Après avoir passé près d'un an éloigné du rugby, Lyn Jones est revenu en septembre au sport qu'il a respiré tout au long de sa vie.

Jones, qui s'est remis d’un cancer de la prostate, est depuis quatre mois l'entraîneur principal des Pays-Bas, poste qu'il a occupé avec la Russie jusqu'à ce qu'il démissionne pour se concentrer sur sa santé.

En plus des trois années passées à la tête de la Russie, il a entraîné à Abu Dhabi et en Namibie, ainsi que plus près de chez lui, à Neath, au Pays de Galles, et en Angleterre.

Pour lui, le rugby et les voyages sont une seconde nature.

« Ça a toujours été ma vie, depuis mon plus jeune âge. À 20 ans, je suis allé en Afrique du Sud pour jouer pendant une saison, en 1985, et aussi pour en savoir plus sur les joueurs qui étaient bannis », raconte-t-il.

« Je me souviens encore que ma mère m'a dit, vas-y et enlève-toi ça de la tête une bonne fois pour toutes. Mais ça ne s'est pas passé comme ça, ça a fait le contraire, c'est resté dans ma tête et depuis, j'ai toujours eu un passeport et une valise. »

LES BATTERIES RECHARGÉES

En succédant à Zane Gardiner, le Gallois a hérité d'une équipe qui a terminé au plus bas niveau pour sa première saison dans la deuxième division du rugby européen depuis deux décennies.

Mais l'homme de 58 ans n'est pas du genre à reculer devant un défi et la possibilité de revenir à ce qu'il fait le mieux, et qu'il aime, ne pouvait pas être refusée.

« Le métier d'entraîneur n'est pas facile et chaque poste que vous occupez comporte ses propres défis. Si c'était facile, tout le monde le ferait.

« De même, les Pays-Bas ont leurs propres défis et pas mal de points positifs. Lorsque vous êtes responsable, vous devez vous-même être motivé pour pouvoir motiver tous ceux qui vous entourent, et après mon expérience en Russie, je n'arrivais vraiment plus à me motiver.

« Après cinq ou six mois, j'ai commencé à m'ennuyer un peu et j'ai senti que j'étais prêt à m'impliquer à nouveau.

« Je ne peux pas m'empêcher de regarder des matchs de rugby et de voir des trucs, et je me dis que je peux être utile dans ce domaine. C'est quelque chose que j'ai fait toute ma vie, c'est ma passion. »

Dans un pays où près d'un cinquième des terres sont gagnées sur la mer, le rugby néerlandais a besoin de fondations solides, construites sur la terre ferme plutôt que sur des marécages, pour progresser et atteindre l'objectif de son plan stratégique, à savoir se qualifier pour la Coupe du Monde de Rugby 2031.

LA VOIE DE LA REUSSITE

La clé de ce processus pourrait bien être la Rugby Europe Super Cup, qui est, depuis 2021, conçue pour les pays émergents en rugby à XV de la région afin de réduire les disparités entre compétitions nationales et internationales et qui est en train de devenir aussi essentielle au parcours de développement en Europe que la Superliga Americana de Rugby l'a été pour la réussite de pays comme le Chili et l'Uruguay en Amérique du Sud.

Soutenue financièrement par World Rugby, la Super Cup contribue à combler le fossé entre les ligues de clubs nationales - l'Ereklasse, dans le cas des Pays-Bas - et le rugby international.

La franchise néerlandaise, le Delta, s'est battue pour gagner au cours des deux premières années de la compétition, mais Jones, qui a supervisé la campagne la plus récente fin 2022, pense que l'adhésion des clubs et la mise à disposition des joueurs peut aider les Pays-Bas à progresser et, en fin de compte, à être compétitifs dans le Rugby Europe Championship.

« C'est un point de départ essentiel vers le rugby professionnel aux Pays-Bas », affirme-t-il.

« Le rugby sud-américain est en plein essor et il va conquérir le monde si nous ne faisons pas attention et si nous ne suivons pas le même rythme. Ils jouent dans des compétitions transfrontalières depuis quatre ou cinq ans maintenant et, tout à coup, ce n'est pas seulement l'Argentine qui participe à la Coupe du monde, mais aussi l'Uruguay et le Chili.

