Tout a été très vite pour Gaëlle Mignot. Lorsque la talonneuse capitaine emblématique du XV de France féminin de 2010 à 2018 a décidé de mettre fin à sa carrière de joueuse à l’été 2021 au terme de 70 sélections, elle bascule tout de suite dans une autre dimension. Propulsée entraîneure du centre de formation des garçons pour son club de Montpellier, elle prépare en parallèle un diplôme de manager qu’elle obtient en juin 2022.

Cette bascule dans le monde du coaching coïncide avec l’ambition de la Fédération Française de Rugby de la faire progresser et c’est ainsi qu’elle se retrouve impliquée dans cette opportunité unique proposée par World Rugby, à savoir intégrer le programme de stages pour entraîneures de la Coupe du Monde de Rugby 2021.

Créé dans le cadre du plan stratégique 2017-25 Les Femmes dans le Rugby, le programme a été conçu pour accompagner World Rugby dans son objectif de former des dirigeantes exemplaires et d'atteindre son objectif minimum ambitieux de 40 % de femmes parmi les entraîneurs de la Coupe du Monde 2025. Gaëlle est alors amenée à travailler avec Whitney Hansen (Nouvelle-Zélande), Inge Visser (Australie), Maria Gallo (Canada), Lailanie Burnes (Fidji), Michela Tondinelli (Italie), Aya Nakajima (Japon), Claire Cruikshank (Écosse), Laurian Johannes-Hauptv (Afrique du Sud) ou encore Kate Daley (États-Unis), chacune étant intégrée dans son équipe respective.

Une formation ultra bénéfique qui permet à l’ancienne internationale tricolore, via des visio, d’échanger à distance avec des pointures du rugby féminin, « d’avoir un vrai échange de culture, de travail qui permet une réelle ouverture d'esprit », retient-elle.

Sur le Tournoi des Six nations, elle intervient initialement sur quelques ateliers et travaille avec le staff. Mais à quelques semaines de la RWC 2021, changement d’entraîneur avec l’arrivée de Thomas Darracq et Gaëlle gagne automatiquement des galons, en devenant entraîneure adjointe en charge des attitudes de contact et de la mêlée.

Arrivé en même temps, David Ortiz est chargé d’entraîner la touche et la défense des Bleues. Lui qui était jusqu’alors entraîneur des avants pour son club d’Agen, puis auparavant dans le staff des Bleuets, est encouragé à relever un défi de taille.

« Mon rêve, c'est surtout d'entraîner, d'entraîner le plus haut niveau possible », confie Gaëlle Mignot à World Rugby. « J’étais partie sur les garçons et déjà, pour moi, c'était un beau challenge. J’étais la première femme à entraîner des garçons ; j'ai entraîné les lanceurs de Montpellier, donc du Top 14. Et puis tout est arrivé très vite. Je ne me suis jamais dit que l'objectif prioritaire était d'entraîner l'équipe de France. Mais forcément, quand on est compétitrice, quand ça vous arrive, c'est tout naturel de dire oui. »

Pourtant, à l’issue de la Coupe du Monde et du départ soudain de Thomas Darracq, on lui propose le poste de co-entraîneur sélectionneur en binôme avec David Ortiz. « Finalement, le stage a été, entre guillemets, de courte durée car je suis vite rentrée dans le vif du sujet. Et voilà, Aujourd'hui, j'ai la chance de pouvoir avoir ce poste avec David, mettre en place un nouveau projet et puis de me lancer totalement dans l'aventure », sourit-elle.

« En plus du stage de World Rugby, ce qui m'a réellement donné confiance, c'est mon club de Montpellier qui m'a permis d'entraîner les garçons, qui m'a mis le pied à l'étrier. Et c'est vrai que j'ai cette confiance qui grandit de jour en jour. Et aujourd'hui, je pense que la fédération, quand elle vous propose un poste comme ça, ça marque une certaine confiance. Je pense que j'ai un beau défi à relever. Mais j'ai envie surtout de leur montrer qu'ils ne se sont pas trompés et que je peux apporter tout ce qu'il faut à l'équipe de France. »

PRENDRE DE CHACUN ET TRAVAILLER AVEC TOUT LE MONDE

Mignot-Ortiz, ce binôme, qui ne se connaissait pas avant la RWC2021 en Nouvelle-Zélande, a appris à se connaître, à vite trouver un équilibre et est aujourd’hui garant du projet. « On a réellement les mêmes valeurs et ça se passe très bien. Sur le management de l’équipe, on est vraiment à 50-50 », assure Gaëlle. « Après, sur la partie purement sportive, David va être responsable de la défense et de la touche. Moi, je vais être responsable des attitudes au contact de la mêlée. Donc on va garder en quelque sorte nos prérogatives qu'on avait à la Coupe du monde. Et moi j'ai rajouté le secteur offensif. On est les garants du projet. 

« Le fait d'être deux, ça permet de tempérer, ça permet de bien réfléchir les décisions, de bien les construire. C’est vraiment l'avis des deux qui est pris en compte. Il peut arriver des fois qu'on ne soit pas d'accord sur un sujet, mais chacun défend ses arguments, on pose le pour et le contre et on arrive à trouver un consensus qui fait qu'on pense qui est la meilleure solution possible pour l'équipe. C'est vrai que ce n'est pas courant d’avoir un binôme à la tête d'un projet. Mais aujourd'hui, je pense qu'on en est plutôt contents pour le moment. »

L’expérience de la Coupe du Monde de Rugby en Nouvelle-Zélande, où la France a terminé avec la médaille de bronze, a été importante dans la suite des évènements et dans la façon où Gaëlle envisage le nouveau projet sportif. Selon elle en effet, hors de question de ne pas mobiliser l’ensemble de la filière féminine. Il y a une évidence à faire travailler tous ses acteurs ensemble.

« Aujourd'hui, les académies travaillent très bien. Les jeunes sont de plus en plus tôt prêtes. Donc c'est important pour nous deux de s'appuyer sur ces personnes-là. On voit par exemple la Nouvelle-Zélande qui, pour la Coupe du Monde, a fait appel à ses filles du sept. Donc c'est important qu'on travaille tous main dans la main », insiste-t-elle.

« On a mis en place tous les mercredis une réunion hebdomadaire où on échange sur les joueuses, on échange sur les tournois, on échange aussi sur comment on vit la chose. Concernant le sept, elles ont des tournois très courts, mais très souvent. Nous, on vit plus longtemps ensemble. Donc on prend l'expérience de tout le monde et on se construit comme ça.

« On a aussi travaillé avec le XV de France masculin. La semaine dernière, on était en immersion avec eux, ce qui nous a permis de voir comment ils fonctionnent car ils en sont à la fin d'un projet avec la Coupe du Monde qui arrive. Nous, on est au début. Donc on aime avec David prendre un petit peu de chacun et travailler avec tout le monde. Aujourd'hui, on est conscient que c'est pas David et Gaëlle qui seront champions du monde, mais c'est la Fédération Française de Rugby et toutes les personnes qui la composent. Donc c'est important qu’on travaille avec eux. »