La troisième victoire de l'année de la France contre le Japon à la fin de l'Autumn Nations Series a permis aux Bleus de terminer l'année 2022 sur un bilan impeccable.

En enregistrant sa 10e victoire en 10 rencontres, la France a été la troisième équipe masculine des nations établies à remporter un bilan de 100% de victoires au cours d'une année civile dans l'ère professionnelle, après la Nouvelle-Zélande en 2013 (14/14) et l'Angleterre en 2016 (13/13).

Le premier Grand Chelem de la France en 12 ans a jeté les bases d'une année mémorable au cours de laquelle les Bleus ont confirmé leur crédibilité comme l'un des principaux candidats à la Coupe du Monde de Rugby 2023.

Après le succès du Tournoi des Six Nations, le pays hôte de la Coupe du Monde de Rugby 2023 a envoyé une équipe B au Japon pendant l'été, mais a tout de même remporté la tournée 2-0, avant que l'Australie, l'Afrique du Sud puis à nouveau le Japon ne soient battus lors de week-ends consécutifs en novembre.

L'entraîneur de la défense, Shaun Edwards, affirme que le secret de leur réussite est qu'ils « s'entraînent moins et qu'ils récupèrent plus ».

Au cours de leur parcours sans faute, les Bleus ont fait preuve de tout le flair offensif pour lequel ils sont réputés. Ainsi, l’incroyable Damian Penaud a terminé l'année civile comme le meilleur marqueur d'essais parmi les nations établies, avec huit réalisations.

Mais la défense, dirigée par l'infatigable Shaun Edwards, a joué un rôle tout aussi important puisque les Bleus ont concédé le moins d'essais par match en moyenne (1,7) que toute autre équipe.

Dans l'Autumn Nations Series, seule l'Italie a concédé moins de pénalités que la France (29), dont trois pour jeu déloyal.

Fait remarquable, la France a traversé toute l'année sans recevoir un seul carton jaune et sa seule ombre au tableau en matière de discipline a été le carton rouge infligé à Antoine Dupont lors de la victoire 30-26 contre l'Afrique du Sud dans l'avant-dernier match de la saison.

SE METTRE EN JAMBES

Maintenant que cette année sans précédent est terminée, Shaun Edwards nous a livré son analyse match par match, bloc par bloc, en nous rappelant que l'année n'avait pas démarré sous les meilleurs auspices.

« Nous avions eu un stage de préparation difficile, la première semaine. Certains joueurs avaient le Covid-19, d'autres des blessures légères. Normalement, on travaille dur pendant cette première semaine et, à cause des blessures et des maladies, nous n'avons pas pu le faire, du moins pas à l'intensité que nous aurions souhaitée. Ce que nous devions faire, c'était nous remettre en selle et je pense que nous l'avons fait contre l'Italie », dit-il.

Le score 37-10 laisse penser que la France s'est imposée largement au Stade de France, mais les Azzurri ont lancé un signal en marquant le premier essai, à la fin du premier quart-temps, grâce au débutant Tommaso Menoncello.

L'Italie n'était menée que de deux points à la pause, mais un triplé de Gabin Villière a permis à la France de prendre le large en seconde période.

« Nous n'avons pas pris le meilleur départ, mais ce dont je suis vraiment satisfait, c'est la façon dont nous avons géré la situation », poursuit Shaun Edwards.

« Nous n'avons pas essayé de régler le problème tout de suite ou de surjouer, c'était une journée humide et les conditions n'étaient pas idéales, mais nous sommes lentement revenus dans le jeu.

« Nous avons botté pour gagner du terrain, obtenu quelques pénalités, marqué un essai, puis un autre, et nous sommes revenus dans le match. C'était une façon très sage de gérer la situation.

« Gabby a profité du bon travail qu'il a fait à l'intérieur et ça ne pouvait pas arriver à un meilleur garçon, c'est un type formidable. »

RÉUSSIR LE GRAND TEST CONTRE L'IRLANDE

Sans vouloir manquer de respect à l'Italie, qui s'est montrée à la hauteur le reste de l'année, le match contre l'Irlande, lors de la deuxième journée du Tournoi des Six Nations 2022, trottait dans un coin de la tête des Français.