« J'ai été impliqué avec la Russie lorsque nous avons joué contre le Chili et j'ai vu leur croissance, j’ai admiré ce qu'ils ont fait et la même chose peut être réalisée en Europe avec des pays comme les Pays-Bas, mais cela exige de l'engagement.

« Si les Pays-Bas veulent jouer dans la cour des grands, ils ont besoin de meilleurs joueurs, d'un meilleur encadrement et d'une compétition transfrontalière ; ce sont tous les ingrédients nécessaires à la réussite d'une nation (de rugby). Ce n'est pas révolutionnaire, c'est un vieux plan que World Rugby préconise et qui a fait ses preuves.

« Steve Hansen a dit un jour que tout le monde veut aller au paradis mais que personne n'est prêt à mourir. Nous devons tous renoncer à certaines choses pour arriver au sommet.

« Il y a beaucoup de bons athlètes, beaucoup de bons joueurs aux Pays-Bas - et certains jouent à l'étranger - mais la structure est encore un peu en retard, et nous devons tous faire des progrès dans ce domaine. »

UN PAS DE GÉANT

Le Delta n'a remporté qu'un seul match lors de chacune des deux premières saisons de la compétition, mais Jones a déjà pu constater sa valeur.

« Les deux premières années ont été très difficiles pour les Pays-Bas et la Belgique en Super Cup, car l'engagement manquait, l'organisation n'était pas bonne et tout était nouveau. Mais les choses s'améliorent. Je viens de passer huit semaines dans cette équipe, en septembre et octobre, et j'ai beaucoup apprécié.

« C'était un grand pas en avant pour les joueurs qui y ont participé et, par conséquent, beaucoup d'entre eux ont été intégrés à l'équipe nationale.

« Oui, le but de cette compétition est de gagner, mais il s'agit aussi d'améliorer les performances. Oui, nous avons perdu, mais nous sommes en train d'améliorer notre jeu et les joueurs commencent à comprendre la responsabilité de leur rôle dans la structure, dans le jeu et dans le plan.

« Nous avons 50 bons joueurs et dans ces 50, je dois trouver qui sont les meilleurs joueurs et constituer une équipe. Ça prend du temps, mais c'est pour cela que le Delta est là, pour accélérer une grande partie de ce développement. Si les clubs néerlandais n'adhèrent pas au Delta, nous finirons par régresser. »

Les Pays-Bas vont débuter le Rugby Europe Championship reformaté par un match contre l'Espagne, à Madrid, le 5 février.

Ce serait une énorme surprise s'ils parvenaient à s'imposer dans ce qui sera le deuxième test de Lyn Jones, le premier s'étant soldé par une défaite 37-25 contre le Canada à Amsterdam en novembre.

Les Pays-Bas n'ont jamais battu Los Leones en 15 tentatives et ont subi une défaite 43-0 lors de la compétition de la saison dernière.

Jones affirme qu'il n'est pas un faiseur de miracles et a appelé à la patience alors qu'il tente de libérer le potentiel de son pays.

« Il est tout à fait possible pour le rugby néerlandais de rivaliser avec des pays comme l'Espagne, le Portugal, la Roumanie et la Géorgie, mais plus tard, pas tout de suite. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, il y a un processus, une adhésion et une voie de développement à respecter.

« Ça va bien au-delà que la simple arrivée d'un nouvel entraîneur. Si vous parvenez à rassembler tous les éléments, vous pouvez mettre en place une équipe compétitive. Il faut que nous ayons ces éléments en main.

« Si vous voulez être compétitif, vous devez avoir un pack de base fort, la Roumanie et la Géorgie dominent les équipes à ce niveau. Il s'agit de savoir comment faire un maul, défendre un maul et comment obtenir une pénalité à la mêlée. Ces nations savent comment faire. Pas nous. Nous sommes encore un peu naïfs mais ça va venir avec le temps. »