les vidéos de tous les matchs, on a fait beaucoup de travail sur la défense, sur le mental. Comme les matchs durent 14 minutes, il faut être tout de suite dedans. Il faut aussi minimiser l’impact de la pression. On verra vite si ça porte ses fruits », insiste le manager. « Là, c’est une toute nouvelle compétition. Malgré la Coupe du Monde, on reste quand même assez méfiant sur ce qu’il peut se passer. »

Même si cette 15e place mondiale leur a apporté la reconnaissance de leur fédération et de leurs pairs, cette unique victoire dans le tournoi est passée relativement inaperçue dans le paysage médiatique local. Et pourtant, le rugby est une discipline qui semble avoir été façonnée pour elles.

« Nos points forts, c’est ce fameux don qu’elles ont ; elles sont naturellement douées pour le rugby », reconnaît le préparateur physique. « Elles voient des choses ; parfois même nous, staff, on est surpris car ça ne fait pas partie de ce qu’on a préparé. C’est ça un peu la force de ces filles.

« Elles ont un sacré mental et une belle cohésion. Elles arrivent toujours à nous surprendre. On travaille des choses assez basiques, mais sur l’impact on les laisse plutôt assez libres. Et elles arrivent à nous sortir quelques petits miracles. »

Alors que l’hiver austral commence à s’installer dans l’hémisphère sud, le moral de l’équipe est comme le soleil qui inonde Stellenbosch, au beau fixe. Sans préjuger de ce qui peut se passer dans les jours qui viennent – première manche du 20 au 22 avril et la deuxième du 28 au 30 – l’équipe a toutes les cartes en main. Aux filles de saisir les bonnes et de réussir.

« Je leur dis toujours : on n’a rien sans rien. Sans sacrifice, il n’y a pas de résultat », martèle Zaka Ravelonanosy. La force du sacrifice, les Ladies Makis savent ce que c’est. « Le rugby à Madagascar, ce sont des joueurs et joueuses aux origines modestes, voire très modestes. C’est pour cela que leurs familles ne pourront pas venir ici », glisse-t-on dans leur entourage.

Par leur détermination, les jeunes Malgaches auront à cœur de surprendre la communauté du rugby à sept et de prouver au monde entier qu’elles ont toute légitimité à jouer parmi les meilleurs au monde.