« L'Irlande avait été en grande forme, il n'y a aucun doute là-dessus. Les gars ne sont pas bêtes, ils savaient que c'était un énorme défi, pour eux et pour nous », admet Edwards. 

La France a mené dès l'instant où Antoine Dupont a marqué après 67 secondes, mais le résultat n'a jamais été certain jusqu'au coup de sifflet final de l'arbitre Angus Gardner.

Après une rencontre titanesque à Paris, la France s'est finalement imposée 30-26.

« J'ai été satisfait de la façon dont nous avons marqué des points grâce à notre défense dans ce match. Nous avons été très présents dans les rucks, ce qui est indispensable contre l'Irlande car ils sont superbes dans ce domaine.

« Au rugby, la défense aide l'attaque et l'attaque aide la défense, c'est pourquoi il est si important d'être bon dans les deux domaines. »

La France a encaissé trois essais contre deux et Edwards affirme que l'essai de Mack Hansen - où l'ailier irlandais au casque de mêlée a sauté haut pour arracher le ballon dans les airs à partir d'un renvoi - a été un signal d'alarme pour son équipe.

« La réception des renvois est une chose sur laquelle nous avons dû travailler très dur au cours des 12 derniers mois, et sortir de notre moitié de terrain au moment du renvoi, car c'est une grande partie du match - presque comme une troisième phase statique. »

LE COUP DE MAÎTRE DE GALTHIÉ PORTE SES FRUITS

Après avoir remporté deux victoires consécutives, le groupe français a passé du temps en famille, ce qui lui a permis de recharger ses batteries avant les rencontres en Écosse, au Pays de Galles et en Angleterre.

« Ce que Fabien (Galthié, le sélectionneur de l'équipe de France, ndlr) a décidé de faire, et c'est un coup de maître de sa part, c'est de renvoyer les gars chez eux. Ils ont continué à s'entraîner à la maison et nous nous sommes retrouvés le dimanche suivant.

« Huit ou neuf semaines dans un stage de préparation peuvent parfois être très, très éprouvantes. Il a donc décidé de leur laisser plus de temps de repos et de récupération et je pense que cela a joué un grand rôle dans notre victoire au Tournoi des Six Nations. »

RÉÉCRIRE L'HISTOIRE À MURRAYFIELD

Après avoir remporté deux victoires à domicile, la France devait se rendre à Murrayfield lors de la troisième journée, un lieu où elle avait connu la défaite lors de ses trois précédents déplacements dans le Tournoi des Six Nations.

Mais la France a réalisé une performance très aboutie et a réécrit l'histoire avec une victoire 36-17.

« Nos gars étaient vraiment, vraiment gonflés à bloc pour ce match ; le goût de la défaite est très motivant », révèle Edwards. 

« Romain (Ntamack) a été merveilleux ce jour-là, et Antoine (Dupont) a été excellent en défense. Quand votre charnière joue bien, normalement votre équipe joue bien. »

UNE VICTOIRE SANS APPEL AU PAYS DE GALLES

La victoire contre l'Écosse était un autre pas important vers le Grand Chelem du Six Nations, mais un autre obstacle difficile les attendait : le Pays de Galles.

Compte tenu de sa longue collaboration avec l'adversaire en tant qu'ancien entraîneur de la défense, la victoire 13-9 était particulièrement significative pour Shaun Edwards.

« Ce qu'il y a de bien avec le rugby, c'est que certaines personnes aiment voir des matchs 35-34 et d'autres aiment voir des batailles difficiles et tactiques où les défenses sont d'un très haut niveau et où le jeu de coups de pied et les phases statiques sont une bataille. Je fais partie de cette dernière catégorie.

« Ne vous méprenez pas, j'aime aussi voir des essais - tant qu'ils ne vont pas à notre encontre - et c'était un match où la défense a essayé d'étouffer l'attaque.

« Le coup de pied de Dan Biggar ce soir-là était phénoménal. Il ne méritait probablement pas d'être du côté des perdants, tout comme d'autres Gallois, mais nous avons réussi à gagner un match que nous aurions peut-être perdu deux ans auparavant. »

UN GRAND CHELEM CONTRE L'ANGLETERRE

Les débats sur le Grand Chelem étaient désormais au cœur de l'actualité, et Edwards affirme que les Bleus ont profité de cette attention plutôt que de fuir les projecteurs à l'approche de la finale contre l'Angleterre.

