C'est lors d'une séance d'entraînement à Twickenham au début du mois de février que Simon Middleton a réuni les membres de l’équipe d'Angleterre pour leur annoncer qu'il quitterait ses fonctions de sélectionneur après le Tournoi des Six Nations féminin de 2023.

S'adressant à ses joueuses sur la ligne médiane, Middleton leur a demandé d'imaginer les sièges verts vides qui les entouraient occupés pour la finale de la Coupe du Monde de Rugby 2025 par 82 000 supporters.

Plus tard, dans le vestiaire, il les a informées qu'il ne serait plus présent avec l'équipe dans sa marche vers cet objectif ultime.

« Quelle a été la réaction ? Probablement le soulagement de quelques-unes », a plaisanté Middleton en début de semaine.

La décision a été difficile à prendre, à la suite de discussions avec le directeur des performances de la Fédération de rugby, Conor O'Shea.

En fin de compte, il en est arrivé à la conclusion qu'après neuf ans avec l'équipe, il était sans doute temps que les joueuses puissent bénéficier d'une autre vision des choses. D’autant que lui-même était prêt à relever un nouveau défi.

Bien que la deuxième défaite consécutive en finale de la Coupe du Monde de Rugby contre la Nouvelle-Zélande, à l'Eden Park le 12 novembre, ait été douloureuse, elle n'a pas influencé la décision de Middleton. Au contraire, il a même admis que la perspective d'entraîner l'Angleterre à la Coupe du Monde de Rugby 2025 avait presque réussi à le convaincre de rester.

« À l'approche de [2022], vous commencez à penser à ce qui va se passer après la Coupe du monde, car d'une manière ou d'une autre, il y aura de grandes décisions à prendre après une telle échéance », a expliqué Middleton.

« Et j'ai toujours pensé que, que l'on gagne ou que l'on perde, repartir pour un nouveau cycle serait une décision importante pour la RFU, mais aussi une décision importante pour moi, parce que neuf ans à cette place, c'est long, vous savez.

« Je pense que s'ils n'avaient pas annoncé que la Coupe du monde de 2025 se déroulerait en Angleterre, mon raisonnement pour cette Coupe du monde aurait été très clair et aurait été le suivant : "le moment viendra". Et je suis presque sûr que le moment est venu.

« La réflexion s'est donc poursuivie pendant longtemps, mais elle est devenue plus réelle après la Coupe du Monde 2021. Le dimanche 13 [novembre, le lendemain de la finale], j'ai beaucoup réfléchi.

« Mais ensuite, vous savez pertinemment que les émotions sont assez fortes pendant longtemps après un tel moment et que vous devez prendre un peu de temps. J'ai pris ce temps et je me suis dit : "Oui, il est probablement temps de relever un nouveau défi maintenant" parce que l'enthousiasme devrait être là et qu'il ne l'est pas."

Des regrets en Coupe du Monde de Rugby

Simon Middleton a commencé à travailler avec l'Angleterre en tant qu'entraîneur adjoint avant leur campagne victorieuse de la Coupe du Monde 2014, la même année où il a commencé à entraîner l'équipe féminine du pays dans le cadre des HSBC World Rugby Sevens Series.

Il a accédé au poste d'entraîneur principal en 2015, au départ conjointement avec l'équipe de rugby à sept, et a depuis emmené l'Angleterre en finale de la Coupe du Monde de Rugby en 2017 et 2022, remporté cinq titres des Six Nations et mené l'équipe sur une série record de 30 matchs gagnés.

« La Coupe du monde 2014 a été fantastique. Arriver dans le programme, avoir une telle implication là-dedans et être pleinement impliqué dans l'entraînement de votre pays à ce moment-là était absolument énorme », a confié Middleton.

« Le revers de la médaille, c'est 2017 et surtout l'année dernière, qui ont été des déceptions et des regrets énormes. Je regrette de ne pas avoir gagné deux autres Coupes du monde, c'est certain.

« Mais en dehors du XV, être impliqué dans le rugby à sept - un jeu que je n'avais jamais vraiment pratiqué, et encore moins entraîné - et finir par aller à Rio était fantastique. »

Middleton se souvient avec émotion du Tournoi des Six Nations féminin de l'année dernière contre la France à Bayonne - « un match incroyable » - et s'amuse de la fois où il a fait entrer les huit remplaçantes en même temps contre la même équipe à Twickenham.

Mais à ces souvenirs s'ajoutent « des tas de petites choses ». « Le fait de travailler avec différentes joueuses et différents membres du staff, des millions et des millions de moments vraiment drôles que nous avons partagés en tant que groupe sur le terrain et en dehors du terrain, a-t-il déclaré.

Un regard vers l'avenir

L'entraîneur World Rugby de l'année 2021 a révélé cette semaine que la deuxième-ligne anglaise Abbie Ward, actuellement enceinte, travaillera aux côtés de l'entraîneur des avants, Louis Deacon, pendant le Tournoi des Six Nations féminin.

Et il a exhorté la RFU à mettre tout son poids dans la formation des entraîneurs féminins pour l'avenir.

« D'un point de vue anglais, c'est le moment de se lancer dans la formation des entraîneures », a-t-il souligné. « Vous avez une génération de joueuses et beaucoup d'entre elles ont vécu presque une décennie de rugby professionnel.

« Je sais que les contrats ne sont pas à plein temps depuis si longtemps, mais il y a eu une influence significative sur ce à quoi ressemble le professionnalisme au sein du programme.

« Beaucoup de joueuses ont vécu cette expérience maintenant, elles sont donc très bien préparées pour devenir entraîneures, si elles le souhaitent. De ce point de vue, il y a un excellent potentiel d'entraînement et nous devons développer cet aspect. »

Le temps de jeu effectif a augmenté pendant la Coupe du Monde de Rugby 2021, tandis que les marges de victoire dans la phase de poule ont été réduites d'une moyenne de 37 points en 2017 à 26 en Nouvelle-Zélande.

Middleton, cependant, est conscient qu'il faut faire plus pour « s'assurer que la prochaine Coupe du monde et plus certainement la Coupe du monde suivante deviennent beaucoup plus compétitives ».

« Nous devons combler l'écart », a-t-il insisté. « Il faut investir, car il est évident que si vous voulez développer un programme, vous devez ajouter de l'expertise, des ressources et pour y arriver, vous devez investir dans les programmes. »

Mercredi 15 février, il a été annoncé que l'entraîneur des arrières, Scott Bemand, quitterait ses fonctions en même temps que Middleton, mais que son adjoint Deacon resterait en poste jusqu'à la Coupe du Monde 2025.

En attendant de consacrer plus de temps à la pêche à la ligne, Middleton n'a rien dit de ce que l'avenir lui réserve au-delà du Tournoi des Six Nations féminin.

Pour l'instant, son énergie est canalisée vers la réalisation d'un cinquième Grand Chelem pour son pays. Il est logique que son dernier match en tant que responsable soit contre la France à Twickenham.

« C'est une grande étape », a-t-il reconnu. « Mais écoutez, c'est une grande étape pour l'équipe aussi. C'est notre premier [match] tout seul à Twickenham, les ventes de billets sont déjà excellentes, ça a le potentiel d'être un match fantastique.

« Nous devons d'abord régler tous les autres détails et nous verrons ensuite ce qui va se passer.

« Vous savez, je ne pourrais pas imaginer un meilleur endroit pour quitter la scène qu'à Twickenham, mais il ne s'agit pas de moi, il s'agit de cette occasion et j'espère que nous serons dans une position où nous pourrons essayer de réaliser le Grand Chelem. »