C’est une page qui se tourne pour le rugby féminin tricolore. Après 12 ans en équipe de France, que ce soit à XV (73 sélections depuis 2011) ou à VII (23), Jessy Trémoulière a annoncé le 12 mars : « j’arrête ma carrière internationale ». A 31 ans, elle fait le choix de sa vie professionnelle et de privilégier son métier d’agricultrice en reprenant l’exploitation familiale en polyculture élevage bio à Bournoncle-Saint-Pierre en Haute-Loire avec son père et son frère.

Mais avant, elle aura une dernière mission à accomplir : remporter le Tournoi des Six Nations féminin 2023, après une deuxième place frustrante en 2022 (derrière l’Angleterre d’Emily Scarratt). Cette semaine, Jessy se trouvait à Blagnac avec 35 autres joueuses pour préparer la première échéance, à sa voir le match contre l’Italie à Parme le 26 mars.

« Elle a un beau parcours derrière elle. On va lui offrir une belle sortie », a assuré la nouvelle capitaine du XV de France féminin Audrey Forlani, lors du lancement du Tournoi des Six Nations à Londres le 15 mars. Après Céline Férer, Laure Sansus, Marjorie Mayans et Safi N’Diaye, c’est une nouvelle cadre qui se retire des terrains internationaux.

« Ça va faire un petit manque car elles ont arrêté et elles ont fini sur une belle carrière aussi. Mais les filles qui vont être dans ce groupe et qui vont former cette équipe vont tout donner pour bien les remplacer », assure la capitaine.

UNE DECISION DIFFICILE A PRENDRE

Cette décision de ne plus poursuivre l’aventure en bleu n’a pas été simple à prendre tant l’arrière du XV de France féminin s’est investie dans le rugby depuis qu’elle a 16 ans, suivant les traces de son papa qui pratiquait également. Mais à la tête d’une exploitation de près de 300 hectares (céréales, prairie naturelle et trèfle) comptant 200 bêtes (dont une soixantaine de vaches laitières), elle reconnaît que la charge de travail est telle aujourd’hui – confrontée à la crise de l’énergie comme à la recherche de nouveaux débouchés – qu’elle se voit contrainte de faire un choix.

Preuve de son engagement dans le monde agricole, en avril prochain, elle recevra officiellement la médaille du Salon international de l’agriculture décernée à celles et ceux « qui ont donné de leur temps, de leur énergie, de leurs initiatives ou idées au Salon en particulier, à l’agriculture en général ».

« Mon père arrive à 68 ans et il ne peut plus prendre mon relais quand je m’absente longtemps pour rejoindre le XV de France », a-t-elle confié à Midi Olympique. « Quatre jours, une semaine ou deux cela va encore, mais là je vais partir trois semaines avec les Bleues et ça fait beaucoup. »

Auréolée du titre de Joueuse World Rugby de l’Année 2018, puis Joueuse de Rugby à XV de la Décennie en 2020, Jessy aura mené ses deux carrières de front pendant douze ans sans faillir. Elle compte néanmoins ne pas couper complètement, avouant avoir toujours « la flamme pour le rugby ». Elle compte encore jouer en jaune et bleu pour son club de l’AS Romagnat.

APPELEE PAR JOHN EALES

Membre du Comité des Joueurs de la Coupe du Monde de Rugby France 2023 à la demande de la légende australienne John Eales, Jessy Trémoulière a laissé une marque indélébile dans le rugby féminin mondial et ses cinq derniers matchs qu’elle espère jouer avec l’équipe de France d’ici la fin du Tournoi à Twickenham le 29 avril prochain devraient ponctuer une carrière riche.

Excellente au jeu au pied - elle a par exemple passé 76% de ses tirs au but dans le Six Nations depuis 2020, soit le meilleur taux de toutes les joueuses ayant tenté plus de 10 coups de pied – elle a contribué aux deux grands chelems de l’équipe de France en 2014 et 2018, à la médaille de bronze lors de la Coupe du Monde de Rugby 2014, puis à la médaille de bronze de France 7 féminin à Rio en 2016.

Absente en Irlande en 2017 pour cause de blessure (elle avait laissé sa place à Montserrat Amédée), elle a peu joué lors de la Coupe du Monde de Rugby 2021, jouée en 2022 en Nouvelle-Zélande, au terme de laquelle la France a fini sur la dernière marche du podium (deux sélections en six matchs, dont une fois titulaire). Pour autant, son apport à la discipline a été déterminant, devenant une des figures du XV de France féminin tout en faisant preuve d’une humilité qui l’honore.

« Ce n’est pas parce que j’ai eu des titres assez importants dans ma carrière que, ça y est, je suis la plus forte, je suis la meilleure », confiait-elle il y a peu à World Rugby. « C’est un peu l’éducation que j’ai reçue. Je ne me suis jamais crue arrivée parce que j’ai ma famille derrière qui me remet les pieds sur terre, même au niveau du staff de l’équipe de France ; parfois ils me le rappellent.

« Il faut toujours faire ses preuves, continuer de travailler et ne pas considérer que tout est acquis. C’est ma mentalité. Se dire qu’on est arrivée ou être hautain n’emmène rien à personne et la vie peut nous rattraper. Je suis restée moi-même, c’est ma personnalité. »