« Après le match contre le Pays de Galles, nous avons en quelque sorte mérité cette "semaine du Grand Chelem", que j'ai eu la chance de vivre trois fois avec le Pays de Galles, où vous savez que le trophée du Six Nations est en jeu.

« Il y a beaucoup de presse, vous avez beaucoup d'attention sur vous et, avouons-le, vous l'avez mérité et je pense que les gars ont apprécié la préparation.

« Et évidemment, c'était contre l'Angleterre qui est une équipe exceptionnelle et une équipe qui nous a battus les deux dernières fois, de justesse, mais néanmoins ils nous ont battus. »

Décontractés face à la tâche à accomplir, les Français ont surclassé l'Angleterre quand il le fallait et ont réalisé leur premier Grand Chelem en 12 ans avec une victoire confortable 25-13 à Paris.

« Nous n'avons jamais été menés, mais l'Angleterre a senti qu'elle pouvait revenir à la charge en deuxième mi-temps. Mais quand Antoine a marqué l'essai, je pense que c'était fini. Il a répondu présent à un moment crucial, ce qui est l'habitude des grands joueurs. »

UN AUTRE TROPHÉE POUR LA COLLECTION D'EDWARDS

Pour Shaun Edwards, qui avait rejoint le staff des entraîneurs français après la Coupe du Monde de Rugby 2019, après 11 années riches en trophées avec le Pays de Galles, le sentiment était plus un soulagement qu'une célébration.

« J'avais été recruté ici comme une personne qui avait gagné quatre Tournois des Six Nations auparavant, et comme quelqu'un qui avait remporté de nombreux trophées pour les Wasps et le Pays de Galles, et passer les deux premières années sans les gagner reposait assez lourdement sur mes épaules », reconnaît-il. 

« Pour moi, c'était un soulagement absolu de voir que nous avions réussi avec cette équipe jeune et en progrès et que les choses sur lesquelles nous avions travaillé à l'entraînement - avoir plus de contrôle dans les 10-15 dernières minutes des matchs et d'autres choses de ce genre - avaient porté leurs fruits.

« Le soutien que nous avons reçu de la part des supporters français était assez exceptionnel. Si vous rendez vos supporters vraiment fiers de leur équipe, de leurs gars ou de leurs filles, alors vous faites du bon travail.

« Les supporters ne sont pas stupides, ils voient quand une équipe travaille dur, ils voient une équipe qui a la bonne attitude et ils voient une équipe qui ne reculera pas. »

LES DOUBLURES FONT BONNE FIGURE AU JAPON

Avec de nombreux joueurs de premier plan au repos après une campagne de Top 14 longue et ardue, la série de victoires de la France aurait pu facilement dérailler lors de la tournée de deux tests au Japon.

Cependant, la force de la France a été plus évidente que jamais, car les jeunes et les joueurs occasionnels à qui l'on a confié le maillot se sont montrés à la hauteur de la situation pour remporter deux victoires, 42-23 et 20-15.

« Je pense que c'était une chose merveilleuse d'aller là-bas et de repartir avec deux victoires, car ça arrivait après une longue et dure saison de Top 14, et les matchs ont été joués dans des conditions de chaleur extrême, c'était étouffant, c'est ce qu'on m'a dit », raconte Edwards, qui est resté en France tout comme Dupont et le capitaine Charles Ollivon.

« Vous entrez dans le mois de juillet et certains de ces gars jouaient depuis près de 11 mois à ce stade, et s'entraînaient certainement depuis aussi longtemps, mais la motivation était toujours aussi forte.

« J'ai trouvé que c'était une très bonne performance, de la part de ce qui n'était pas ce que vous appelleriez notre équipe première, contre une grande équipe du Japon qui, par le passé, a donné du fil à retordre à beaucoup de grandes équipes. »

LES WALLABIES ONT INQUIÉTÉ LA FRANCE

Le match d'ouverture de l'Autumn Nations Series contre l'Australie était le premier match de l'équipe de France depuis la victoire contre l'Angleterre en mars. Les Bleus ont été soulagés de remporter une victoire exceptionnelle 30 à 29.

« Nous avions quelques blessés au début des Series et j'étais très inquiet pour le match contre l'Australie car je sais que ce pays est une vraie menace. Quand ils se présentent avec la bonne attitude et quand ils ont quelque chose qui ressemble à leur meilleure équipe, pour moi, c'est une équipe de haut niveau », explique Edwards. 

« Il ne faut pas non plus oublier que nous n'avions pas joué ensemble depuis sept ou huit mois. On ne peut pas vraiment compter le Japon parce que ces tests étaient avec une équipe différente. Il n'est pas facile pour les gars de retrouver leur forme immédiatement, mais je pense que nous nous en sommes très bien sortis.

« J'ai trouvé que notre défense était bonne, même si nous avons concédé pas mal de points. Ils ont marqué un essai (par Lalakai Foketi) à partir d'un turnover, ce qui était incroyable, vous aviez presque envie de vous lever et d’applaudir tellement c'était beau. Mais nous avons créé beaucoup de turnovers au niveau des rucks, je pense qu'il y en a eu neuf ou dix, et notre attaque en a bénéficié.

« C'était probablement un bon exemple de ce qu'est le rugby international en ce moment : beaucoup de points et beaucoup de scores serrés. Soyons honnêtes, c'est assez excitant. Les joueurs plus âgés qui disent que le rugby n'est plus aussi bon qu'avant me laissent parfois perplexe. »

RESPECT ULTIME POUR RAMOS

C'est l'essai de Damian Penaud en fin de match qui a permis à la France de remporter sa onzième victoire consécutive, un record, mais Thomas Ramos a également apporté une énorme contribution en marquant 20 points.

« Il a mon plus grand respect, Thomas Ramos, car il a montré quel combattant il est. Je suis fier de l'avoir entraîné », s'enthousiasme Edwards. 

« C'est un joueur tellement intelligent, il est si malin, et son jeu de placement est brillant. Si vous regardez le nombre de fois qu'il attrape le ballon en pleine course lorsque quelqu'un le botte, ce n'est pas par accident, c'est grâce à son instinct.

« Je pense qu'il n'a pratiquement pas manqué de tirs au but non plus, il était à plus de 80 %, ce qui est vital dans le rugby moderne. »

BATTRE LES MEILLEURS

La France a ensuite affronté et battu les champions du monde en titre, l'Afrique du Sud, 30-26 à Marseille, malgré le carton rouge de Dupont pour avoir chargé Cheslin Kolbe dans les airs.

Pour Edwards, il s'agissait d'une victoire historique.

« Le classement de World Rugby est génial pour les fans, pour voir où en est leur équipe, et je sais que l'Irlande est en tête. Mais, pour moi, l'Afrique du Sud est la meilleure équipe au monde parce qu'elle est championne du monde en titre et je pense que pendant une grande partie de l'Autumn Nations Series, elle a joué comme une championne du monde.

« Ils étaient tout ce dont les gens parlent - ils étaient puissants et physiques et probablement les meilleurs au monde dans les mauls et les mêlées - mais ils sont bien plus que cela.

« Ils sont tellement rapides sur les côtés et marquent beaucoup d'essais depuis l'intérieur de leur propre camp, alors les battre était merveilleux. »

ÉCHAUFFEMENT POUR LA COUPE DU MONDE DE RUGBY

Après avoir pris un avantage de 21-3 à la mi-temps, la France a battu le Japon 35-17 lors de son dernier test de l'année.

En jouant trois grands tests en autant de week-ends consécutifs, la France a profité de l'Autumn Nations Series comme d'une répétition générale pour les phases à élimination directe de la Coupe du Monde de Rugby.

« Jouer en quart de finale, en demi-finale et en finale est une chose très difficile à faire, et même si nous ne prétendons pas y aller à coup sûr, c'était la seule chance que nous avions de reproduire la situation », révèle Edwards. 

« Nous avons essayé de mettre la pression sur les joueurs (en les confrontant dans un scénario de Coupe du Monde de Rugby), pour voir s'ils étaient assez forts mentalement pour réaliser trois performances consécutives de haut niveau.

« Nous avons eu quelques problèmes avec notre défense sur les rucks, c'était un peu lent par moments, mais c'était plus technique, l'attitude était très bonne.

« S'il y a bien une équipe qui joue pendant 80 minutes, c'est le Japon, ils ne cèdent jamais et nous avons fini par avoir une victoire correcte. »